Les sénatoriales: l’heure de la clarification

Douala, 03 mai 2013
© Le Messager

Un éclairci dans paysage politique kamerunais. Telle est l’une, sinon la principale conséquence de la présente élection sénatoriale. En effet, depuis les années 90 dites années de braise, le peuple kamerunais a entrepris de reprendre en main sa destinée en s’organisant de façon multiple. C’est à la faveur de cette situation que vont fleurir, naître ou renaître divers partis politiques et organisations. A cette époque, était considéré comme opposant tout individu qui manifestait quelque velléité de contestation du pouvoir de M. Biya.

Les grands « révolutionnaires » se nommaient alors Bello Bouba, Samuel Eboa, Dicka Akwa, Kodock et autres Ndam Njoya et bien sûr Fru Ndi. Ce dernier, par son « radicalisme » affiché, apparaissait dès lors aux yeux des masses comme le leader incontesté de l’opposition. Seuls quelques militants révolutionnaires avaient la claire conscience de la situation politique réelle, à savoir que Paul John Fru Ndi ne représentaient qu’en réalité que deux fractions de la bourgeoisie kamerunaise, chacune œuvrant à sa façon à embrigader les larges masses populaires pour la consolidation du régime néocolonial. Les militants révolutionnaires ont fait l’objet de vives critiques pour leur radicalisme et leur manque de pragmatisme notamment en refusant de collaborer avec un régime antipopulaire. Mais malgré tout cela, ces militants et un grand nombre de patriotes savaient que leur analyse était juste par ce que fondée sur la connaissance des lois de la science historique et une claire vision de l’évolution socio-politique du pays. En octobre 1992, à l’occasion de l’élection présidentielle, le peuple kamerunais opte massivement pour le changement. Mais Fru Ndi pourtant sorti by Text-Enhance">gagnant de cette consultation refuse d’appeler le peuple à prendre la rue pour revendiquer sa victoire face au coup de force du Rdpc. Beaucoup d’observateurs soupçonneront déjà le début d’une mise en place d’un deal entre Biya et Fru Ndi.

L’histoire des 20 années qui vont suivre, ne sera qu’une succession de trahisons des aspirations et des luttes des kamerunais. Malgré tous ces faits, nombreux seront encore les kamerunais pour se laisser convaincre de l’engagement indéfectible du « Chairman » aux côtés des masses. Les forces patriotiques et révolutionnaires devront prendre leur mal en patience pour élever continuellement le niveau de conscience des masses en leur expliquant inlassablement les évènements et surtout en les accompagnant dans leurs luttes. Car les masses ne s’instruisent véritablement que de leur propre expérience. Heureusement, il arrive souvent que l’adversaire, dans la mise en place de ses propres stratégies de lutte nous aide en créant les conditions qui ouvrent les yeux des masses et leur permettent de s’en remettre enfin à l’évidence. C’est ce que viennent de faire M. Biya et le Rdpc en décidant la tenue des sénatoriales avant les municipales et les législatives. Dans leur souci de ne prendre aucun risque, Biya et le Rdpc ont décidé d’utiliser les conseillers municipaux en poste et qu’ils maîtrisent bien (au sens propre), près de 9000 sur les 10 000. Etant évident que dans ces conditions, le non respect éventuel des consignes du parti par quelques élus, ne pourrait avoir qu’une incidence mineure sur les résultats attendus.

Cette situation avait été clairement annoncée en premier par le Manidem. Et une fois encore, nous avons malheureusement eu raison. La réaction du Sdf (leader de l’opposition) ne s’est pas fait attendre. Un refus catégorique de participer à cette mascarade et un appel « à peine voilé » à la guerre civile. Pourtant le 7 mars 2013, après sa rencontre avec le Directeur du Cabinet Civil de la Présidence de la République, Fru Ndi invite toutes les instances régionales du Sdf à préparer les élections. Les kamerunais, dans leur grande majorité réalisent alors que «la manipulation des institutions sous des dehors de consultations électorales a (toujours) connu l’adhésion de la principale force de l’opposition du Cameroun». (Le Messager n° 3818 du 16-04-13). Ainsi Fru Ndi a toujours été le principal fossoyeur de la lutte du peuple kamerunais.

Le peuple doit à M. Biya d’avoir enfin mis à nu cette vérité.

M. Biya, le Rdpc et leur bras séculier Elecam ont organisé leurs élections à l’issue desquelles une certaine redistribution des cartes s’est opérée. Ainsi en gros, on peut noter qu’au Nord, Bello Bouba a été sérieusement malmené pour ses accointances supposées avec Marafat ; à l’Ouest, Ndam Joya a été terrassé pour avoir osé défier le Sultan ; au Nord-Ouest, Fru Ndi a été véritablement écrasé par le Rdpc. Toutefois, pour éviter de se retrouver avec une chambre unicolore, le Rdpc lui a prêté ses voix au Sdf à l’Ouest et dans l’Adamaoua. Biya a montré à Fru Ndi qu’il n’est que ce qu’il veut bien qu’il soit et quand il le veut?

Ainsi se présente provisoirement la carte politique du Kamerun

Toutefois, dans le souci de démontrer à ses maîtres occidentaux son désir d’ouverture et le caractère démocratique du kamerun, M. Biya est en train de mettre en place une dernière stratégie qui peut se résumer en la cooptation de membres de la société civile, de femmes, de membres de partis politiques traditionnellement ses alliés (Udc, Undp, etc.) et enfin de membres des partis de l’opposition radicale notamment l’Upc et le Manidem.

Il n’est pas inintéressant d’avancer quelques conjectures sur la position du Sdf, de l’Upc et du Manidem. Tout d’abord le cas du Sdf ou plus précisément de Fru Ndi. Le Chairman vient d’assister à sa déchéance politique. Persuadé de son succès dans le Nord-Ouest il n’a pas hésité à inviter les jeunes du parti à venir prendre la relève à la Direction du parti, lui se préparant à savourer une retraite bien méritée au Sénat. Mais mal lui en a pris, et il ne sera certainement plus question d’abandonner la direction du parti. En outre, s’il tient à entrer au Sénat, il ne peut plus compter que sur la magnanimité de M Biya (le faiseur de créatures politiques) en se mettant cette fois définitivement à plat ventre devant lui. C’est ce qu’illustre cet adage qui dit «qu’il arrive parfois qu’un aigle vole plu bas qu’une poule, mais que jamais une poule ne pourrait voler aussi haut qu’un aigle».

Vient ensuite le cas de l’Upc. Les différentes factions du parti historique ont déposé leur demande de reconnaissance auprès de l’Administration qui les a renvoyés dos à dos en refusant de prendre parti. En fait, l’objectif est de les paralyser le plus longtemps possible. Nous ne serions pas surpris d’apprendre que M. Biya a décidé de nommer un sénateur upéciste (le nouveau Kodock), à qui seraient contraints de se soumettre les autres upécistes en quête d’une quelconque légitimité.

Vient enfin le cas du Manidem. La situation de notre parti est plus délicate car en fait, avec l’éclaircissement du paysage politique, c’est le seul parti qui (avec l’Upc tendance des Fidèle), par ce que n’ayant jamais trahi les aspirations du peuple, aurait pu tirer avantage de ce nouveau contexte pour prospérer en soutenant et en amplifiant du mieux possible les luttes sociales.

Le Rdpc le sait. Aussi aurait-il entrepris depuis quelques jours une cour assidue à notre endroit dans l’espoir de trouver parmi nous (si ce n’est déjà le cas) des personnes prêtes à jouer le rôle cynique de sapeurs pompiers des luttes populaires. Il s’agirait en clair de nommer un sénateur du Manidem dans l’espoir que celui-ci jouera le même rôle que Kodock et saura tenir la bride au Manidem. Un fait demeure constant. Tous les sénateurs nommés par M. Biya seront des sénateurs aux ordres du Prince. Probablement ne manquera-t-il pas au Manidem un camarade pour accepter de jouer ce rôle, histoire de s’assurer, à la manière de Fru Ndi, une retraite paisible, « la retraite des traîtres ». Pour le Manidem, c’est donc véritablement l’heure de la clarification.

Mpouma Jean Emmanuel, membre du Bureau politique du Manidem (99 86 22 40)

Douala le 26 avril 2013


03/05/2013
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