Marafa Hamidou Yaya : Ambitieux derrière les barreaux

Cameroun - Marafa Hamidou Yaya : Ambitieux derrière les barreauxAprès le verdict de samedi dernier, l’avenir politique de l’ancien ministre d’Etat se dessine en pointillés.
2037. En l’état actuel de la sentence du tribunal de grande instance du Mfoundi, c’est l’année où Marafa Hamidou Yaya, condamné à 25 ans de prison samedi dernier, sera libéré. L’ancien secrétaire général de la présidence de la République (Sg/Pr), né vers 1952, sera alors âgé de 85 ans. Mais, comme un roseau qui plie sans rompre, l’ancien ministre d’Etat en charge de l’Administration territoriale ne désespère pas d’être président de la République du Cameroun. Aussi, a-t-il déclaré, avec une verve poétique, après le prononcé du verdict samedi dernier, qu’il  est «déçu, mais pas vaincu».

Une déclaration lourde de sens, pour celui qui indiquait déjà le 6 septembre dernier à la même collégialité : « Jugez-moi, et si telle est la loi, condamnez-moi parce que fort du soutien de mes compatriotes, je suis désormais porteur, parmi d’autres, d’une espérance pour notre pays ». Déchu de ses droits civiques par le tribunal pour une période de huit ans, Marafa Hamidou Yaya voit également son bulletin N°3 du casier judiciaire (l’une des pièces qui accompagnent la déclaration de candidature) taché. Tout cela rassemblé, la marche envisagée de l’ancien Sg/Pr vers le palais de l’Unité risque, sauf coup de théâtre, ne pas franchir la borne de l’intention ou de l’ambition.

Cependant, au sein de sa famille politique, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), rien n’indique pour l’heure que Marafa sera exclu des rangs, notamment au bureau politique au sein duquel il siège depuis 1996. De fait, l’article 34 (3) des statuts du parti au pouvoir, dispose, s’agissant de la procédure disciplinaire, qu’ « au niveau du bureau politique, en cas de faute particulièrement grave, le bureau politique peut, sur proposition du président national, prononcer l’exclusion du parti du militant mis en cause…». Paul Biya, qui avait déjà refusé de « commenter les commentaires » au sujet de l’activité épistolaire de son ancien collaborateur et qui attendait le verdict du Tgi, osera-t-il saisir dans de brefs délais le bureau politique sur le cas Marafa ? Rien n’est moins sûr. Ce d’autant plus que, rappelle Jean Fabien Monkam Nitcheu, conseiller auprès du secrétaire général du comité central du Rdpc, «Pierre Désiré Engo [ancien Dg de la Cnps] a été condamné en 1999, ce n’est qu’au dernier congrès ordinaire du parti [les 15 et 16 septembre 2011] qu’il a été sorti du bureau politique».

Amnistie

A propos du cas Marafa, le conseiller de Jean Nkueté martèle que « pour le moment, cela ne fait pas l’objet d’une réflexion au sein du parti. Ce qui nous préoccupe, c’est la refonte biométrique des listes électorales qui est annoncée le mois prochain ». Qu’est ce qui pourrait dès lors sauver le « soldat Marafa » dans son ambition présidentielle finalement irrépressible ? Peut-être la grâce présidentielle ! Selon l’article 8 (7) de la Constitution, le président de la République « exerce le droit de grâce après avis du Conseil supérieur de la magistrature ». Pour l’heure, le lobbying sur la question, concernant les prisonniers de l’opération Epervier, est porté par Albert Dzongang. Le président de La Dynamique estime en effet, dans une lettre adressée le 19 mars dernier au président de la République, que les personnalités incarcérées ont «suffisamment payé et, dans le cadre de l’apaisement, en vue d’impulser un nouveau départ pour le développement de notre pays, [elles] méritent [sa] généreuse grâce».

Pour sa part, Robert Mouthé Ambassa, membre suppléant du comité central du Rdpc plaide pour l’amnistie générale des détenus. « Quand le président de la République arrête un détourneur, il y en a dix autres qui rentrent dans le système. Vous voyez bien que cela devient comme une roue sans fin. Nous allons les arrêter jusqu’à quand ? Bientôt il risque de ne plus avoir de place dans nos prisons pour garder tous ces compatriotes. Que doit-on faire, si ce n’est une amnistie ? Cette amnistie que nous souhaitons par référendum va permettre de faire un zéro, de prendre un nouveau départ en redéfinissant comment les choses devront dorénavant se passer », explique-t-il.

Mais, en attendant que le président Biya tranche éventuellement sur ce point, que fera Marafa ? Dans l’entourage du Prince de Garoua, certains croient dur comme fer, qu’il publiera d’autres lettres dans les prochains jours. De plus, pensent ses proches, la prison va le «bonifier» sur le plan politique et un avenir à la Mandela (qui a été élu président de l’Afrique du Sud après 27 ans de prison) lui tend les mains. Comme quoi, les voies qui mènent à Etoudi sont insondables…

© Mutations : Georges Alain Boyomo



25/09/2012
2 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 299 autres membres