Libération d'Yves Michel Fotso: Les dessous d’une transaction

YAOUNDÉ - 09 Avril 2012
© Charles NWE | La Nouvelle

Un protocole d'accord transactionnel sur la table du ministre de la Justice. Les modalités de paiement définies. Le gouvernement va-t-il céder?

Si on en parlait encore hier sous cape, la question de la libération d'Yves Michel Fotso est plus que jamais à l'ordre du jour. En effet, depuis quelques temps, un protocole d'accord transactionnel entre Yves Michel Fotso, détenu depuis près d'un an à la prison centrale de Yaoundé et l'Etat du Cameroun est sur la table du ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Laurent Esso. Il s'agit là d'un des premiers protocoles d'accord transactionnel mis en route par les autorités gouvernementales, en attendant la mise en place du Tribunal spécial, récemment créé par le président de la République et qui attend encore ses textes d'application. Ce Tribunal spécial devrait, une fois opérationnel, s'occuper des affaires de détournement de deniers publics au-delà de 50 millions de FCFA, en offrant la possibilité aux présumés détourneurs de rembourser les sommes distraites contre l'arrêt des poursuites judiciaires. En attendant donc que tout se mette en place s'agissant de ce Tribunal spécial, l'option des protocoles d'accord transactionnel est donc à l'étude et fait sa route. Et c'est dans cette voie qu'Yves Michel Fotso s'est engouffré pour espérer recouvrer sa liberté.

Des sources suffisamment introduites, ces protocoles d'accord transactionnel sont une réponse du gouvernement aux diverses pressions des bailleurs de fonds. Pour ceux-ci, au lieu d'emprisonner à tout vent les détourneurs de fonds, il faudrait plutôt les amener à négocier un remboursement des fonds détournés. Il s'agit là de ramener le maximum d'argent distrait dans les caisses de l'Etat délestées par ces prédateurs de la fortune publique. Ces bailleurs de fonds se fondent d'ailleurs sur le fait que de nombreuses initiatives (Me Verges, Dooh Collins...) entreprises au sommet de l'Etat pour retrouver les fonds détournés ont connu un échec retentissant. A la présidence de la République, l'on ne semble pas encore définitivement fixé sur l'option à choisir. Ce que l'on sait davantage, c'est que ce dossier, en son temps, était géré par Laurent Esso, alors secrétaire général de la présidence de la République. Sans doute c'est ce qui explique aussi la volonté du chef de l'Etat de voir Laurent Esso continuer à piloter ce dossier en le nommant ministre de la Justice. Seulement, nos sources indiquent que cette option de négocier des protocoles d'accord transactionnel rencontrerait une résistance farouche des faucons de l'entourage même du président de la République. Ces partisans de la ligne dure plaident pour la tolérance zéro vis-à-vis des détourneurs de fonds publics.


Cas Marafa

Pour revenir au cas Yves Michel Fotso qui a été «inculpé pour détournement de deniers publics en coaction de la somme de 31 millions de $ Us», il vient également de faire l'objet d'une nouvelle plainte. En effet, le 28 février 2012, le liquidateur de la Camair, la défunte compagnie aérienne du Cameroun, Emile Christian Bekolo, a déposé une plainte avec constitution de partie civile auprès du juge d'instruction contre Yves Michel Fotso pour détournement de deniers publics en complicité et en coaction d'une somme de 69 833 729 982 FCFA.

Administrateur directeur général de la défunte Camair, il est reproché à Yves Michel Fotso, entre autres, d'avoir mené une série d'opérations floues dans l'acquisition de 2 avions «Bombardier Crj — 700 et Crj — 200 qui ont coûté plus de 8 milliards à la Camair»; d'avoir débité des comptes de la Camair au profit d'une société sans contrepartie; d'avoir bradé l'épave du Combi, le 747 de la Camair. En tout cas, la plainte du liquidateur est articulée autour de 9 motifs reprochés à l'ancien Adg à hauteur de plus de 69 milliards FCFA. Seulement, pour certains observateurs avertis, les détournements massifs d'Yves Michel Fotso peuvent s'avérer plus lourds. Surtout lorsqu'on sait qu'au début, c'est ce même liquidateur qui auditait les comptes d'Yves Michel Fotso et n'y trouvait rien à redire. Curieux revirement tout de même. Mais la question qui taraude plus les esprits de certains observateurs est celle de savoir si cette nouvelle plainte va davantage compliquer la signature du protocole d'accord transactionnel actuellement sur la table du Garde des Sceaux? En attendant, rien ne semble arrêter Yves Michel Fotso dans son obsession d'obtenir la signature dans les prochains jours par le Garde des Sceaux de ce précieux document à lui soumis. «Monsieur Yves-Michel Fotso accepte de trouver un arrangement amiable qui permettrait de désintéresser tous ceux qui s'estiment lésés par ses agissements, selon ses possibilités financières actuelles, l'Etat du Cameroun et les parties civiles qui se sont constituées, notamment l'Etat du Cameroun, la Camair, Cbc, Air Leasing, la Cameroon Aviation Authority (Ccaa) pour laquelle il vient de faire l'objet d'une nouvelle inculpation», indique alors le protocole d'accord transactionnel qui poursuit: «Monsieur Yves Michel Fotso se propose de régler la somme convenue dans le cadre du présent protocole d'accord de deux manières au choix de l'Etat du Cameroun: (1) Vente des biens immobiliers. Selon état expertisé joint aux présentes d'une valeur de 12 546 377 500 FCFA pour une réalisation à hauteur de la créance. Ou obtention d'un prêt bancaire de 14,5 millions $ Us auprès d'un établissement bancaire.» C'est à cet effet sans doute qu'il aura entrepris la vente de certains de ses immeubles. Le 23 mars 2012 à Douala par exemple, il aura vendu sa somptueuse résidence de Bali à Samuel Eto'o. Coût de la transaction: 1 milliard de FCFA. Nos sources indiquent qu'il s'apprêterait également à vendre une autre de ses résidences de Yaoundé. Sans doute que même celles des résidences qu'il achèterait à tour de bras à ses codétenus seront bientôt vendus pour remplir cagnotte.

Dans la foulée, la libération d'Yves-Michel Fotso au cas où le protocole d'accord transactionnel venait à prospérer et qui signifie l'arrêt des poursuites pénales comme le dispose l'article 64 du Code de procédure pénale, pose le problème de l'avenir de Marafa Hamidou Yaya dans cette procédure. L'on se souvient que c'est bien l'ancien Minatd qui avait piloté le décaissement de 31 millions de dollars Us pour l'acquisition d'un avion neuf pour les voyages du président de la République. Au cours d'une audience, Hubert Otelé Essomba avait officiellement accusé Marafa Hamidou Yaya d'avoir reçu de ces 31 millions de dollars Us destinés à l'acquisition d'un avion présidentiel, la somme de 1,5 milliards de FCFA de la société Avipro Finance, présentée comme une des sociétés écrans de Fotso. Seulement, Marafa Hamidou Yaya n'a jamais déposé au Tribunal depuis le déclenchement de cette procédure. Qu'adviendra-t-il donc du cas Marafa? Difficile à dire. Mais toujours est-il que le cas Marafa divise. Il divise ce d'autant plus que nombreux de ses contempteurs le verrait bien derrière les barreaux. En définitive, si la mise en route des premiers protocoles d'accord venaient à prospérer, sans doute que les autres prisonniers de luxe qui croupissent dans nos prisons pourraient s'engouffrer dans cette issue. A condition qu'il accepte avoir distrait les fonds de l'Etat.


09/04/2012
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