Lettre ouverte: Des enseignants en colère écrivent à Philémon Yang

Yaoundé, 18 Novembre 2013
© Le Soir

Tribalisme, népotisme, favoritisme, immobilisme sont des maux qu'ils dénoncent au sein de leur corporation.

Excellence,

Nous, enseignants non-musulmans du Nord, avons l’honneur de venir très respectueusement auprès de votre haute autorité porter à votre connaissance, les vicissitudes que nous vivons dans cette partie de notre pays.

Comment est-on arrivé là quand on sait que cet important Ministère est depuis un certain temps entre les mains des originaires de cette région qui est comptée parmi les sous scolarisées de notre pays? Tout a commencé avec l'arrivée à la tête de cet important "poste ministériel de Madame Haman Adama et la nomination de cette dernière de son alter ego, le prince Souleymanou contractuel sans formation, au prestigieux poste de Délégué Régional de l'Education de base du Nord. Monsieur Souleymanou réussira par ses courbettes à gagner la confiance de Mme Youssouf Hadidja. Afin, l'actuel Minedub qui le maintient au poste malgré son ignorance de la maison, son impertinence dans la gestion du personnel et de son incompétence notoire.

Récemment, ce contractuel enrobé astucieusement PENI (Professeur des écoles normales des instituteurs) a encore bénéficié de la magnanimité du Minebase alors que cet homme dont les plus proches collaborateurs qualifient de fin hypocrite a montré ses limites, son incapacité à gérer la délégation. Ne maîtrisant ni les tenants ni les aboutissants de la Maison Education de base, monsieur Souleymanou Alias Ayatollah se réserve le seul droit de nommer même les directeurs d'Ecole dans la ville de Garoua au mépris des réalités du terrain, des propositions des inspecteurs d'arrondissement d'ailleurs taillés sur mesure, voire du Délégué Départemental réduit au rôle de valet.

En effet, les faits marquants de ses actes discriminatoires se manifestent comme suit: il relève systématiquement les directeurs «Kaado» (non musulman) sans motif valable pour les remplacer soit par ses «maîtresses», soit par des musulmans (foulbé); la psychose s'est d'ailleurs emparée de tous les autres directeurs non-musulmans qui ne savent plus vraiment à quel saint se vouer.

Des vieux directeurs quelques fois même malades sont maintenus à leur poste bien qu'incapables de contrôler le travail de leurs collaborateurs. Des sources bien informées indiquent que ces deniers partageraient leur budget de fonctionnement avec le monarque divin. Les affectations sont faites de manière arbitraire ne tenant compte ni du besoin des écoles ni d'efficacité, encore moins de l'équité. (Certaines écoles sont plus fournies en enseignants alors que d'autres complètent leurs effectifs par des enseignants de parents); ici les enseignants à affecter en zone rurale sont une fois de plus les venants d'ailleurs qu'ils appellent (wan-wan).

Quelle décision a pu motiver l'affectation d'un vieux de la vieille génération de plus de 40 ans de service précédemment chef l'inspection d'Arrondissement de Garoua Ill à Baschéo sous l'ordre de celui dont il était chef il n'y a pas longtemps? Comment n'en être pas irrité et frustré lorsqu'on vous fait commander par votre stagiaire d'hier.

Quant à la gestion des enseignants d'expression anglaise, Souleymanou est le seul à expliquer le mystère qui entoure leur mobilité. Nous savons tous qu'une administration pour être dynamique et efficace, a besoin des hommes qu'il faut à la place qu'il faut. S'il est vrai que les nominations relèvent du pouvoir discrétionnaire du chef hiérarchique, rien ne peut justifier que l'actuel inspecteur d'arrondissement de Gaschiga, instituteur contractualisé en 2008 de son état soit capitulé inspecteur d'arrondissement au grand dam des IPEG (instituteurs Principaux de l'Enseignement Général) voire des PENI (Professeur des Ecoles Normales des Instituteurs) assurément pétris d'expériences professionnelles.

Le rôle de pédagogue jadis reconnu à l'inspecteur d'arrondissement semble perdre tout son sens pour ne se conformer qu'au seul rôle «d 'administrateur» parce qu'inexpérimenté, pédagogiquement mal lotis. Dans le Nord, le travail n'est plus le seul gage pour la promotion ou la réussite. Les enseignants «Kaado» en service dans cette partie du Cameroun travaillent la mort dans l'âme; certains plus aigris ne cachent plus leurs intentions et affirment haut et fort qu'ils ne veulent plus continuer à se saigner pour cet ingrat de Souleymanou. Pour les enseignants ainsi lésés, trop c'est trop; ils envisagent de partir dès la prochaine rentrée si rien n'est fait et une grève perlée à défaut d’être systématique pour attirer l'attention des instances supérieures sur le malaise qui affecte dangereusement le système éducatif dans la région du Nord.

Naturellement ceux qui doivent payer le lourd tribut de cet amateurisme managérial, sont les innocents du Nord. Il n'est plus étonnant de retrouver jusqu'au CM2 des élèves illettrés ne sachant même pas écrire leur nom ; ils sont recrutés au concours d'entrée en 6e ou en 1 ère année avec 04/20 ou 05/20 de moyenne ; quant au CEP, il est automatiquement décerné quelques à exceptions près, à tout élève ayant participé à la phase écrite de l'épreuve, question de sauver le poste des uns et des autres, politique de promotion collective oblige.

Le Président de la République Son Excellence Paul Biya, dans ses nombreux messages adressés à la nation, a toujours prôné l'intégration nationale comme gage de la réussite sociale et a toujours émis le vœu de voir chaque camerounais se sentir chez lui partout dans notre triangle national. Dans le même ordre d'idée, il a régulièrement fustigés les écarts de comportement tels que le tribalisme, le népotisme, le favoritisme. Le prince Souleymanou aurait confondu le régionalisme, le népotisme avec la décentralisation. Serait-ce un subterfuge pour la promotion de l'Islam?

Monsieur le Premier Ministre, nous vous prions de prendre toutes les dispositions utiles pour pallier à ces bavures, car, personne ne peut nier que si notre pays le Cameroun est resté cet îlot de paix au milieu des océans d'instabilité, c'est grâce à la clairvoyance de nos gouvernants et l'esprit d'équilibre national qui les a toujours animés. Nous pensons que cette sagesse qui constitue le socle granitique de notre société mérite d'être perpétuée aussi au Nord qu'ailleurs pour que l'unité nationale ne souffre aucunement d'influence sectaire.

Veuillez agréer Monsieur le Premier Ministre, les assurances de notre très haute considération. Garoua le 24 juin 2013. Pour le porte-parole des enseignants "Kaado" du Nord Cameroun N. Bertrand Aristide.


19/11/2013
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