Lettre ouverte au chef de l’Etat Paul Biya

Lettre ouverte au chef de l’Etat Paul Biya

 

Abel Eyinga. Cette lettre n’était pas destinée à être publiée. Mais Ebolowa étant devenu décidément la cité des rumeurs, celles qui s’accumulent en ce moment autour de cette correspondance sont si énormes et si grossièrement erronées que je me trouve dans l’obligation, pour arrêter le massacre, de mettre à la disposition des personnes de bonne foi, ce document authentique, irréfutable.
 
Monsieur le président,
Je vous écris aujourd’hui monsieur le président parce que je suis profondément choqué et blessé par ce qui m’arrive ici à Ebolowa du fait d’un fonctionnaire qui, en choisissant d’ignorer la loi, m’a dépossédé d’un terrain que j’avais légalement acquis. 
Il m’est insupportable de me retrouver malgré moi dans cette position et il n’y’a qu’à vous, monsieur le président et premier magistrat de ce pays, que je peux m’ouvrir à ce sujet en toute confiance, sachant qu’il est en votre pouvoir de remédier à ce genre de situation. J’avais en effet acquis un terrain à Ekômbité, au bord du lac municipal d’Ebolowa, terrain enregistré au de Zamo Rhode Thérèse. L’an dernier, vers juillet/août, mes voisins d’Ekômbité m’apprennent que des individus parlant au nom de la communauté urbaine d’Ebolowa y sont passés et qu’ils ont même déposé leur matériel, le président de la communauté urbaine ayant jeté son dévolu sur mon terrain pour construire je ne sais quoi à des fins d’embellissement de la ville pour le comice agropastoral de 2011. J’ai laissé passer deux jours sans rien entreprendre, croyant qu’un signe ou une quelconque information viendrait de l’hôtel de ville. Mais rien n’est venu. Zamo s’est alors chargée de se rendre à la communauté urbaine pour rencontrer le patron des lieux afin de connaître ses intensions. Peine perdue : aucun contact n’a pu s’établir avec ce monsieur au bout de trois jours de démarches intenses. Une autre tentative de contact, orientée cette fois vers le cousin Yenjôk de Nkô’ôvôs le plus proche de Zo’o Olouman s’est terminée tout aussi lamentablement. C’est alors que je me suis tourné vers Fame Ndongo pour solliciter ses bons offices. Le ministre a accepté d’en toucher un mot à l’intéressé. Mais celui-ci, semble-t-il, est resté sans réaction. L’huissier dépêché auprès du délégué du gouvernement n’a pas eu plus de succès, celui-ci ignorant superbement la « sommation interpellatrice et d’arrêter les travaux » à lui délivrée par l’auxiliaire de justice.
 
Et pendant ce temps, le saccage de ma propriété continuait de plus belle : les fondations de la construction commencée en vertu d’un permis de bâtir régulièrement obtenu étaient complètement pulvérisées. Les sept variétés de plantes médicinales acquises à prix d’or au Gabon, et que j’avais mises à l’essai sur cette parcelle de terre que je croyais être devenue mienne ont été arrachées, coupées en morceaux et brûlées. Je passe sur les autres exactions : un vrai travail de vendables. Et tout cela, en pleine ville d’Ebolowa, devant des centaines et des milliers de regards qui peuvent ainsi voir réduire à néant les efforts d’un citoyen parfaitement dans son bon droit. Devant ce spectacle, il m’arrive de me demander dans quel pays sommes-nous, surtout ici à Ebolowa. Monsieur le président, c’est seulement vers la fin du mois de mars que j’ai appris, par la rumeur, que ce qui m’arrive depuis bientôt huit mois, était une expropriation pour cause d’utilité publique. Aucune notification officielle ne m’a jusqu’ici été faite à ce sujet. Je n’ai pas entendu parler de l’arrêté de déclaration d’utilité publique du ministre des domaines que la loi du 4 juillet 1985 réglementant le régime de l’expropriation pour cause d’utilité publique au Cameroun place au tout début de cette opération. Zo’o Olouman a dit à l’huissier que lui, le fonctionnaire, avait fait une « déclaration d’utilité publique » alors qu’il n’a pas qualité pour en faire une. Mais même de cette déclaration sans valeur du délégué du gouvernement, je n’ai jamais entendu parler, pas même par la rumeur, Ebolowa étant la cité des rumeurs. Je dois vous dire, monsieur le président, que beaucoup d’autres compatriotes souffrent de la manière dont les expropriations se sont abattues sur nous ici à Ebolowa. Nombre de ces victimes impuissantes se sont regroupées au sein d’un collectif pour défendre ensemble leurs droits. Je fais partie de ce collectif qui ne conteste pas le droit, pour les pouvoirs publics, de procéder aux expropriations pour cause d’utilité publique, celles-ci se réalisant dans les conditions de publicité, de concertation de transparence et de prise en compte des intérêts et des droits des uns et des autres que définit en toute clarté la loi du 4 juillet 1985 qui fixe la procédure des expropriations pour cause d’utilité publique au Cameroun. Ce sont ces conditions sécurisantes, protectrices des citoyens et respectueuses des droits de l’homme qui ont été foulées aux pieds ici. Notre collectif n’entend pas faire les frais de cette forfaiture. Monsieur le président, je ne peux ne pas crier mon indignation et ma colère devant le spectacle des camerounais qui s’abritent derrière des titres administratifs, comme au temps de la torture. C’est une torture que de laisser sans abri des familles entières après avoir réduit en miettes, au nom de l’utilité publique, les murs et les toits qui leur tenaient lieu de logement. De quelle utilité publique peut-il s’agir, lorsqu’on commence par réduire à l’état de morts-vivants des camerounais vivants qui, au surplus, possédaient quelque chose. C’est seulement maintenant que nous apprenons qu’à la demande du délégué du gouvernement, le préfet de la mvila est en train de mettre sur pied une commission chargée, entre autres choses, de l’identification des propriétaires des droits mis en cause. Cette connivence entre l’hôtel de ville et le préfet n’est prévue nulle part dans la loi de 1985. Ainsi, on a commencé par saccager des terrains, casser des maisons sans se préoccuper d’en connaître les propriétaires. Une façon de faire diamétralement opposée à ce que dit la loi.
 
Et c’est seulement dans un deuxième temps, après qu’on a tout cassé, que l’on envisage de recoller les morceaux en se livrant à une identification hasardeuse des personnes et des biens. Et lorsque, dans cet imbroglio, le préfet Galim vient déclarer à qui veut l’entendre, « qu’à chaque opération d’expropriation, les détenteurs des titres fonciers sont intimement associés pour être indemnisés, conformément à la réglementation, » on se demande s’il parle bien des expropriations d’Ebolowa qui se sont déroulées dans l’opacité la plus totale et qui n’ont provoqué que frustrations, grincements de dents et même des haines attentatoires à la paix sociale. Pour ce qui est de l’embellissement de la ville pour le comice, j’ignore combien de résidents d’Ebolowa pourraient vous certifier monsieur le président, que cet embellissement a commencé du côté d’Ekômbité cinq mois après l’événement. Quelques bancs publics…..peints en blanc ont été installés sur mon terrain, dans la boue. Et sur le terrain qui jouxte le mien, un pavillon vient d’être construit en un temps record. On dit que c’est un restaurant, et la rumeur ajoute que son propriétaire est un simple particulier. Monsieur le président, ce que je demande est simple. D’abord que l’on me rende mon terrain, dans l’état où il était l’an dernier avant l’intrusion de la communauté urbaine, une indemnisation appropriée s’imposant pour tout ce qui ne peut plus être reconstitué. Ensuite que de substantiels dommages et intérêts me soient alloués en réparation, d’une part de la diffamation dont j’ai été victime de la part du député Zam qui, en prenant fait et cause pour le délégué du gouvernement, m’a traité publiquement d’agitateur politique, propos répercutés à l’échelle nationale et internationale par la presse. Le comice a été un grand moment, célébré comme tel non seulement à Ebolowa et dans toute la région du sud, mais dans sur l’ensemble du territoire national. Il ne faut pas que les errements de quelques-uns viennent en ternir l’éclat. Vous seul, monsieur le président, pouvez aujourd’hui faire en sorte que tout se termine finalement en beauté pour tout le monde. En m’excusant d’avoir retenu si longtemps votre attention sur une affaire personnelle, je vous prie d’agréer, monsieur le président de la république, l’expression de ma respectueuse considération.
 
*Homme politique




24/08/2011
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