Les Lions défaits, Paul Biya perd un argument en or pour sa campagne

YAOUNDE - 22 JUIN 2010
© FRANÇOIS LASIER | Aurore Plus

Avec la sortie peu honorable de la sélection camerounaise en Afrique du Sud, les scribes de la Présidence à Etoudi arment les plumes pour transformer une cuisante défaite qui est aussi celle de Paul Biya en victoire pour la prochaine campagne présidentielle.

Les Camerounais sont les plus grands philosophes de la terre. On a pu s'en rendre compte depuis la courte déculottée de l'équipe nationale de football samedi dernier. «Fais, fais quoi, nous sommes ensemble». La motion d'encouragement d'un opérateur de téléphonie mobile au Cameroun a fait son effet phycologique. Les fans d'Eto'o ou d'Alexandre Song ne s'en laissent pas conter. Contre les journalistes dépités qui annoncent que le Cameroun a été la première équipe africaine a être sortie de la compétition, ils rétorquent dans un formidable concert, comme s'ils s'étaient passé le mot, que le Nigeria a perdu son deuxième match avant le Cameroun. Le pays de Jonathan Goodluck est objectivement et tout logiquement le premier pays africain à avoir été éliminé sur le papier. Ce n'est donc pas le Cameroun. Bah ! Ces foutus journalistes... On dirait qu'ils en ont tous après le Cameroun.

Pour cuver la défaite, les Camerounais sont divisés en deux camps. Il y a ceux qui font contre mauvaise fortune bon cœur, le club des optimistes impénitents qui pensent que dans quatre ans si on se mettait au travail dès aujourd'hui, le Cameroun pourra enfin gagner une coupe du monde. A défaut de rééditer l'exploit de 1990 en Italie. On sera alors rendu en 2014, soit 24 ans après notre premier quart de finale en coupe du monde. Toute une génération.

Dans quatre ans, Rigobert Song et Geremi Njitap auront pris leur retraite. Eto'o sera en fin de carrière et improbable. Sur qui pourrons-nous Compter ? Pour les drogués du foot, la question ne se pose pas. Nous avons une bonne cuvée de jeunes qui feront l'affaire. Il ne leur faudra qu'un ? encadrement, sans Paul Le Guen, et tous les miracles seront permis.

En face, il y a le camp des grincheux, ceux qui ne veulent plus rien entendre. Le Cameroun est un pays de cons et les Lions indomptables, une équipe de mouilleurs. Et Paul Le Guen alors ? Le sélectionneur français est bon pour la potence. Roger Milla a prédit la débâcle, Le Guen devra se tenir à bonne distance, loin de la tanière des Lions. Et avec lui, le ministre du foot, coupable de n'avoir pas été ministre pour toute une équipe. Le ministre des Sports camerounais a un peu trop ouvertement joué à être l'agent personnel et l'avocat d'un Samuel Eto'o Fils poursuivi par la malédiction d'une passe d'armes inopportune avec le totem Roger Milla.

La déconfiture des Lions ne pouvait pas tomber plus mal. Si les Lions avaient gagné, la victoire aurait fatalement été une victoire personnelle de Paul Biya qui aligne des trophées de l'équipe nationale, au contraire de son illustre prédécesseur qui n'aura même pas pu gagner une coupe d'Afrique des Nations à domicile en 1972. Que le Cameroun en soit à ne pas pouvoir organiser une Can aujourd'hui n'est pas le plus important. Paul Biya sait les gagner ailleurs. Sauf que, depuis 2002, le Cameroun de Paul Biya n'a plus rien gagné. A la dernière Coupe d'Afrique en Angola, les Lions indomptables ont eu une prestation lamentable et sont sortis dès le premier tour. En coupe du monde, ils sont out avant la fin du premier tour. Triste parcours pour une nation qui a été quatre fois championne d'Afrique et une fois championne olympique.

Au quartier, les amateurs de kabbale y vont de leur verdict. Il est des signes qui ne trompent pas. Autant on ne change pas une équipe qui gagne, autant il faut vite pousser à la touche les acteurs que la chance a définitivement lâchés. Les nouvelles ne sont pas bonnes pour Paul Biya qui est en pleine année préélectorale et qui aurait souhaité se présenter à l'élection présidentielle sous le visage de l'homme providentiel qui fait gagner le Cameroun.


L'opposition à la récup: «Biya must go»

Une victoire des Lions aurait assuré mille motions de soutien à Paul Biya et une réélection haut la main à la prochaine présidentielle. A contrario, une défaite lui vaut une panne de discours et de l'eau dans le moulin des opposants qui vont armer des programmes de refondation de la politique sportive, sur l'ambition de regagner le Cameroun à sa splendeur de 1990, sur l'urgence de revoir la copie des grandes ambitions échouées au cimetière de la corruption et de l'inertie. En clair, pour tous les opposants, la campagne sera facile: Biya must go. Et Paul Biya aura tout le mal du monde à retourner l'opinion. On devra trouver des arguments de derrière les fagots pour se dédouaner de tous les échecs accumulés du régime. A la Présidence, on saura trouver, entre mille. La déroute des Lions en Afrique du Sud est à l'image de cet échec qui réveille un peuple sur un électrochoc alors que tous les succès passés nous auront endormis. L'équipe du Cameroun ne sera plus cet exemple de bravoure et de solidarité qu'on sait servir aux Camerounais lorsque les choses vont mal. Une occasion de fête perdue.



23/06/2010
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