Manifestations contre le régime de Biya.Est Cameroun : ce volcan en ébullition

Le Messager

Considéré comme la région la plus naturellement riche de notre pays l’Est connaît curieusement, malgré sa fidélité légendaire à Paul Biya,  une situation de paupérisation révoltante. Désormais il suffit d’une moindre étincelle pour que les jeunes virent à une émeute contre les tenants. Constats.

 I) Une jeunesse de plus en plus révoltée

Dans la semaine qui a précédée le 11 février 2011, date marquant la célébration de la fête nationale de la jeunesse au Cameroun, la ville de Nguélémendouka située à quelques 120 km de Bertoua, dans le département du Haut-Nyong, a vécu des émeutes populaires d’une violence inouïe. Au départ de cette espèce de névrose populaire collective, des jeunes élèves du lycée classique de cette localité peuplée essentiellement des Maka, l’une des tribus quasi majoritaire dans le département du Haut-Nyong.

Selon nos informations, tout serait parti de la mort d’un jeune élève le 13 février 2011. Agé d’environ 15 ans, réputé épileptique, il faisait partie d’un groupe d’élèves qui n’avaient pas pris part au défilé du 11 février 2011 à Nguélémendouka. Selon le témoignage de ses parents, son état de santé ne le lui avait pas permis justement. De retour au collège au lendemain de la fête de la jeunesse, il s’est donc retrouvé dans le groupe d’élèves que le surveillant général du lycée a décidé de punir pour leur non participation au défilé. La punition consistait à défricher des hautes herbes qui ont envahi l’enceinte du lycée. Pendant que ce groupe d’élèves était en train d’exécuter cette punition, il s’est mis à tomber une fine pluie. Intransigeant, le surveillant général a exigé que les élèves punis achèvent sous cette pluie leur sanction. De retour au domicile familial, le jeune épileptique qui lui aussi faisait partie de ce groupe d’élèves aurait alors fait une forte fièvre. Conduit à l’hôpital de district par ses parents, il décède dans la nuit.

Aussitôt la nouvelle du décès de cet adolescent annoncée, ses camarades du lycée de Nguélémendouka ont décidé de réagir et de se faire justice. Le lycée a été mis sens dessus dessous. Les bureaux administratifs où se trouvent ceux du proviseur, du censeur et du surveillant général ont été saccagés, et une chasse à l’homme contre le personnel enseignant s’est organisée à travers la petite bourgade. Cet incident que la petite brigade de gendarmerie locale aurait pu maîtriser rapidement a pris de l’ampleur lorsque les jeunes de la ville de Nguélémendouka s’en sont mêlés. La manifestation a alors pris des allures d’une émeute populaire, avec brûlures de pneus et autres manifestations bruyantes. On retrouvera des revendications politiques sur des pancartes du genre : “Trop c’est trop ! Nous avons marre ! ” “  Arrêter de nous brimer à l’Est ! Arrêter de tuer nos enfants ! ”. “ Nous avons marre de sa pauvreté, et du mépris que le pouvoir Rdpc nous impose ! ”. “ Halte aux fausses promesses ! N’exploitez plus nos forêts ! Ça suffit le pillage !” Des renforts en gendarmes sont même venus de Bertoua. Le préfet du Haut Nyong, François Mvilong, n’a pas réussi après huit heures de négociations, à ramener le calme. Le ministre Joseph Le, directeur adjoint du cabinet civil à la présidence de la République , et élite du Haut-Nyong a dû personnellement faire le déplacement de Nguélémendouka et parler à ses frères pour que le calme puisse revenir. Et leur promettre que non seulement il n’y aura plus de brimades au lycée de Nguélémendouka, mais aussi que “ les jeunes originaires de la région de l’Est en général, contrairement à ce que certains peuvent penser et dire, font l’objet d’une grande préoccupation du chef de l’Etat par rapport à leur situation à venir. ”

II) Des nombreuses frustrations

 Il faut dire que de plus en plus ces temps derniers à l’Est Cameroun, les jeunes dont la majorité connaît une situation de chômage, de pauvreté rampante, ont tendance à se révolter contre le pouvoir en place. Il suffit d’un prétexte apparemment anodin, pour que des émeutes puisent exploser. On a encore le souvenir des douloureuses émeutes des jeunes élèves du lycée d’Abong-Mbang il y a quelques années, suite au délestage du courant électrique, principalement à l’approche des examens de fin d’année.

Ces jeunes, soutenus et motivés par leurs parents et autres adultes, avaient mis sur le dos du pouvoir en place, cette situation causée par la société Aes Sonel. Mieux, après le drame qui a suivi, avec la mort d’une élève flinguée au cours des émeutes par l’ex préfet du Haut Nyong Essama Sylvestre, ils ont remis sur la table cette espèce de “ mépris qu’à le président Paul Biya vis-à-vis de la province de l’Est, alors que  l’Est donne tout au Cameroun ”. La préfecture avait été incendiée, tout comme la résidence du préfet. Ce dernier avait quitté Abong-Mbang en catastrophe, et les tenants du régime en place avaient été traités par tous les noms d’oiseaux.

 Il y a un an encore, alors que le ministre d’Etat, ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, Marafa Hamidou Yaya s’apprêtait à inaugurer les nouveaux bâtiments de la préfecture de leur département, les mêmes jeunes d’Abong-Mbang ont remis sur la table d’autres revendications. Cette fois ils accusaient leurs aînés qui sont proches du pouvoir de ne pas penser à les situer dans les circuits d’emplois susceptibles de les “ dépaupériser ”. Ils ont même menacé de lancer officiellement les activités d’un parti politique d’opposition, en plein fief du Rdpc, le parti au pouvoir. Une fois de plus, les élites de premier plan du Haut Nyong sont descendus sur le terrain et ont tenu des séances de travail, non seulement avec les jeunes du parti au pouvoir, mais aussi avec les jeunes aux relents vindicatifs.

III) Vers un réveil du “ volcan Est ” ?

Ce qu’il faut savoir c’est que, d’Abong-Mbang à Yokadouma, en passant par Bertoua, et Batouri, les populations jeunes de la région acceptent désormais difficilement la situation de leur région. Mpoual Alphonse Aimé, jeune élite âgé de la trentaine rencontré récemment à Bertoua raconte : “ La situation actuelle de l’Est est un scandale national. Les hautes autorités du pays doivent le savoir. Les frustrations sont nombreuses. Il ne faudrait pas que les élites qui sont proches des décideurs trompent le président de la République. L ’Est est riche. Il y a le bois, le fer, l’or, le diamant. Mais depuis 50 ans que le bois de l’Est est exploité, qu’est qu’il y a eu de remarquables comme investissement susceptibles de changer la vie collective et individuelle des peuples de l’Est ? Depuis qu’on parle de l’exploitation de l’or du diamant dont c’est le plus gros gisement du monde, qu’est ce que cela a apporté aux fils de cette région ? Pas grand chose. Les redevances forestières sont détournées par l’administration. Les routes sont toujours en terre, l’habitat éternellement précaire avec les cases en terre battue, et aux toitures de paille. Les peuples de la forêt sont plus paupérisés que jamais. Il faut bien que cela change. La situation du 1% du budget d’investissement national pour l’Est demeure. Dans les sociétés forestières, les recrutements des personnels ne tiennent pas compte des fils de l’Est. Ne soyez donc pas étonnés face à cet état de chose, que la révolution du Cameroun contre régime en place vienne de l’Est ”.

 Les députés de cette “ région rebelle ” tous membres du Rdpc, ont envoyé, il y a quelques années de cela, un mémorandum au chef de l’Etat. Dans ce pamphlet, les élus de l’Est faisaient ressortir les frustrations des populations de cette région. Notamment sur le fait que l’Est n’a pas de retombées concrètes sur ses immenses ressources naturelles, malgré sa fidélité au Rdpc et à son chef. Plus grave ils disent que les richesses de l’Est profitent plus aux expatriés. L’exploitation du diamant basé à Mobilong dans le département de la Boumba et Ngoko  a été confiée aux Coréens. L’or est exploité par les Sud-Africains, les Coréens, les Australiens les Canadiens et quelques Français. La forêt de l’Est a toujours été le domaine des Français, des italiens, et des libanais. Dans le subconscient collectif des populations de l’Est, il y a une vive préoccupation : si jamais  Paul Biya venait à quitter le pouvoir, la seule grande réalisation, est le bitumage de l’axe Ayos-Bonis, qui peine d’ailleurs à s’achever. Le projet d’exploitation de fer de Mbalam a encore accentué la frustration, du fait qu’il n’y a que 15 km de chemin de fer.

La récente nomination des généraux dans l’armée n’a pas non plus bénéficié à l’Est. Le seul général du coin semble avoir été mis au garage. “ N’est-ce pas là une frustration de trop observer pour finir Mpoual Alphonse Aimé. ”



15/03/2011
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