Les prisonniers du président : Voir Kamto et finir en prison

Source: Camer.be 06 05 2019

  • Le Jour : Jules Romuald Nkonlak
  • lundi 06 mai 2019

Littbarsky Tiogning. De retour de son lieu de travail, il s’est arrêté par curiosité au domicile d’Albert Dzongang qui se trouvait sur le chemin. Trois mois plus tard, il est toujours détenu à la prison centrale de Yaoundé à Kondengui.

Ses pensées sont emplies de ces personnes qu’il aime et qu’il ne peut plus voir à sa guise. Et c’est naturellement avec un sentiment de tristesse qu’il évoque son épouse et ses deux enfants qu’il rentrait tranquillement retrouver après une dure journée de travail lorsque les événements ont pris une tournure inattendue au quartier Ndogbong à Douala, le 28 janvier 2019. «C’est avec trop de tristesse que je relate cette histoire qui est mon histoire », dit-il, avant de revenir sur le film des événements qui l’ont conduit à la prison centrale de Yaoundé. « Tout a commencé le 28 janvier à mon retour du travail. C’était aux environs de 18h30. Camer.be. Sur le chemin se trouve le domicile de M. Dzongang Albert. J’ai remarqué des gens qui se rendaient dans ce domicile. Je me suis renseigné auprès d’eux et ils m’ont dit que le Professeur Maurice Kamto s’y trouvait. Je suis donc entré par curiosité, parce que le Professeur Maurice Kamto est l’une des personnes les plus connues en ce moment et mon désir était de le voir aussi», raconte-t-il. Et il ajoute : « Est-ce un crime ? »

 

Capital et agrément perdus

Cette question, il se l’est posée plusieurs fois et elle continue à trotter dans sa tête lorsqu’il pense à tout ce qu’il a dû perdre du fait de sa détention. En fait, après des études dans le domaine de la mécanique de fabrication, le jeune homme a été employé dans une entreprise à Douala. Il l’a quittée peu de temps après, mais a pu à force de travail, se mettre à son propre compte. Des efforts qui pourraient, hélas, être réduits à néant. «Mon absence, du fait de mon emprisonnement m’a déjà fait perdre mon capital, mon agrément et le contrat de vente que j’avais obtenu auprès d’une entreprise de la place », dit-il.

 

Mais revenons au récit que fait Littbarsky Tiogning de ce qui s’est passé le 28 janvier au domicile d’albert Dzongang, lorsqu’il a voulu assouvir son désir de voir Maurice Kamto qu’on lui a annoncé en ces lieux. «Je me conduis là et je trouve la porte ouverte. J’entre. Tout était calme, j’ai pris place sur un banc que j’ai trouvé là. On m’a dit que le Professeur Kamto se reposait dans un salon à l’intérieur. L'info claire et nette. Après quelques heures, les forces de l’ordre ont pris d’assaut les alentours de la maison. Les policiers vont investir le domicile et arrêter les personnes qui s’y trouvent après avoir retenu leurs pièces d’identité. Littbarsky Tiogning se souvient que le policier qui conduisait les troupes était au téléphone avec une autorité à qui il rendait compte. A cet interlocuteur, il a déclaré que tout s’était bien passé. Les personnes interpellées ont alors été conduites à la Police judiciaire à Bonanjo. Le commissaire qui a coordonnée l’opération leur déclare que Maurice Kamto les a envoyés en enfer et qu’il va les y conduire.

 

Pour Littbarsky Tiogning, ce n’est pas seulement une image. Car il a alors l’impression de vivre un véritable enfer. «Ils nous ont demandé de nous asseoir à même le sol. Autour de minuit, un bus de l’agence Noblesse a garé. C’était le plus mauvais moment de ma vie. C’était traumatisant. Ils nous ont chargés, tous les 77, dans ce bus de 70 places, accompagnés de 15 policiers lourdement armés. On aurait dit qu’ils escortaient des terroristes. Ça m’a rappelé la fameuse histoire du train de la mort », raconte-t-il. Le voyage le conduira d’abord au Gso où il passe une période de garde à vue administrative. Les chefs d’accusation qui lui seront notifiés plus tard font froid au dos : manifestation non autorisée, attroupement, trouble à l’ordre public, insurrection, rébellion, terrorisme, hostilité à la patrie, cybercriminalité.

« Priez pour notre libération »

Lorsqu’il est déferré à la prison centrale de Yaoundé le 13 février, après un passage au Tribunal militaire, il est toujours sans nouvelle de son épouse et de ses enfants qu’il imagine alors en état de choc. Mais surtout abandonnés à eux-mêmes, car privés de leur source unique de revenu. Il n’hésite donc pas à lancer un vibrant appel : «Je prie toute la communauté chrétienne, nos frères camerounais, à oeuvrer et à prier pour demander notre libération, car une journée passée en prison est un enfer total, surtout pour nous malades. Je prie les autorités judiciaires à appliquer et à dire le droit pour nous et pour les générations futures, car la jeunesse est le socle de la nation ».

 

Né à Nkongsamba, Littbarsky Tiogning a grandi et fait ses études primaires et secondaires à Douala où il s’est ensuite installé. Il s’est marié il y a huit ans et est père de deux enfants. «Je réside au quartier Omnisport à Douala où je loue un studio avec ma petite famille. J’ai fait mes études primaires et secondaires au quartier Bonabéri à Douala, où j’ai grandi », indique-t-il.



07/05/2019
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