Lutte contre l'obésité: Reconnaissance mondiale pour un chercheur camerounais aux Etats-Unis

YAOUNDE - 04 AVRIL 2012
© Franklin Sone Bayen | Repères

Grâce au Pr. Julius Oben, un fruit sauvage de la forêt camerounaise est devenu une denrée très prisée aux États-Unis et partout dans le monde grâce à la réputation de sa graine comme complément alimentaire pour soigner l'obésité.


Bush Mango Seeds
Photo: © Flikr/Gizzle



Bien que peu de gens au Cameroun soient à même d'attribuer une valeur nutritionnelle à la soupe populaire «Ogbono», Irvingiagabonensis encore appelé Bush mango, mangue africaine, Ogbono, noix Dikka ou Ndock est devenu un nom familier sur le marché américain et fait référence à un ingrédient minceur depuis qu'il a été mentionné dans l'émission télévisée du Dr Oz.

C'était le 13 Septembre 2010, pendant le show du Dr Mehmet Oz, lauréat des «Emmy Awards» dans lequel ce dernier a décrit la «mangue africaine» comme étant une alternative sans danger, efficace et peu coûteuse dans la perte de poids. Il l'a en outre qualifié de «Breakthrough supplement» et de «miracle dans votre boîte à pharmacie». De même, l'un des shows télévisés phare sur la médecine, celui du Dr Tanya Edwards, médecin, a qualifie la mangue africaine de «pilule miracle», après qu'elle l'ait aidée à perdre environ 14 kg en un mois.

Cette percée scientifique est le fruit des travaux de recherche du Pr. Julius Oben de l'Université de Yaoundé I, un biochimiste nutritionnel qui travaille sur l'obésité et sur les complications liées à l'obésité depuis 1988. Pr. Julius Oben rentre fraîchement de la 10e Conférence internationale sur les aliments fonctionnels qui s'est tenue à Santa Barbara, en Californie du 13-15 mars, où il était invité comme conférencier principal. Cette conférence internationale a réuni des participants venus de 25 pays et a été organisée par le «US Functional Foods Center» (le Centre américain des aliments fonctionnels).

Son article intitulé «The impact of the recently acquired GRAS status of Cissusquadrangularis and Irvingiagabonensis on obesity related functional food research in Cameroon», présente les résultats de ses recherches ainsi que les efforts déployés pour trouver une stratégie durable à la gestion de l'obésité, devenue une épidémie mondiale.

«Comme les autres fibres solubles, Ig [frengia gabonensis ou «Bush mango») graine riche en fibres, peut se lier aux acides biliaires dans l'intestin et les transporter hors du corps dans les fèces, obligeant ainsi l'organisme à convertir plus de cholestérol en acides biliaires. La conséquence directe étant l'abaissement du cholestérol sanguin», a démontré Oben pendant son exposé liminaire à la conférence, décrivant le mode d'action par lequel la «mangue africaine» soigne l'obésité.

Pr. Oben a clairement souligné la nécessité d'une approche multi-facette dans la gestion de obésité, qui elle-même a des origines diverses. L'obésité résulte d'un déséquilibre énergétique, dans lequel l'apport est supérieur à la dépense. Ceci combinaison avec une prédisposition génétique et des facteurs environnementaux, explique combien et comment les gens prennent si rapidement du poids. De l'avis du Pr. Oben, la composante environnementale de l'obésité n'a pas encore reçu toute l'attention qu'elle mérite, raison pour laquelle l'approche métabolique/biochimique de la gestion au fil des ans n'est pas encore couronnée de succès.

"Si l'obésité était tout simplement le résultat d'un déséquilibre énergétique, alors l'humanité qui a été en mesure de voir les êtres humains sur la lune, aurait trouvé une solution à ce jour", a dit Oben dans son propos liminaire durant 45 minutes de présentation.

Irvingiagabonensis et Cissusquadrangularis, une autre plante efficace contre l'obésité selon les résultats de recherche du professeur Oben, ont toutes les deux été utilisée dans la cuisine/alimentation par de nombreuses générations en Afrique et ont à présent le statut de GRAS (Generally Recognized As Safe) aux États-Unis.

GRAS est un terme de la FDA (US Food and Drug Administration) qui définit un produit ou une substance chimique qui, ajouté à la nourriture est considérée comme sûre (sans danger) par les experts, et est donc exemptée de l'alimentation habituelle, des médicaments, des cosmétiques, des exigences de tolérance aux additifs alimentaires.

Cela fait de Irvingiagabonensis et Cissusquadrangularis, des ingrédients acceptables pour une utilisation dans les régimes ou dans l'industrie mondiale des suppléments. Leur teneur en composés bioactifs leur donne la polyvalence d'avoir un effet sur les voies métaboliques multiples, y compris une activité contre la lipase, l'amylase et la glucosidase, qui sont des enzymes connues pour augmenter le dépôt de graisse, par conséquent le développement de l'obésité.

En plus de ces voies, ils ont la capacité d'agir comme de puissants antioxydants, ainsi que de moduler l'expression de certains gènes lipogéniques clés leptine et l'adiponectine. Les principaux facteurs environnementaux qui influent sur notre capacité à devenir en surpoids ou obèses sont également connus comme affectant l'action de Irvingiagabonensis et Cissusquadrangularis.

Dans sa présentation, le Pr. Oben a souligné l'impact négatif de certaines boissons gazeuses Cissusquadrangularis sur l'action positive de ces plantes, et a conclu que certaines personnes sont susceptibles de bénéficier plus que d'autres lors de l'utilisation de ces suppléments. Il a également présenté la prochaine génération des fines herbes et d'épices du Cameroun qui pourraient avoir des vertus semblables, et donc être utiles dans notre recherche permanente de solutions à l'épidémie d'obésité. Les remarques du co-président de la conférence, Dr Martirosyan Danik, à l'endroit de la recherche en cours au Cameroun ont été plutôt flatteuses. Il s'est dit très impressionné par la recherche sur les aliments fonctionnels au Cameroun et par le fait que les chercheurs camerounais utilisent positivement leurs ressources naturelles et leur riche biodiversité pour le bien de l'humanité. Cela se manifeste, a-t-il ajouté, par les nombreuses publications dans des revues internationales sur des sujets allant de l'extraction, la purification et l'utilisation de matériel dérivés de plantes et des aliments fonctionnels.

La recherche novatrice du Pr. Oben sur Irvingiagabonensis a d'abord été brevetée en 2007, et a depuis lors reçu deux autres brevets. Ces brevets ont grandement contribué à relier cette recherche au Cameroun, qui autrement aurait pu être attribuée à d'autres chercheurs.

La teneur en composés bioactifs présents dans le matériel breveté (IGOB131 - Irvingia gabo¬nensis Oben 131) confère les propriétés bénéfiques d’Irvingiagabonensis qui a trouvé une niche de 40 milliards de dollars sur le marché de la perte de poids aux États-Unis. Il est actuellement commercialisé pour la perte de poids sur cinq continents différents, avec plus de 53 sociétés, incluant le matériel dans leurs formulations de gestion du poids.

En plus d'apporter une réduction de poids corporel que les gens les plus en surpoids et obèses désirent, IGOB131 entraîne une réduction du niveau de leur mauvais cholestérol LDL (lipoprotéines de faible densité), de triglycérides et la glycémie à jeun. Son application va donc bien au-delà de la perte de poids, et est actuellement prescrite par les nutritionnistes et le personnel médical pour le traitement du syndrome métabolique, qui est une combinaison de toutes les anomalies mentionnées ci-dessus.

Que les suppléments Irvingiagabonensis et Cissusquadrangularis ne soient pas facilement disponibles sur le marché camerounais, cela ne serait qu'une question de temps pour que les Camerounais commencent à bénéficier de la recherche qui a pris naissance dans leur pays. Les populations rurales, en particulier les femmes battantes qui font dans la vente de ce produit forestier non ligneux, ont cependant pu bénéficier de la meilleure tarification de la «mangue africaine», qui a vu une augmentation des prix de plus de 100% au cours des trois dernières années.

Dans un article intitulé «African Mango benefits Cameroon», Africarurtangodiets.org déclare: «Cette augmentation de la demande fera en sorte que les agriculteurs de la "mangue africaine" reste dans le business pendant de longues périodes.» Au Cameroun, en particulier dans les régions du Centre, du Sud, de l'Est et du Sud-ouest où la «mangue africaine» est abondante dans la forêt, les femmes rurales sont de plus en plus impliquées dans le commerce. Cela représente une grande partie de leur revenu annuel.

«Je fais 500 000 FCFA à un million de F CFA par an de chiffre d'affaire, parfois même plus à partir de la vente de la mangue africaine», dit Mme Rose Eyenga de Emana vers Monatélé. Elle déclare qu'elle vend l'équivalent d'un seau de cinq litres de graine entre 5000 et 6000 F CFA, mais que «pendant les bonnes saisons, le prix pourrait augmenter jusqu'à 10.000 F FCA le seau» Les bonnes saisons, a-t-elle ajouté, c'est lorsque la demande exprimée par les Nigérians et les Gabonais est forte.

D'habitude, les femmes rurales de Monatélé et d'Akonolinga dans la région du Centre, Ebolowa et Sangmélima dans le Sud, ramassent les fruits tombés, les cassent et sèchent les graines pour les vendre à des détaillants au marché du Mfoundi à Yaoundé. Des stocks importants de «mangue africaine» proviennent également de Manyu dans le Sud-ouest. La majeure partie est achetée par les consommateurs locaux pour servir à la préparation de la soupe Ogbono. Une autre partie est également broyée et moulée en «gâteaux de mangue africaine » achetées par les personnes vivant en Europe et en Amérique du Nord.

Mais le plus grand commerce international de la «mangue africaine» pourrait être lié à la demande au-delà de sa consommation comme nourriture ordinaire à la fois au Cameroun et au Nigeria où elle est également très répandue. Les Nigérians et les Gabonais, connus pour être plus impliqués dans le commerce international informel, sont parmi les plus gros acheteurs de «mangue africaine».

Les recherches du Pr. Oben ont bénéficié aux femmes rurales et amélioré leur vie à l'instar de celles de Sa'a, dont certaines vendent jusqu'à 5000 kg par an aux acheteurs de grande envergure comme, "Papa Douala". «Nous ravitaillons des acheteurs nigérians à Douala deux fois par semaine», a-t-il dit. Lundi pour les bateaux qui partent à partir du quai de Tiko et le vendredi pour les expéditions à partir du port de Limbé. Faut-il le souligner, une grande quantité de «mangue africaine» ainsi exportée est destinée à des usines de production des compléments alimentaires basées principalement en Amérique du Nord, pour servir à la fabrication des remèdes contre l'obésité.

Cette tendance est susceptible d'augmenter avec la prévalence croissante de l'obésité dans le monde entier et de ses complications connexes. «Comme il y a longtemps de cela, les marchés chinois et émergents vont commencer à réclamer ces types de suppléments, afin qu'eux aussi puissent perdre du poids. Une industrie entière est en cours de construction au Cameroun pour le bien des populations».


09/04/2012
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