Louis-Tobie MBIDA: "A Belinga Ya, Yi amala ? Belinga, sommes nous maudits ?"

YAOUNDE - 09 FEV. 2011
© Louis Tobie Mbida (PDC) | Correspondance

Au Cameroun au lieu de criminaliser le tribalisme on a stigmatisé et flétri l’appartenance à une tribu.

Au Cameroun au lieu de criminaliser le tribalisme on a stigmatisé et flétri l’appartenance à une tribu. Voila pourquoi dans le Cameroun de 2011 celui qui se permet de reconnaître officiellement qu’il est Beti, Bamiléké, Foulbé, Kirdi, Bafia, Bakweri, Bassa, Bambara, Douala, Mundang, Banen, Mbo, Kaka, Ngumba, Babouté, Sanaga ou de quelque autre des plus de 200 tribus camerounaises est aussitôt mis à l’index et traité de tribaliste.

Je ne partage pas cette posture hypocrite. Je ne suis pas, je n’ai jamais été et je ne serai jamais tribaliste et si un jour je suis aux affaires je ferai voter une loi pour sanctionner sévèrement le tribalisme au Cameroun.

Quelle que soit ma démarche et mes ambitions politiques nationales, je ne peux et ne veux point dissimuler que je suis Beti, c'est-à-dire Banto. Je pense et agis pour le bien de tous mes frères et sœurs Camerounais. Le Cameroun multiculturel est une richesse qui devra rester le creuset de l’unité et de la cohésion nationales que nous prônons tous.

C’est en ma qualité de citoyen camerounais originaire de l’aire culturelle Bantou que je tiens donc à préciser que les Beti qui sont Bantous ont toujours eu, ont aujourd’hui encore et auront toujours une cosmogonie et une organisation des mondes visibles et invisibles qui ont perduré malgré le christianisme qui pour eux ne s’oppose pas fondamentalement à leur vision de la vie puisqu’il prêche la vérité, l’humanisme, le respect de la parole donnée, le partage, la solidarité, la générosité, la charité, l’entraide, l’amitié , la travail, la paix, la réconciliation, le pardon, la famille, l’amour du prochain et le respect de valeurs fondamentales Bantous. Voila pourquoi, ils n’ont pas eu grand mal à adopter cette religion pourtant venue d’ailleurs.

Les Beti de la grande famille Bantou ont toujours eu des titres issus des rites ancestraux. Ces titres sont gradués et correspondent à des degrés de responsabilités divers et circonstanciels dans la société.

Pour les citer, on retrouve : le Nkang, le Mpwa Ngos, le Nku Mvono, l’Ekatit, le Kiraki, le Zeu, le Nnom Tsit, le Nyamodo, le Zomloa, l’Assuzoa.

Seuls quelques initiés ou des hommes qui avaient réalisé des choses extraordinaires ou détenaient le pouvoir reçu des ancêtres pouvaient accéder à ces titres et les transmettre à leur descendance directe après un rituel précis, à la suite d’un choix minutieux et mûrement réfléchi. Ces pouvoirs étaient aussi transmis à d’autres, indépendamment du lignage et de l’ascendance s’ils étaient jugés dignes et aptes à porter le titre.

En d’autres termes pour transmettre des pouvoirs, il fallait en avoir reçu soi-même. La rencontre avec l’occident, malgré les apparences, n’a rien changé à cet ordre des choses .

Nous nous sommes adaptés aux outils et instruments modernes, à une autre époque, j’aurais utilisé le « Nkul » , le tam-tam , pour faire passer ce message mais malgré les NTIC (nouvelles techniques de l’information et de la communication) cet ordre des choses demeure.

Nos ancêtres connaissaient la prière mais certains parleront surement d’incantations païennes. Par honnêteté nous devons reconnaître qu’il existait des demandes négatives s’adressant aux forces du mal, le « Mbgweu », et d’autres qui étaient positives interpellant les forces du bien, « Evaa Metè, Ntoto Mamaa, Awongo, Afubu, Essob Nyol ect. ». Mais que ce soit pour demander du bien ou pour faire du mal, tous les rituels ne se déroulaient que dans la nuit, et surtout les nuits de pleine lune.

Fondamentalement « ceux qui savent », savent que rien n’a changé dans cet ordre des choses.

J’ai attendu que se calme le tintamarre d’Ebolowa pour m’adresser à Messieurs Belinga Eboutou, Fame Ndongo et autres. Mes questions sont simples et directes : en octroyant le titre de « Nnom Ngui » au président Paul Biya de qui ont-ils reçu ce pouvoir ? Dans l’ordre des choses Beti à quoi correspond le titre de « Nnom Ngui » ? Ont-il le droit de créer de nouveaux titres ? Sont ils devenus les grands maîtres et autres grands prêtres des rituels Betis ? Confondent - les sectes et autres confréries secrètes venues d’occident aux rituels ancestraux immuables et permanents issus de notre passé commun ?

Se mêler de ce type de rituels sans en avoir reçu les pouvoirs dans les conditions requises est blasphématoire, ce type de transgression attire le malheur et la malédiction.

Si Messieurs Belinga Eboutou et Fame Ndongo avaient vraiment été initiés ils n’auraient pas invoqué le « Ngui » qui est un totem négatif dans cet ordre des choses. Dans cette aire culturelle tous le savent : voir le « Ngui » au village en plein jour annonce le malheur sur tous. Le dernier « Ngui », le Gorille portant le nom « Beyegue a Nkula » qui avait été vu dans un village, avait été tué entre la zone d’Endinding et Efok vers la fin de l’année 1961.

« Ceux qui savent » et qui sont initiés en conclurent à cette époque que des malheurs terribles allaient s’abattre sur le pays. Ceux qui connaissent cette période peuvent aujourd’hui encore en témoigner. Ils savent ce que sont devenus l’ancien Nyong et Sanaga et ses hommes les plus valeureux, l’Ouest du Cameroun et ses hommes les plus valeureux, la Sanaga Maritime et ses hommes les plus valeureux etc.

Aucun décret présidentiel n’a jamais fait d’un homme un sage ou un initié dans les rituels traditionnels camerounais, en tout cas, pas dans l’Ouest du Cameroun des grands chefs et de leurs Ntchind, pas dans le Grand Nord des Lamidos, pas dans le Nord Ouest des Fon, pas dans le Sud Ouest, encore moins dans le Littoral où le Ngondo se pratique depuis le 18ème siècle, pas dans la Sanaga Maritime, où ceux désignés comme élites de par leurs titres administratifs et leurs parcours d’hommes d’affaires n’interviennent pas dans la désignation des Mbo-Mbog.

Alors comment se fait-il que dans l’aire culturelle Beti certains puissent se permettre de passer outre les traditions et les coutumes, de s’octroyer des titres et de vouloir transmettre des pouvoirs que personne ne leur a jamais conférés.

Je répète que pour donner des titres et des pouvoirs rituels : il faut en avoir reçu et remplir les conditions morales et traditionnelles exigées. J’affirme ici que ni M. Belinga Eboutou, ni M. Famé Ndongo ne remplissent ces conditions. Les rituels Beti se pratiquent dans la nuit pas en plein jour devant les cameras de télévision. Le « Ngui », le Gorille est un totem négatif, il fait partie des démons chez les Betis, voila pourquoi l’Homme et le Gorille vivent chacun de son côté, le Gorille dans les ténèbres profondes de la forêt et l’Homme dans les clairières remplies de lumières de jour et au bord du feu porteur de lumière la nuit. L’Homme ne provoque pas et n’invoque pas le Gorille.

Pour tous les croyants, on le sait : invoquer le diable installe le malheur dans la communauté. Pratiquer ces rituels sans en avoir reçu les pouvoirs est blasphématoire et grave de conséquences .

Paul Biya, âgé de 78 ans est un « Ancien », le « Nyamodo », titre connu chez les Betis avec tout ce que cela comporte dans les traditions Bantous, Président de la République du Cameroun depuis 29 ans et ayant le parcours que nous lui connaissons, il n’a pas besoin de recevoir un quelconque pouvoir d’individus qu’il a lui-même fabriqués à coups de nominations et de décrets. Ils ne sont rien sans lui et ne peuvent donc lui accorder ou apporter aucun pouvoir.

Messieurs Belinga Eboutou et Fame Ndongo ne pensent-ils pas que notre pays a déjà assez de malheurs pour s’attirer encore le courroux des tous les gardiens du temple de nos coutumes et traditions et se comportant de cette manière. Ils sont en république où ils occupent des fonctions de grands commis de l’Etat, ils devraient s’en tenir à leurs rôles de conseillers mais donner au Président de la République des conseils judicieux.

Leur démarche au comice d’Ebolowa est négative et répréhensible. L’acte qu’ils ont posé à Ebolowa n’est ni républicain ni traditionnel. Leur action est basse, destructrice, dévalorisante, inutile, sans objet et obséquieuse ne visant qu’une chose : assurer leur propre maintien auprès du Président de la République : Paul Biya.

Le conseil portant sur la création du MIRAP (Mission de régulation des approvisionnements des produits de grande consommation) par décret N° 2011/019 du 01 février 2011 au lendemain du comice d’Ebolowa est une grave erreur de jugement politique et économique que M. Bernard Njonga a commenté à suffisance. Je ne dirais rien de plus sur le sujet qui n’ai déjà été précisé si ce n’est que : il existe dans les hautes sphères du pouvoir camerounais de nombreux hommes qui n’aiment pas le Cameroun. La majorité des camerounais le savent sauf que nous ne crions pas assez fort notre indignation et ne structurons pas notre colère.

Les grecs disaient : « les Dieux savent rendre fous ceux qu’ils veulent perdre ». C’est peut être ce qui est en train de se passer avec ces hommes autour du Président Biya.

Le drame c’est que la conséquence de leurs errances et autres aberrations ne s’arrête pas à eux mais produit des répercussions sur toute une nation et tout son peuple.

Voila pourquoi je pose la question à M. Belinga Eboutou comme nous l’aurions fait aux villages de Zoatoubsi et de Zoétélé : « A Belinga Ya ? Yi amala ? » Pour ceux qui ne lisent pas le Beti dans le texte je demande à M. Belinga Eboutou : « Monsieur Belinga , sommes nous maudits ? ».

Louis Tobie Mbida
Président du Parti des Démocrates Camerounais



13/02/2011
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