Les signes extérieurs de … pauvreté

Cameroun : Les signes extérieurs de … pauvreté

Pauvres:Camer.beDepuis quelques années, dans la mouvance de ce qu’on appelle l’examen et le vote du budget de l’Etat à l’Assemblée nationale, on entend fréquemment les agents et responsables de l’Economie et des Finances raconter par monts et par vaux à qui veut les entendre, que l’extrême magnanimité du président de la République et de son gouvernement ne veut pas créer de nouveaux impôts, ni augmenter les anciens.Elle se contente d’ “ élargir l’assiette ”. A ce qu’il paraît, il s’agirait là de trouver et de “ frapper ” de nouveaux “ clients ”, de nouveaux produits et de nouveaux aspects des activités économiques existantes ou à créer.

Ces nouveaux contribuables, ces nouvelles activités à rançonner, ce sont les petits débrouillards et leurs débrouillardises, qui peuplent et encombrent chaque jour davantage nos villages, les quartiers, les rues, les trottoirs et même les chaussées de nos villes. Après avoir imposé à outrance, jusqu’à étouffement, les signes extérieurs de richesse (paraboles, propriétés mobilières et immobilières cossues ou modestes, Vx et autres cylindrées grosses ou petites, services commerciaux et industriels de toutes tailles), on s’attaque désormais, avec une minutie d’orpailleur, aux signes extérieurs de pauvreté. Au nom, bien sûr, de la lutte contre…la pauvreté.

Et ce n’est pas ça qui manque ! A l’allure où galope la misère et où se multiplient dans notre cher et beau Ppte les symptômes du mal, il y a en effet de quoi remplir à ras bord les caisses sans fond du Renouveau. Et Monsieur Fisc ne s’en prive pas. Inventaire :

- Les taxis jaunes et les “ clandos ” ne sont pas loin de constituer les 80% des voitures de nos cités, où ils organisent le merveilleux désordre de la circulation, avec l’aide, l’incompétente et la corruption des “ mbérés mange-mille ”. Signe de pauvreté : en effet, par ces temps où “ le dehors est dur ” et où le chômage endémique est superbement ignoré par les Bretton Woods qui nous gouvernent, il suffit de 200 à 300 000 francs CFA pour s’offrir un auto-emploi avec un “ congelé de Belgique ”…

- De même pour les “ bendskins ”, ces mototaxis qui font partie du décor de tous nos carrefours et de nos villages, et qui acceptent plus facilement d’affronter, à moindre coût et avec tous les risques possibles, les chaussées caverneuses, les pistes et les quartiers enclavés, boueux ou poussiéreux. Signes évidents de pauvreté. Auto-emploi pour des milliers de jeunes désoeuvrés devenus cascadeurs pour survivre. S’ils n’existaient pas, le Cardinal archevêque de Douala n’aurait pas driblé l’embouteillage sur le pont du Wouri, et aurait manqué son avion et… l’élection du Pape !

- Les “ opeps ”, vous connaissez ! Ces guimbardes qui affichent “ 5 places ” et qui entassent invariablement dix à douze passagers, enfants, vieillards et malades compris, ainsi que des bagages de toutes sortes, sacs de voyage, meubles, bois de chauffe, vivres. Imagine-t-on leur absence ω Comment se déplacerait-on de et vers nos villages ω Signes extérieurs de pauvreté imposables. Et lourdement imposés : vignettes, “ papiers ” et intercalaires ” pour les “ mange-mille ”, carburant très cher…

- Signes extérieurs de pauvreté : les “ sauveteurs ” et “ bayam-sellam ” installés avec étals et kiosques dans les marchés communaux ou spontanés, sur les trottoirs et la chaussée ; les “ sauveteurs ” et “ bayam sellam ” ambulants, qui proposent tout sur la tête et les bras, dans les pousse-pousse et les brouettes artisanales, et qui bousculent tout aux feux rouges et dans la circulation. Imposables et imposés.

- Signe extérieur de pauvreté : l’envahissement de la friperie en tous genres et des boutiques “ king-hong ” avec leurs “ employer-jeter ” qui coûtent peu et durent peu.
- Signe extérieur de pauvreté : la prolifération anarchique des Gic de santé, des “ cliniques ” de tradipraticiens et des “ pharmacies du poteau ” ou ambulantes. Qui proposent, à bas prix, des traitements aléatoires et dangereux aux nombreux citoyens qui n’ont pas les moyens d’affronter les pourboires, les ordonnances interminables et autres frais d’examens des hôpitaux publics eux- mêmes démunis.

- Signe extérieur de pauvreté : la multiplication des kiosques à Dieu, où l’on espère se “ réveiller ” riche ou moins pauvre, mais où l’on se réveille dépouillé du peu que l’on avait, au profit des “ pasteurs ” prestidigitateurs.
- Signe extérieur de pauvreté : ces “ stades ” chauves, poussiéreux ou marécageux, selon les raisons, où s’ébattent nos sportifs locaux, les yeux rivés sur les stades d’Europe, d’Amérique ou d’Asie, où ils rêvent de pouvoir gagner leur vie, se réaliser et devenir des Lions Indomptables.

- Signe extérieur de pauvreté : le nombre grandissant de fous plus ou moins malades, et de mendiants, aveugles ou estropiés plus ou moins escrocs. Débrouillardise imposable.
- Signe extérieur de pauvreté : les poubelles géantes, prospères, éparpillées, rarement et mal enlevées, qui abritent rats et insectes en pleine rue ou dans les marchés, et qui servent de postes de ravitaillement pour les chiens errants, les Sdf, les fous et les éleveurs de porcs.

- Signe extérieur de pauvreté : la chanson délinquante, vide de sens et pleine d’obscénités. Elle sert de refuge aux sans-emploi sans éducation, pauvres d’imagination et amoureux de la facilité. Leurs albums ω De la débrouillardise imposable…

- Signe extérieur de pauvreté ; l’envie de partir à tout prix. Partir du village pour la ville, de la province pour la capitale. Parti du pays pour l’étranger. N’importe où. Pour “ se chercher ”. L’émigration, clandestine ou pas, ça paye les passeurs, les vendeurs de passeport et de visa. Ça se paye souvent de … mort.

- Signe extérieur de pauvreté (mentale) : l’enrichissement sans cause, l’amour du gain facile, les paris de course de chevaux ou de chiens, les détournements des biens et des fonds publics ou privés, la fraude, la feymania, bref, la corruption sous toutes ses formes. Belles affaires !

- Signe extérieur de pauvreté : la mal gouvernance, qui brade tout, gère mal les ressources, les hommes et les idées, et qui se vante d’avoir réussi à se faire classer PPTE…

L’ “ assiette ” serait à coup sûr bien “ élargie ” si l’Etat fiscal et les collectivités décentralisées prélevaient sur tous ces “ signes extérieurs ” l’impôt forfaitaire, l’impôt sur les salaires, l’impôt sur les sociétés, les frais de douane, les timbres, les tickets de parking, les péages, les vignettes, les redevances, les taxes de toutes sortes, les “ redressements ” qui accablent la production, la distribution et le travailleur, si toutes ces “ pauvretés ” étaient imposées, les recettes, le budget et la fameuse croissance pourraient au moins quintupler. L’argent de poche de nos gouvernements aussi …

© Le Messager/09/06 : Daniel RIM


12/01/2011
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