Les journalistes qui publient les lettres de Marafa risquent jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 5 millions d’amende.

Les journalistes qui publient les lettres de Marafa risquent jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 5 millions d’amende.

Tous les journalistes qui ont traité de l’affaire Marafa, en publiant sa dernière lettre sur l’affaire Albatros, tombent sous le coup des dispositions des articles 155 du Code de procédure pénale et 169 du Code pénal.

Les journalistes qui publient les lettres de Marafa risquent jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 5 millions d’amende.

L’éclairage de Jean Marie Tchatchouang*


Tous les journalistes qui ont traité de l’affaire Marafa, en publiant sa dernière lettre sur l’affaire Albatros, tombent sous le coup des dispositions des articles 155 du Code de procédure pénale et 169 du Code pénal.

D’après l’article 155 al 1 CPP, « la diffusion par quelque moyen que ce soit, de nouvelles photographies, opinions relatives à une information judiciaire est interdite jusqu’à l’intervention d’une ordonnance de non-lieu ou, en cas de renvoi, à la comparution de l’accusé devant la juridiction de jugement, sous peine des sanctions prévues à l’article 169 du Code pénal ». Selon l’al 2 de l’article ci-dessus, « il en est de même de toute expression publique d’une opinion sur la culpabilité de l’accusé ».

Pour ce qui est de l’article 169 du Code pénal, il qualifie les faits et indique les sanctions auxquelles les contrevenants s’exposent. Est donc puni pour commentaires tendancieux, « celui qui relate publiquement une procédure judiciaire non définitivement jugée dans des conditions telles qu’il influence même non intentionnellement l’opinion d’autrui pour ou contre l’une des parties ».

L’al3 de l’article 169 du Code pénal précise que « lorsque l’infraction est commise par voie de presse écrite, de radio ou de télévision,la peine est de trois mois à deux ans d’emprisonnement et l’amende de 100 000 à 5 millions FCFA ».

Par ailleurs, toutes les infractions commises ou susceptibles d’avoir été commises par Marafa Hamidou Yaya dans le cadre de ses sorties médiatiques sont également imputables aux journalistes qui les ont relayées, en vertu de l’article 97 al 1 (b) qui précise : « Est complice d’une infraction qualifiée de crime ou délit celui qui aide ou facilite la préparation ou la commission de l’infraction ».


MARAFA A-T-IL VIOLE L'OBLIGATION DE RESERVE?

Non, mais il a violé l’obligation de discrétion.

L’obligation de réserve et l’obligation de discrétion sont prévues par les articles 4O et 41 du Statut Général de la fonction publique, objet du décret Présidentiel No 94 /199 du 07 octobre 1994 modifié le 12 octobre 2000.
L’obligation de réserve interdit au fonctionnaire d’exprimer publiquement ses opinions politiques, philosophiques, religieuses ou syndicales. Elle interdit surtout au fonctionnaire de servir en fonction de ces opinions, et d’amener l’usager de l’Etat à douter de son impartialité.

L’obligation de réserve ne concerne donc que les fonctionnaires en service. Même si juridiquement, M. Marafa reste toujours fonctionnaire, (à moins d’être atteint par l’âge de la retraite) il n’est plus en service. La violation de l’obligation de réserve n’expose qu’aux sanctions disciplinaires. C’est-à-dire que c’est le supérieur hiérarchique ou le conseil de discipline qui sanctionne les manquements à l’obligation de réserve. Il n’existe pas de sanctions pénales pour manquement à l’obligation de réserve. Mais tel n’est pas le cas pour l’obligation de discrétion.

L’obligation de discrétion interdit au fonctionnaire de révéler certains faits, informations ou documents dont il a eu connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de ses fonctions. Cette obligation s’étend en droit pénal et prend la forme de la violation du secret professionnel.

Le fonctionnaire est tenu à l’obligation de discrétion même après son départ de l’Administration. C’est une obligation imprescriptible dans le temps et dans l’espace.

L’obligation de réserve protège la neutralité de l’Administration, alors que l’obligation de discrétion protège les secrets de l’Etat.

En conséquence, les révélations de Marafa sur son passé professionnel au sein de l’Administration sont constitutives de violation de secret professionnel, infraction prévue et réprimée par l’article 310 du Code Pénal. Sur ce point, le journaliste qui publie les correspondances de M. Marafa, même si celles-ci ne portent pas sur l’information judiciaire en cours, se rend complice de l’infraction de violation du secret professionnel. Le complice étant passible des mêmes peines que l’auteur principal, l’article 310 Code Pénal prévoit les sanctions allant de « 3 mois à 3 ans d’emprisonnement et d’une amende comprise entre 20 000 et 100 000FCFA ».


MARAFA A-T-IL VIOLE LE SECRET DE L'INSTRUCTION?

L’article 154 du Code de Procédure Pénale dispose que « l’information judiciaire est secrète ». Selon l’al 2 de cet article, « toute personne qui concourt à cette information est tenue au secret professionnel sous peine des sanctions prévues à l’article 310 du Code Pénal. Toute fois, le secret de l’information judiciaire n’est opposable ni au Ministère public, ni à la défense ».

Ainsi donc, M Marafa ne saurait parler de l’affaire pour laquelle il est poursuivi, sans violer les dispositions de la loi. Toute personne concernée d’une manière ou d’une autre par une affaire en instruction est tenue de garder silence jusqu’à l’aboutissement de la procédure, à l’exception du Ministère public et de la défense. Par Ministère public, le législateur entend ici le Procureur de la République. S’agissant de la défense, il faut savoir qu’il s’agit de la partie poursuivie ainsi que de ses Avocats. Même si juridiquement, l’inculpé fait partie de la défense, l’esprit de l’article 154 renvoie uniquement aux conseils de celui-ci. Surtout que Marafa « concourt à l’information judiciaire » de par sa qualité d’inculpé.

Mais attention, Même si l’on admet que Marafa a violé l’article 154 du Code de procédure pénale, et qu’il tombe sous le coup de la sanction prévue à l’article 310 du Code pénal, Il convient de remarquer que cet article ne sanctionne que « celui qui révèle sans l’autorisation de celui à qui il appartient un fait confidentiel qu’il n’a connu ou qui ne lui a été confié qu’en raison de sa profession ou de la fonction dans le cadre d’une procédure bien précise. Or ici, Marafa n’a objectivement rien reçu du Juge en raison de sa profession ou de sa fonction. Ce qui signifie qu’en réalité, le secret de l’instruction ne concerne que les professionnels impliqués dans le dossier de l’instruction, en l’occurrence le personnel judiciaire, la police, etc.


(*) Jean Marie Tchatchouang
Journaliste, chercheur en droit des médias, Université de Douala



05/06/2012
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