MANIDEM: Les causes du malaise

DOUALA - 07 MAI 2010
© THIERRY NYOPE | Dikalo
 
Les dirigeants ne s'entendent pas sur la manière de gérer le parti.

Rien ne va plus au sein du Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie (Manidem). On a pu s'en rendre compte mercredi dernier au siège de ce parti. La bataille qu'on savait sourde jusque-là, a finalement éclaté au grand jour entre l'actuel président Banda Kani et les partisans d'Anicet Ekane. Les deux parties ne réussissent pas à accorder leurs violons sur la gestion du parti. Ce qui fait que les réformes et les sanctions initiées par la nouvelle direction n'enthousiasment pas les proches du président sortant.

La preuve, la conférence de presse annoncée par Banda Kani le 05 mai dernier au siège de ce parti, sis au carrefour ? a été interdite, sous le regard médusé des journalistes venus écouter une communication qu'on annonçait explosive. Mêmes les forces de maintien de l'ordre ont été appelées en rescousse par les partisans de l'ex-président Anicet Ekane, devant la détermination de l'actuel président de la tenir malgré un contre communiqué de presse publié la veille annonçant son report à une date ultérieure. Un communiqué du CNC,-l'organe de gestion du parti, signé par le secrétaire national adjoint à la communication, Paulin Hilela Matug et parvenu à notre rédaction précise les raisons de ce renvoi. «La conférence de presse qui devait se tenir au siège du parti le mercredi 5 mai (...) est reportée à une date ultérieure, compte tenu des positions stratégiques que la direction du parti doit prendre au préalable par rapport à l'urgence de l'actualité nationale.» peut-on lire.


Causes

Dans le camp de l'actuel président du parti, on interprète l'interdiction de cette conférence de presse comme une tentative, pour l'ex-président, de le mettre sous contrôle. Mais Anicet Ekane et Abanda Kpama se défendent. «Cette conférence de presse était illégale. Car elle n'a pas été entérinée par le directoire du parti. Même la tentative de concertation organisée à l'effet d'harmoniser les points de vue la veille mardi a échoué. Parce que le président actuel ne s'est pas présenté.»

Face à ce bras de fer, Banda Kani s'est résolu à rencontrer la presse en plein air pour faire l'essentiel de sa communication. Il s'agit de l'exclusion de cinq de ses camarades de parti. Selon l'actuel président, «cette rencontre avait pour but d'annoncer l'exclusion de Abanda Kpama, Ndogmo Valentin, Pourra Jean, Emmanuel Mbona Mbepa, Ngondanega.» Motif de l'exclusion, «indiscipline caractérisée.»

Les partisans d'Anicet Ekané dénient malheureusement a Banda Kani la qualité à exclure un membre du parti, qui plus est, membre du directoire. «Seul le Congrès détient cette prérogative», expliquent-ils. Ces derniers ont par ailleurs rejeté les accusations selon lesquelles l'ex-président aurait fait appel aux éléments de la gendarmerie au siège du parti pour empêcher la tenue de cette manifestation.

Elu le 21 novembre 2009 face à Abanda Kpama, Banda Kani se dit en effet victime d'une conspiration ourdie par son prédécesseur qui aurait du mal à digérer sa propre démission à la tête du parti après plus de 15 ans de bons et loyaux services. A suivre.



BANDA KANI: «Je suis dépositaire de la souveraineté du Manidem»



Le président de cette formation politique parle du bras de fer qui l'oppose actuellement à Anicet Ekane. Une guerre de leadership qui ne dit pas son nom.


Dikalo: Que se passe-t-il réellement au Manidem

Banda Kani: J'avais prévu organiser une conférence de presse, dans la quelle je devais faire d'importantes déclarations devant les hommes des médias. Monsieur Anicet Ekane ne sachant pas sur quoi devait porter cette conférence, pris de panique, a ameuté les camarades du parti pour tenir une réunion ex nihilo dont l'ordre du jour était l'annulation de la conférence de presse du président que je suis. Dans cette logique, j'ai été surpris le jour de la conférence en arrivant dans l'enceinte du parti, de voir quelques militants créer du désordre pour empêcher la tenue de cette dernière. Par la suite, monsieur Ekane est allé loin en demandant la fermeture du siège du parti qui lui appartient en tant que propriétaire. J'ai ignoré ce fait en décidant de tenir cette conférence à l'extérieure de la permanence. Mais toujours pas satisfait, il a usé de brutalité en violentant certains journalistes pour interdire à tout prix la tenue de la conférence de presse. C'est dans cet allant que ce dernier a fait appel à la gendarmerie pour se saisir des militants qui n'épousaient pas son point de vue. Le problème c'est que, même les gendarmes n'ont pas trouvé de raisons valables pouvant conduire à l'arrestation d'un quelconque militant, ni d'empêcher d'ailleurs que je puisse m'exprimer devant la presse. Finalement, la tournure des événements a obligé l'ancien président du parti à se cacher, certainement pour ne pas davantage se couvrir de ridicule devant la recrudescence des médias présents. Malheureusement pour lui, des images ont été prises pour confirmer mes propos.


D.: On vous accuse d'avoir entrepris une démarche imprudente sans une concertation préalable du bureau politique.

B. K.: Je suis président du parti et mes décisions sont souveraines. Je suis dépositaire de la souveraineté du parti. Si le parti est mal géré, à qui est-ce qu'on demandera des comptes ? N'est-ce pas à moi ?


D.: Pourquoi refuser donc d'assister à une réunion de concertation du bureau.

B. K.: C'est très simple. J'ai refusé d'assister à cette réunion. Vous allez comprendre pourquoi. Il s'agit d'un certain nombre de militants qui boycottent les réunions du parti depuis plusieurs mois. Ces derniers déboutent des réunions hebdomadaires obligatoires instituées par le Statut. La véritable raison est la suivante, que ce soit Monsieur Ekane, Abanda Kpama et les autres, ils ne s'intéressent pas à la gestion quotidienne du parti. Ils refusent d'œuvrer dans les tâches primaires pour la bonne marche du Manidem. Certains boycottent à dessein les réunions statutaires pour des objectifs insidieux et personnels. Alors, ces personnes se lèvent un matin et décident de s'opposer à une décision établie par le président qui lui pourtant n'a jamais manqué la moindre réunion. Vous, vous trouvez cela normal ?


D.: C'est finalement au terme de ceci, que le bureau aurait décidé de mettre fin a cette conférence de presse. Qu'en dites-vous !

B. K.: Je refuse que vous parliez de bureau politique, puisque durant cette réunion, il n'y avait qu'une partie du bureau. Le bureau lui-même dans son ensemble est constitué de celui de Douala et de Yaoundé qui se regroupe en assemblée plénière une fois par mois. Ce qui n'était pas le cas. Je vous répète que dans le cas d'espèce, cette réunion était l'œuvre instigatrice de Monsieur Anicet Ekane qui malheureusement n'est désormais plus qu'un simple militant.

Après sa démission du poste de président du parti et de ses prérogatives en tant que membre du bureau politique, Monsieur Anicet Ekane n'a même pas le droit d'assister à une réunion du bureau politique. Le plus grave, ce que vous confirmera tous les membres présents ce jour à cette prétendue réunion, est que monsieur Anicet Ekane après avoir pris note du communiqué annonçant-la tenue de cette manifestation médiatique dans un journal est devenu vert de colère. Dans cet élan de colère, il a signé dans son bureau une note d'annulation en jouant de son influence et de la dépendance financière de certains pour rallier à sa cause quelques membres du bureau politique présents ce jour. Cette action est purement illégale à l'analyse des statuts. Le problème n'est pas la conférence de presse, mais le contenu de celle-ci. Monsieur Ekane a insisté pour connaître le contenu de mon discours et devant mon refus, la situation s'est dégradée pour donner ce que cela a donné.


D.: Pourquoi n'ont-ils pas voulu de cette conférence de presse ?

B. K.: Comme je vous l'ai fait remarquer tout à l'heure, je pense qu'ils ont eu peur que je ne fasse certaines révélations durant la conférence de presse. En effet, il y a un problème de fonds au sein du Manidem. Une partie du problème relève des statuts du Parti. Quand vous regardez bien ces statuts, ils ne sont pas fonctionnels. Ils sont lacunaires dans la mesure où de nombreux organes existent uniquement de manière figurative. Vous verrez qu'on ne retrouve pas à l'intérieur de ce statut les prérogatives réelles de tout un chacun des membres du secrétariat exécutif. Autant de choses qui contribuent à renforcer l'imbroglio organisationnel qui prévaut en ce moment au sein du parti.

C'est dans l'optique de clarifier ce statut par l'adoption d'un règlement intérieur que les problèmes ont commencé. Ils ont voulu proposer un règlement qui me dépossédait de mes pouvoirs, mais malheureusement pour eux, il était tellement flou qu'il n'est pas passé. Alors, le Comité National de Coordination a mis sur pied une commission qui devait établir un règlement intérieur fonctionnel. On a désigné à cet effet un président de commission. Tous ont boycotté ce comité parce qu'il a produit un travail qui ne les contentait pas. Dès lors les coups bas ont pris la relève.


D.: Face à tout ce qui se passe, ne pensez-vous pas que cette situation puisse discréditer le parti au point de le conduire vers son déclin ?

B. K.: Non. C'est une page certes triste mais qui va se tourner et permettre au parti de décoller à nouveau. Elle va également permettre de définir les responsabilités des uns et des autres. Je n'ai pas de problème avec quelqu'un, mais que chacun soit responsable de ses actes. L'avenir nous donnera tort ou raison...

PROPOS RECUEILLIS PAR PAUL TONYE NJEL



12/05/2010
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