Manassé Aboya Endong, Le Cameroun est dans l’œil du cyclone

Cameroun : Manassé Aboya Endong, Le Cameroun est dans l’œil du cyclone L’enseignant de science politique décrypte les enjeux du sommet de Kinshasa.

Comment entrevoyez-vous la première visite de François Hollande en Afrique, à l’occasion du Sommet de la francophonie en République démocratique du Congo ?
La visite de François Hollande en République démocratique du Congo est un non-événement sur le plan de la forme. Du moins si l’on considère la France comme étant l’acteur principal et le bénéficiaire privilégié, notamment en termes de prestige et d’influence, du système francophone international. Toutefois, et sur le plan du fond, tous les observateurs attendent d’écouter de Kinshasa, en terre africaine et face aux africains, l’articulation africaniste qu’entend concrètement faire François Hollande des grands principes et idéaux que sont les droits de l'Homme et la démocratie. Mais aussi, les réponses qu'il entend apporter aux grandes questions de l’heure, notamment celles relatives au terrorisme islamiste dans le Sahel ou celles touchant plus précisément à l’équilibre politique de certains pays francophones comme le Mali.

Le président français a déjà donné le ton en indiquant qu’il dira tout à ses pairs africains et qu’il veillera à ce que ce qui est dit soit fait ? D’après vous est ce que les chefs d’Etat africains doivent y voir un retour de la diplomatie du gros bâton ?

En réalité, il ne dira rien qui soit contraire à ce qui avait été à la Baule par François Mitterrand, à savoir la conditionnalité de l’aide économique aux africains en rapport aux progrès substantiels opérés en matière de démocratie. Si tel est le cas, on peut d’ores et déjà affirmer qu’on ne sera pas en présence d’une révolution diplomatique d’envergure. Par contre, son discours peut avoir une tonalité au ras-du-sol africain, s’il aborde, davantage pour les déconstruire, les deux grands chantiers qui brident la viabilité de la démocratie africaine, notamment dans sa version francophone, à savoir l’articulation non assumée de la démocratie avec les droits de l’Homme d’une part, le refus de la transparence dans la démocratie électorale d’autre part.

Le cas du président Biya semble particulier, qui n’a pas été reçu jusqu’à ce jour à Élysée, comme certains de ses homologues, et à qui François Hollande avait déjà appelé au dialogue avec les autres forces sociopolitiques. Est-ce que M. Biya ne se fera pas d’une certaine façon remonter les bretelles ?
C’est clair que le cas du Cameroun reste atypique, notamment en termes de balbutiements démocratiques à répétition, de chantiers de mise en place des institutions démocratiques inachevés, de respect mal ajusté des droits de l’Homme ou de dialogue incertain avec l’opposition. Tout cela peut certainement contribuer à mettre le Cameroun dans l’œil du cyclone diplomatique hexagonal, certes, mais cela ne peut pas justifier l’impossibilité de trouver un agenda concordant depuis près de six ans avec les deux présidents successifs français pour une éventuelle rencontre. Des deux choses l’une : soit la diplomatie camerounaise est inefficace, soit l’attrait du Cameroun pour la France est devenue nulle. Toutefois, ces démarches non concrétisées ne sauraient justifier d’éventuelles séances publiques d’exorcisme démocratique à l’endroit d’un président à la tête d’un Etat souverain.

Pour finir, est ce qu’on peut s’attendre à un discours de François Hollande à Kinshasa, genre François Mitterrand à La Baule ?
Il est très difficile de concevoir un discours susceptible de promouvoir des valeurs supérieures aux droits de l’Homme et à la démocratie. L’idéal pour François Hollande consisterait à rester dans le sillage de l’élan amorcé à La Baule, notamment en entretenant l'espoir et les aspirations démocratiques des peuples africains, avec pour aboutissement la chute des dictateurs.

© Mutations : G.A.B


05/09/2012
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