Lettres ouvertes: Marafa, acte III, scène III

YAOUNDÉ - 24 Mai 2012
© GEORGES ALAIN BOYOMO | Mutations

Du fond de sa cellule, l'ancien ministre d'Etat déroule sereinement sa stratégie politique, à la barbe d'un pouvoir à court de réaction

Une première lettre pour démystifier et démythifier le président de la République d'une part et, d'autre part, présenter la campagne anti-corruption, en cours, comme une opération d'épuration politique. Une deuxième pour railler le code électoral promulgué par le président de la République et pour se déclarer (quasiment) candidat à la prochaine élection présidentielle.

Et une troisième, adressée au peuple, pour dégager sa responsabilité au sujet des différentes affaires d'acquisition des avions présidentiels. La stratégie Marafa est comme un train sur les rails. Si l'on ajoute à cela, la distribution de tracts (coiffés de la mention Son Excellence) favorables à l'ex ministre d'Etat, à Garoua, Douala et maintenant Yaoundé, dans le quartier bien nommé, Ecole de police, l'on serait tenté d'affirmer qu'en détention préventive, plus qu'au faîte de sa superbe au sein du gouvernement, Marafa Hamidou Yaya parle et fait parler de lui. On frôle le one man show!

Pour un personnage qui refuse de mourir politiquement, mieux qui se sent un destin national, ce n'est nécessairement pas une mauvaise affaire. Sans en rajouter, d'aucuns pensent plus à raison qu'à tort qu'aujourd'hui Marafa est en pointe dans la bataille de l'opinion. D'après des analystes, il ferait, au bas mot, concurrence à Paul Biya en termes d'occupation de l'espace public. En effet, en dehors de la sortie médiatique du chef de la cellule de communication de la présidence de la République, Joseph Le, qui battait notamment en brèche l'idée d'épuration politique accolée à l'Opération épervier, le pouvoir semble groggy face à «l'ouragan Marafa». Il subit tout au moins cette «déferlante», même si, sur les ondes de certaines radios de proximité et dans les colonnes de certains journaux, quelques boutefeux du Rdpc s'essayent timidement à la repartie.

Ces «actionnettes» des pro-Biya, qui ne s'inscrivent manifestement pas dans une stratégie d'ensemble suffisamment pensée, font, dans une large mesure, l'affaire de Marafa, qui en plus, au plan de la procédure judiciaire marque des points: son transfèrement (avec d'autres prisonniers de luxe) dans une cellule du secrétariat d'Etat à la défense divise dans le sérail. Certains pontes du régime tancent cette démarche qui est en porte-à-faux avec le Code de procédure pénale. «Une telle décision conforterait les tenants de la thèse de l'épuration politique», argumentent-ils.

En imaginant que le pouvoir organisera la «vraie riposte», il est loisible de penser qu'on s'achemine vers une guerre d'usure entre Marafa Hamidou Yaya, qui ne s'arrêtera certainement pas à sa troisième lettre ouverte, et certains artificiers d'un système que l'ancien secrétaire général à la Présidence a l'avantage de bien connaître.

Du reste, Paul Biya, qui aurait très mal perçu l'acquittement partiel de Jean-Marie Atangana Mebara, n'est certainement pas indifférent aux actes de bravade, (certains parlent de bravoure), de son ancien confident. Pourrait-il être tenté d'user de la «violence légitime» (pour reprendre l'expression du sociologue Max Weber) contre son ancien collaborateur? En tout cas, ses instructions détermineront indubitablement le côté où penchera la balance. Mais la pression change de plus en plus de camp dans cette joute à distance. D'ailleurs, cette saillie signée hier d'un journaliste chevronné à la lecture de la 3e lettre de l'ancien Minatd, «Paul Biya est en train de faire de Marafa le prochain président de la République», est assez évocatrice de l'état actuel de l'opinion depuis le début du show épistolaire de Marafa Hamidou Yaya.


Opération Epervier: Marafa charge Meva’a Meboutou

L'ancien secrétaire général de la présidence de la République tente de dédouaner, par ailleurs, Yves Michel Fotso.


Marafa Hamidou Yaya, ancien ministre de l'Administration territoriale (2002-2011) ne s'était pas encore publiquement prononcé sur les affaires liées à l'achat de l'avion présidentiel et pour lesquelles il a été entendu par le juge Pascal Magnaguemabé. Des présumés détournements de deniers publics pour lesquels il a notamment été déféré le 16 avril 2012 à la prison centrale de Kondengui à Yaoundé. Pour la première fois, il vient de dire sa part de vérité sur ces faits de «détournement de deniers publics en coaction et complicité». Et sa position est claire: «Je ne sais ni quand ce détournement a eu lieu, ni sur quoi il porte, ni de quel montant il s'agit, ni qui en est l'auteur principal, ni quels sont les complices», écrit l'ancien secrétaire général à la présidence de la République dans sa troisième lettre publiée dans les colonnes du quotidien Mutations hier.

Par contre, il donne assez d'informations sur le rôle joué par l'ancien ministre des Finances et du Budget. Il en profite pour offrir à l'ancien administrateur directeur général de la Camair (Adg), Yves Michel Fotso, des éléments à décharge. Notamment, sur le choix de l'entreprise Gia International, principalement mise en cause dans le détournement des 31 millions de dollars (à l'époque 24 milliards de FCFA), de la Société nationale des hydrocarbures (Snh). D'après Marafa Hamidou Yaya, à l'époque des faits, ni le président de la République, ni son chef d'Etat-major particulier, Benaé Mpeke, ni l'ancien Adg de la Camair, Yves Michel Fotso, n'avait présenté une objection quelconque à ce que Camair conclut un contrat avec Gia International dans le cadre de l'acquisition du Bbj II.


Détournements

La multinationale «The Boeing Company» n'a pas hésité non plus à conclure et à signer un contrat avec Gia International». Or, depuis le début de cette affaire, Gia a été présenté par Jean-Marie Atangana Mebara comme une entreprise «peu crédible, avec qui l'homme d'affaires Yves Michel Fotso bénéficiait de liens privilégiés. De plus, le paiement des 31 millions de dollars à Gia International, devait s'opérer à travers l'émission d'un «accréditif à payement différé». Ce qui devait permettre à Gia de lever les fonds sur le marché international afin de financer l'achat de l'avion présidentiel.

D'après l'ex-ministre d'Etat, «cela présageait l'avantage d'éviter à notre pays une prise de risque initiale excessive». C'est-à-dire actes de détournements, corruption et autres. Ceci dès lors que l'argent liquide n'avait pas été directement transféré à Gia International. Cependant, d'après l'ancien Minatd, Meva'a Meboutou s'est opposé et «a dit qu'il trouverait le moment venu, d'autres moyens pour payer Gia Internatiorial». Il poursuit en indiquant qu'il a été informé «une quinzaine de jours après par l'administrateur-directeur général de la Camair que les 31 millions de dollars avaient été virés directement dans le compte de Gia International aux Etats-Unis» par le ministre des Finances et du Budget.

D'où la question: Pourquoi le ministre des Finances et du Budget a-t-il préféré transférer l'argent de Gia international, plutôt que d'utiliser la solution sécurisée d'un accréditif à paiement différé? Ce qui aurait permis à l'Etat du Cameroun d'avoir toutes les garanties sur la trajectoire des 24 milliards FCFA.


24/05/2012
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