Marafa Hamidou Yaya: Les soubresauts d’agonie politique

YAOUNDÉ - 22 Mai 2012
© Dr Simon Pierre MFOMO | La Météo

En dépit des dispositions claires de notre constitution , l'ancien ministre, pourtant soupçonné d'avoir, en coaction, détourné les fonds publics destinés à l'achat d'un avion présidentiel, au lieu d'affiner sa ligne de défense, continuede faire des notes à ce dernier, en guise de plaidoyer.

«La justice est rendue sur le territoire de la république au nom du peuple Camerounais» (art 37 alinéa 1 de la constitution du Cameroun).
«Le pouvoir judiciaire est exercé par la cour suprême, les cours d'appel, les tribunaux. Il est indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif. Les magistrats du siège ne relèvent dans leurs juridictionnelles que de la loi et de leur conscience» (art 37 alinéa 2).

En dépit des dispositions claires de notre constitution ci-dessus, l'ancien ministre, pourtant soupçonné d'avoir, en coaction, détourné les fonds publics destinés à l'achat d'un avion présidentiel, au lieu d'affiner sa ligne de défense, continue, nostalgique de la belle époque pendant laquelle il dit avoir été le «confident» du chef de l'Etat, de faire des notes à ce dernier, en guise de plaidoyer. C'est une tragi-comédie, dans la mesure où, le président de la république garant de l'indépendance de la justice, n'est ni un premier, ni un deuxième, ni même un énième degré de juridiction.

Ainsi donc, à lire la deuxième note d'actualité de Monsieur Marafa, note voulue critique sur le code électoral récemment promulgué par le Président de la République et présentée sous la forme épistolaire, on pourrait dire à titre prolégoménal que tous ceux qui rêvent de l'émergence de l'Etat démocratique au Cameroun ne peuvent que se féliciter de l'élargissement de l'espace public que suggère le mode de communication que vous évoquez. Au - delà de la participation politique à travers les réseaux sociaux, laquelle est une innovation du monde moderne (le Net), nous enregistrons là une forme de participation politique sui generis dévoilant les réflexions proposées par certains pénitenciers sur différents aspects de la vie politico-institutionnelle de notre pays, notamment «l'opération épervier», la gouvernance électorale et la question de la succession à la tête de l'Etat.

A la lisière de ce qui précède, il me semble que Monsieur Marafa qui devient le parangon de cette forme de communication, n'a toujours pas pris la mesure de la gravité des charges qui pèseraient sur lui, en l'occurrence le détournement des deniers publics destinés à l'achat d'un avion présidentiel qu'on évalue à plusieurs milliards de FCFA. En attendant que la Justice saisie du dossier fasse toute la lumière sur cette affaire qu'il a, lui-même qualifiée de «scabreuse» et, comme nous le souhaitons tous, l'innocente, l'ancien Ministre, s'il a jamais eu le sens de l'Etat et de l'honneur, gagnerait à faire profil bas (comme par exemple Monsieur DSK en France).

Malheureusement, ses lettres à répétition laissent penser que ses 17 années de hautes fonctions n'auront pas suffi à lui inculquer la culture de l'Etat et du service public. Dans la mesure où, obnubilé par le pouvoir, il ne comprend toujours pas que lorsqu'on est convaincu de vénalité, on perd toute crédibilité pour prétendre assurer les charges publiques. La privatisation du patrimoine public, c'est l'antithèse par excellence de l'Etat de droit. Elle représente politiquement dans ce contexte pour tout acteur sociopolitique, la pierre tombale.

Malheureusement, aveuglé par l'ambition politique, celui qui s'autoproclame «dauphin de Paul Biya» peine à sortir «de cette cité de l'illusion où ne sont visibles que les ombres des choses» (Socrate). Il finit ainsi par s'engluer dans la formulation d'observations creuses sur des aspects superfétatoires par rapport aux enjeux véritables du code électoral Camerounais, non sans revendiquer étonnamment le monopole du discours (légitime?) sur les questions électorales. L'on pourrait apporter des précisions utiles à sa compréhension peu conforme et peu confortable de certaines dispositions du code électoral qu'il critique; alors même que l'avènement de celui-ci est largement salué.


1-Sur la délivrance du récépissé présenté comme corruptogène.

Il est à rappeler que le récépissé d'inscription délivré à l'électeur est utile à ce dernier dans le cadre du contentieux préélectoral relatif aux inscriptions. Il ne saurait, à l'ère des inscriptions biométriques, favoriser les votes multiples et, fausser par là, la transparence ou la Justice électorale.


2-Sur le vide juridique concernant l'article 74 (a12).


Disons tout simplement que le manquement constaté par l'ancien Minatd, procède d'une interprétation enfermée dans le carcan des «Lampions allumées», puisque, avec le recul nécessaire, l'on peut, à partir d'une explication soucieuse de respecter l'esprit et la lettre de la disposition visée, relever que l'article sus-spécifié, en disposant qu'en cas de refonte, le Directeur Général des Elections peut proroger la période prévue à l'article 74 al 2 pour une durée n'excédant pas trois mois, emporte attribution de compétence en matière de fixation des délais relatifs au travail technique préélectoral lié à la publication des listes électorales, lequel le cas échéant, ne relève plus du législateur.


3-A propos de l'arrêt de la campagne à l'avant-veille de l'élection.

Cette proposition relève du mimétisme institutionnel, à rapprocher au flagrant délit de vol des idées imputables à Monsieur Marafa dans sa tentative intellectuellement malhonnête et paresseuse de transposer au Cameroun, une analyse valable pour la Société Française, analyse exposée par Monsieur Alain Peyrefitte dans son ouvrage «La société de confiance» publiée en 1995. Or, ce n'est pas parce qu'on fait quelque chose ailleurs que le Cameroun devrait s'y aligner obligatoirement, sans dialectique. Il convient, au préalable, de montrer en quoi l'inobservance d'une règle, comme l'arrêt de la campagne électorale à l'avant-veille du scrutin, nuirait à la tenue d'élections libres, justes, transparentes... Pas simple.

Il faut donc en convenir avec le juriste consult Sieyes que: «Urbi societa». «Ibi Jus», où il y a société, il y a droit. C'est dire que c'est la société qui secrète le droit qui est du reste, à l'image de celle-ci. Malheureusement, les critiques formulées, d'une manière générale, sur le Code électoral camerounais, n'intègre pas les spécificités économiques socio-politiques et socio anthropologiques du Cameroun. Pourtant, s'il existe un Jus Cogens international sur la gouvernance électorale, celui-ci doit éviter de revêtir la forme d'une perruque institutionnelle qui pourrait s'avérer: soit trop grande, soit trop petite pour le Cameroun. C'est dire que les principes économiques de la gouvernance électorale vertueuse défendus par les acteurs influents du consensus de Washington, poseront toujours chez nous, comme ailleurs, le problème de leur adaptabilité.


4- S'agissant du vote du code électoral par voie référendaire.

L'ancien ministre autoproclamé «spécialiste des questions électorales», fait du référendum, parce que celui-ci bénéficierait du préjugé consensuel, la voie idoine pour le vote du Code Electoral, tout en confondant consensus et unanimité.

D'abord, il est utile de savoir que l'option pour la voie parlementaire, ou celle référendaire, intègre plusieurs rationalités, dont les rationalités financières et technocratiques, entre autres. Sur quelle base l'ancien ministre fonde-t-il alors son choix? On ne sait.

Ceci dit, nous sommes dans un Etat polyarchique, lequel induit l'implication d'acteurs multiples dans le processus décisionnel. Dans le domaine qui nous concerne ici par exemple, outre les acteurs du «dedans» (gouvernement, partis politiques, Elécam, Société Civile prodé¬mocratique...), l'on observe symétriquement une mobilisation d'acteurs dominant les espaces internationaux et transnationaux globalisés du consensus de Washington. Ce faisant, en étant avisé de ces éléments pragmatiques qui traduisent, entre autres, l'affaiblissement de la puissance publique en tant que commandement, l'on ne saurait soutenir, sauf à avoir une perception bien ciblée du consensus, la thèse d'un code électoral camerounais non consensuel, sous le fallacieux motif qu'une certaine opposition parlementaire, par ailleurs coutumière de la logique de la chaise vide pour exister, a boycotté les délibérations finales de la loi n° 2012/001 du 19 avril 2012 portant code électoral.

On se doit à la vérité de reconnaître, d'une part, que la validation du code visé n'a pas été rectiligne. Elle a été précédée plutôt d'un marchandage politique entre différents acteurs (locaux et transnationaux), œuvrant tous pour l'amélioration de la gouvernance électorale au Cameroun, dans le cadre de plusieurs espaces de concertation initiés par Elécam et le gouvernement, notamment en vue de l'harmonisation des législations électorales existantes. D'autre part, ce code qui a par ailleurs fait l'objet de vives discussions parlementaires marquées par l'affirmation de l'autonomie de la représentation nationale, laquelle a imposé 300 amendements, intègre les propositions essentielles formulées dans les rapports des observateurs électoraux sur le déroulement de la dernière présidentielle; mais aussi celles des citoyens-électeurs (la limitation du droit à la candidature en vue d'éviter le piège des démocraties électorales cosmétiques, ou ce que Patrick Quentin appelle des «Elections pas comme les autres»; la réforme d'Elécam dans le sens de la définition d'une hiérarchie claire entre l'organe de direction et le conseil électoral...)

Pour conclure sur la demande du référendum, il est tout compte fait, ahurissant de constater que «l'expert en questions électorales» s'insurge encore contre le rejet de sa proposition faite en violation de la loi organisant le référendum qu'il a lui-même défendue devant l'Assemblée Nationale en son temps, laquelle a été intégrée dans le Code Electoral harmonisé en son article 197 qui limite les matières pouvant être soumises à la consultation référendaire ainsi qu'il suit:

- des projets de loi portant organisation des pouvoirs publics ou révision de la constitution, - des projets de loi tendant à la ratification des accords ou des traités internationaux présentant, par leurs conséquences, une importance particulière,

- certains projets de réforme portant sur le statut des personnes et le régime des biens. Vous avez dit ignorance, ou mépris des lois de la République? Les deux assurément, si l'on considère l'arrogance affichée par un homme au moi hypertrophié par l'ambition maladive.

Monsieur Marafa, au regard de toutes les insuffisances relevées plus haut, devrait alors s'inscrire à l'école de Platon pour qui: «la politique relève de la science (épistèmê) et non d'une technique (la pétrolière par exemple), elle renvoie à un savoir et non à l'opinion. La possession du savoir vrai autorise celui qui le détient à commander. La science politique fonde l'autorité politique, tel le pilote impose son autorité absolue à ceux qui ne savent pas...» Que non, le dauphin devant l'éternel, inapte à accéder à l'intelligible, dit avoir derrière son occiput, un projet fondé sur «les exigences de paix et de Justice» et, demande au Chef de l'Etat, de «laisser les camerounais choisir leurs représentants et leurs dirigeants».

En réalité, l'ancien ministre plagie la politique du Président Paul BIYA, son mentor, celui-là même qui lui a donné une existence politique au Cameroun. Marafa aurait-il donc un projet pour la paix et la justice? Qui pourrait le croire, venant de quelqu'un soupçonné d'avoir confondu les caisses de l'Etat avec ses comptes privés, et dont le fameux projet pourrait être légitimement perçu comme celui de la privatisation de l'Etat? D'après tout, les pires dictateurs de l'histoire ne s'étaient-ils pas, eux aussi, réclamés de la démocratie et des droits de l'homme? Mais, les exigences de paix et de justice sont déjà, depuis des lustres, au Centre de l'action politique du Président Paul Biya.

En effet, pour nous appuyer sur un passé récent, lorsque ce dernier, du haut de la tribune du Palais des congrès, à l'occasion du dernier congrès extraordinaire du Rdpc, annonce, sous les applaudissements nourris des congressistes, y compris Monsieur Marafa, membre du bureau politique de ce parti, que: «ceux qui se sont enrichis au détriment du trésor public, vont devoir rendre-gorge sans discrimination aucune», de quoi s'agit-il d'autre? Sinon que de combattre les inégalités, afin de préserver la paix sociale dans notre pays et protéger le patrimoine public? Et c'est Justement au nom de ces exigences de Justice et de Paix que l'ancien ministre a été traduit devant la Justice Camerounaise. Nous sommes là dans l'action, non dans l'affichage fétichiste. Monsieur Marafa a un devoir de vérité. Il doit dire aux camerounais à quoi ont servi les fonds publics alloués à l'achat de l'avion présidentiel. A cet égard, l'affirmation surréaliste de son ambition présidentielle au travers de ses lettres au Chef de l'Etat, reste une vaine tentative de dérobade, puisqu'elle ne lui confère aucune forme d'immunité pénale, d'autant plus que son actuelle situation a fini par abimer son image en tant qu'autorité publique.

L'on peut, au travers de ses déclarations à l'emporte-pièce, observer que Monsieur Marafa éprouve décidemment beaucoup de peine à suivre le rythme des changements imprimés à la vie politique du Cameroun par un Chef d'Etat qui, dès sa prise de fonction, a introduit la pluralité de candidatures et aboli les investitures dans le choix des représentants du peuple, que ce soit au niveau du parti unique, que ce soit à celui de l'Etat.

De ce point de vue, les déclarations ci-après sur France 24 le 30 Octobre 2007, illustrent la constance du président Paul BIYA à s'en remettre au libre choix des camerounais: «Nous avons fait tous ces efforts pour bâtir une démocratie. Le moment venu, il y aura des candidats et Je crois que l'idée de préparer quelqu'un, cela relève de méthodes proches de la monarchie ou de l'oligarchie. Les camerounais sont assez mûrs, ils pourront choisir, le moment venu... Je crois que dans une république, le mot «dauphin» résonne mal».

En ânonnant cette conception biyaienne de 4 dévolution du pouvoir dans sa lettre, celui que ses amis de Jeune Afrique (ils n'ont toujours pas annoncé son arrestation), ont intronisé comme «dauphin présumé» de Paul Biya, peut-être sur ses confidences, avoue sa profonde tristesse et projette sur le Cameroun ses propres inquiétudes, en programmant le chaos après lui. Drôle de manière de démontrer son patriotisme que, celle d'accrocher celui-ci, à l'exercice du pouvoir présidentiel. Qui a donc renvoyé les législatives aux calendes Grecques? Peut-être Monsieur Marafa, lui qui, parce qu'il maîtrisait seul, pour les besoins de son ambition présidentielle, son fichier électoral, s'est montré allergique à l'opération de refonte des listes électorales en cours; lui aussi qui ignore et méprise les lois Camerounaises.

Comment donc, en travestissant sans vergogne la vérité des faits, le «dauphin présumé» réussira-t-il à rabibocher le désenchantement qui le ronge et la tempérance patriotique et républicaine qui est l'apanage des hommes d'Etat? On finit par lever un pan de voile sur l'attitude de déni de justice affichée par l'ancien ministre d'Etat qui serait aux dires de beaucoup, parmi les auteurs intellectuels des propos sans fondement et ethniquement orientés ci-après: "mais on doit à la vérité de reconnaitre que depuis le putsch du 06 avril 1984, les nordistes ne sont plus au cœur des tripatouillages de ce régime. Conséquence, la gestion des ministères «sensibles» et autres entreprises dites «productives» a toujours été de tout temps confiée aux ressortissants du «pays organisateur» (ceux de l'ethnie du Président de la République). Ceux là qui, jusqu'à la conférence d’Amadou Ali (ministre de la Justice) se ventaient de cette posture devraient avoir le courage d'assumer cet héritage… Est-il alors utile de rappeler qu'au lendemain du putsch du 06 avril 84 à l'heure du bilan, et malgré le discours apaisant du Chef de l'Etat, les nordistes, toutes opinions confondues, avaient trinqué sans rechigner?... le «pays organisateur», pour s'être livré sereinement au pillage des ressources du pays pendant de longues années, doit avoir le courage de faire face. Et en grande partie tout seul. Il doit en payer le prix, et au besoin, s'il l'estime juste, associer ses autres partenaires qui ne peuvent que, dans les circonstances passées et actuelles, se retrouver partout ailleurs. Sauf dans le grand Nord (L'hebdomadaire «l'œil du Sahel» dans son édition numéro 189 du 09 février 2006)


Dr Simon Pierre MFOMO
Politologue,
Chargé de cours des universités, Yaoundé II



23/05/2012
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