Les Etats Generaux de la Communication s'ouvrent ce jour - Flash-back: Que sont devenues les résolutions de 1994

DOUALA - 05 DEC. 2012
© Souley ONOHIOLO | Le Messager

Aujourd’hui s’ouvre, la 2ème grande édition des états généraux de la communication de l’histoire du Cameroun. Dix-huit ans après les premières assises organisées à Yaoundé, la ville « défendue par » sept collines, du 29 août au 1er septembre 1994.

Merci à la vendeuse des beignets


Aujourd’hui s’ouvre, la 2ème grande édition des états généraux de la communication de l’histoire du Cameroun. Dix-huit ans après les premières assises organisées à Yaoundé, la ville « défendue par » sept collines, du 29 août au 1er septembre 1994. Pour certaines gens, le rendez-vous de 2012, dont les rideaux vont se lever ce jour, sera une grand’messe ; pour d’autres, il s’agit d’un autre show parmi tant d’autres. Hantés par la fièvre de «communiquer autrement» dans ce pays, le ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakary et ses nombreux convives, vont prendre place sur la table, pour se gaver de soupe. A la veille de l’évènement, on les voit déjà se ruer comme des « abeilles » sur le miel d’un prétendu nouveau visage, non nouveau paysage médiatique préparé par lesdits états généraux de la communication.
Pour le ministère de la Communication, ce serait sans doute, le dernier évènement marquant de l’année. A quelques heures de l’évènement, grâce à une vendeuse de beignets, Le Messager est tombé sur un ouvrage digne d’intérêt intitulé : « Actes des états généraux de la communication », (Yaoundé, 29 août au 1er septembre 1994). Sans trop donner d’importance au livre dont elle détenait plusieurs exemplaires et d’où elle tirait chaque fois des feuilles de papier pour emballer les beignets à ses clients, la brave dame, ne savait point, comment le contenu de cet ouvrage avait fait couler beaucoup d’encre. Une négociation avec la vendeuse de beignets, nous a permis d’obtenir un des exemplaires du précieux sésame dans lequel, on a du plaisir de découvrir en le parcourant, des belles photos des héros de la plume et du micro au Cameroun. Encore vivants ou morts, en retraite ou encore en fonction, tout est beau et la nostalgie ne laisse personne indifférent. Les noms des acteurs des états généraux de la communication de 1994, ne sont pas pour la majorité des inconnus. Même pas pour les jeunes journalistes. Il y en a qui sans honte aucune, ne regrettent pas d’avoir participé au rendez-vous d’il y a dix-huit ans ; pour avoir attendu en vain et sans succès pendant longtemps que les résolutions arrêtées soient actées, s’apprêtent, tout de même, à se remettre en action pour participer aux assises qui s’ouvrent aujourd’hui et dont ils ne savent si cette fois-ci, les résolutions connaîtront un meilleur retentissement.

Nos médias, on le sait, sont à l’image du pays. Ils ont besoin d’une révolution ; une révolution médiatique, pour ne pas être totalement absent, ni trop en retard dans un monde de la communication qui vit de grands bouleversements, annonciateurs d’un monde plus moderne et épris de beaucoup de libertés. Mais au fait, le Cameroun est-il prêt ? Que peut-on valablement attendre des assises de Yaoundé, lorsqu’on sait depuis dix-huit ans que le Cameroun peine à matérialiser les résolutions du rendez-vous de 1994? Quel pourrait être le nouveau et «vrai» visage médiatique au Cameroun ? Surtout lorsqu’on interroge l’impuissance des lois et résolutions, face à l’invasion de la communication par satellite et les autoroutes de la communication?
Le Messager tente de jeter un regard froid et plein de chagrin, sur les résolutions des assises de 1994 qui n’ont pas réussi à sauver le paysage médiatique camerounais aujourd’hui empétré dans ses anachronismes, sa barbarie à visage humain et ses promesses non tenues.

Une enquête de Souley ONOHIOLO



Etats Généraux de la communication-Flash-back
Que sont devenues les résolutions de 1994



I- Il était une fois, la comédie de Kontchou Kouomegni

Dix-huit années après les premières assises des états généraux qu’il a organisées au forceps, le Pr. Augustin Kontchou Kouomegni, à l’époque ministre de la Communication, est sans doute, «l’acteur» qu’on aimerait revoir, ne serait-ce que sur le « banc de touche », à l’ouverture de la grand’messe. On espère qu’Issa Tchiroma Bakary lui a adressé une carte d’invitation. Ce qui serait bien normal ; n’a-t-il pas refait confiance au Pr. Jacques Fame Ndongo en le nommant président du comité scientifique, alors que ce dernier avait en 1994, assuré les fonctions de rapporteur général des travaux? On aimerait bien voir la mine que va afficher l’ex-ministre Augustin Kontchou Kouomegni, de savoir qu’il a fait « tirer », près de 100 millions Fcfa de la fortune publique, pour organiser une fête qui est demeurée, une simple «parade». En 1994, en termes de résolutions et recommandations finales, les professionnels de la communication rassemblés dans le cadre des Etats généraux de la communication à Yaoundé du 29 août au 1er septembre 1994 après avoir pris acte de la décision du Gouvernement d’organiser les premiers Etats généraux de la communication du Cameroun ; vu les débats enrichissants qui se sont déroulés tout au long de ces assises ; espérant que les temps présents et à venir annonçaient une ère où la communication devait constituer un levier décisif pour la survie des civilisations, étaient tout aise, d’engager leur honneur pour le plein aboutissement et l’application des résolutions qui, seules, pouvaient garantir : la démocratie, le développement authentique… Le tout, grâce à une presse libre, pluraliste, crédible, indépendante et responsable.

Parmi les résolutions fortes, les participants avaient sanctionné leur engagement à respecter scrupuleusement les principes contenus dans le code de déontologie adopté lors des présentes assises ; mettre en place un Ordre national des journalistes qui garantit à la fois la liberté d’association, de syndicat et de fédération professionnelle au sein du corps des journalistes et la diversité des opinions ; pratiquer un journalisme d’investigation qui présente au public, des faits vérifiés ; respecter la vie privée, l’honneur des citoyens et la morale publique dans l’exercice de leur métier ; utiliser les méthodes modernes et rationnelles dans la gestion des entreprises de presse ; promouvoir des regroupements d’intérêt économique au sein des organisations médiatiques ; créer une fondation de la presse en vue d’un développement d’une communication sociale pluraliste et indépendante.


II- Des recommandations dans la poubelle

L’élaboration d’un nouveau cadre juridique organisant la communication au Cameroun, notamment par la révision de la loi sur la liberté de communication sociale ; l’abolition de la censure administrative ; un plus grand respect du bilinguisme officiel dans les organes médiatiques d’Etat ; une utilisation plus prononcée des langues nationales dans les médias d’Etat ; l’institution d’un quota minimal de 80% de contenus camerounais pour les produits diffusés dans les médias d’Etat, de toutes les sensibilités nationales ; l’identification et la vulgarisation des technologies et des instruments de la communication traditionnelle ; l’élaboration des statuts de ces métiers et la nécessité de former dans nos écoles spécialisées de professionnels de haut niveau pour ces métiers ; l’incitation des organisations et des entreprises à investir dans la publicité par des mesures préférentielles; l’organisation de la profession de publicitaire dans un cadre réglementaire et déontologique; la définition, par rapport à notre diversité culturelle, des options de coopération internationale qui tiennent compte de toutes les aires culturelles extérieures et qui s’ouvrent aux modalités nouvelles de la coopération décentralisée ou privée ; la mise en place de mesures fiscales, postales ou autres susceptibles de réduire les charges des entreprises de presse; la formation des ressources humaines dans la communication et la gestion des organes de communication…

Le contenu général des résolutions et recommandations, lu à Yaoundé, le 1er septembre 1994, par Amadou Vamoulke qui officiait comme secrétaire général des états généraux, prévoyait également en bonne place, la formation des communicateurs en langues nationales ; la spécialisation de manière encore plus intensive de nos communicateurs pour leur permettre de maîtriser davantage des secteurs de la vie nationale et internationale ; l’accroissement du nombre de structures de formation universitaires pour faire face à la demande des organismes tant publics que privés et la diversification des méthodes et des moyens de cette formation ; le versement effectif par le Trésor public de la redevance audio-visuelle à la Crtv; la consécration du droit du citoyen à l’information juste et du droit du communicateur et notamment le journaliste, au libre accès à toutes les sources d’information non protégées ; l’affectation, dans nos missions diplomatiques, de professionnels de la communication qui puissent diffuser, auprès d’autres peuples, nos valeurs et notre savoir-faire. Dix-huit ans après, à chacun d’en faire son jugement.


III- Une périodicité non tenue

Dans son discours de clôture, le ministre d’Etat chargé de la Communication, avait déclaré le 1erseptembre 1994 que les Etats généraux allaient se tenir tous les 5 ans et les journées de la communication tous les deux ans. A l’adresse de tous les participants à ce grand forum, venus de tous les horizons, de l’étranger, des dix provinces d’alors et de tous les métiers de la communication, le ministre d’Etat, reconnaissant la qualité du travail fait, sans complexe, dans la solidarité, avec pour seul souci sacré de servir la nation, jugeait les conclusions des débats d’une richesse extraordinaire et pour la plupart d’une pertinence éblouissante. Le Pr. Augustin Kontchou Kouomegni, n’avait de cesse de vanter le nouvel environnement juridique et institutionnel pour la communication sociale, défini, de même que la mise en place d’un code de déontologie et un ordre des journalistes. «Fier du travail abattu et satisfait des résolutions et recommandations adoptées, le gouvernement par ma voix s’engage à les traduire rapidement dans les faits avec le concours de tous dont notamment celui du comité national de suivi composé du bureau général des assises, du modérateur et du rapporteur de chaque atelier (s’ils ont la qualité de délégués ou d’invités aux Etats généraux) ainsi que d’un représentant par province ; les comités provinciaux de suivi à travers le bureau provincial des Etats généraux et un délégué par département. Nous le ferons aussi à travers la convocation incessante des comités de rédaction du code et autres textes de la communication tel que prévu par l’une des résolutions »,promettait le ministre d’Etat en charge de la communication.

Beaucoup de temps a passé ; l’histoire semble donner raison au Pr. Maurice Kamto qui, au sortir des assises, craignait que les belles « résolutions » arrêtées lors de la foire de la communication, n’engagent que ceux qui y étaient conviés. Au regard de la comédie, la mésintelligence, la mise en scène et le folklore, le rendez-vous de Yaoundé en 1994, ne visait qu’un seul objectif : signer la «prétendue et masquée» paix des braves entre le gouvernement et la presse qu’on devait museler et mieux contrôler qu’avant, malgré la suppression de la censure. « A compter de ce jour, plus uni et plus fort que jamais, le Cameroun va porter à travers le monde, avec davantage de fierté et d’assurance, le flambeau de la liberté, de la performance et de la modernité, car avec un dispositif stratégique aussi solide, nous sommes prêts pour le grand rendez-vous de la communication du troisième millénaire. Ainsi sur la foi de votre engagement à vous donner un code de déontologie et un ordre professionnel chargé de son application sans faille, la censure administrative préalable ne mérite plus de place dans notre cher et beau pays; sa place nouvelle est désormais au musée des antiquités ; le législateur est donc interpellé» concluait Augustin Kontchou Kouomegni.

Souley ONOHIOLO



Incurie: Jacques Fame Ndongo et le reflet du miroir

Rapporteur général des travaux aux états généraux de la communication en 1994, le ministre de l’Enseignement supérieur, vient de se faire «élire » à la plus haute fonction de président du comité scientifique des assises de 2012. Dix-huit ans après, le secrétaire national à la communication du Rdpc, est encore d’attaque. D’ailleurs, qui mieux que lui, peut donner droit, à la scientificité des états généraux. Le prof, qui aura à ses cotés, à la fonction de vice président, un «renard» comme Amougou Belinga, Pdg du groupe «L’Anecdote», est l’homme de la situation ; celui qu’il faut, à la place qu’il faut. Mais est-ce pour autant, que l’on peut valablement balayer les craintes et l’indignation du syndicat national des journalistes du Cameroun (Snjc) qui dénonçant le caractère vicié de cette démarche, met en garde le ministre de la Communication, Issa Tchiroma, sur ce que les revendications d’une organisation, qui a lancé un mot d’ordre de «boycott actif» de la mascarade à venir, et qui le maintient, ne sauraient être ramenées à une équation personnelle ou à la présence de l’un de ses membres au sein des cellules des états généraux de la communication. «Le Snjc insiste pour constater l’improvisation, le manque de sérieux et le caractère vicié qui entourent l’organisation de ces assises, annoncées depuis 3 ans et dont un Comité scientifique aurait dû être mis en place des mois à l’avance. La Commission scientifique des EGC est présidée par Jacques Fame Ndongo, l’actuel ministre de l’Enseignement supérieur dont l’obséquiosité envers le régime de Yaoundé est notoirement connue. Qui plus est, le même fut déjà membre du Comité scientifique, par ailleurs rapporteur général des EGC tenus du 29 août au 1er septembre 1994 à Yaoundé, avec de ronflantes résolutions qui n’ont jamais permis d’améliorer l’environnement communicationnel du Cameroun. Au sein dudit Comité scientifique, déjà pléthorique, se retrouvent non seulement une foultitude de thuriféraires du parti au pouvoir, mais également de soi-disant représentants de regroupements professionnels dont le mandat est échu, dont les organes ont cessé de fonctionner depuis des lustres ou dont les titres affichés sont manifestement usurpés » dénonce Félix Cyriaque Ebole Bola, président du Snjc.

La position du Snjc, est compréhensible. Le président du comité scientifique des états généraux de la communication version Issa Tchiroma, n’est pas exempt de tout reproche de la décadence, la décrépitude, la pollution et la désagrégation actuelle du paysage médiatique camerounais. Bien au contraire ; au sortir des états généraux de 1994, le Pr. Jacques Fame Ndongo a largement contribué à faire des médias camerounais, une presse de seconde zone, infiltrée et pénétrée par ceux que certaines langues appellent « les tueurs à gages ». Alors qu’il croyait combattre la sainte trinité composée de : Le Messager, La Nouvelle Expression et Challenge Hebdo, le Pr. Jacques Fame Ndongo, anciennement directeur de l’Essti, recteur de l’Université de Yaoundé I , a créé à l’emporte pièce des organes de presse tels : Le Patriote, Le Témoin, Le Libéral… Promu ministre de la Communication au mois de mars 2000, on a longuement espéré que le ministre Jacques Fame Ndongo, allait faire appliquer les résolutions et les recommandations arrêtées aux états généraux de 1994, dont il en avait été le rapporteur. Que non ! On a attendu sans succès : l’organisation d’au moins une autre édition des états généraux qui étaient appelés à se tenir tous les 5 ans ; moins encore les journées de la communication tous les 2 ans. Aucune avancée dans le sens de l’amélioration du Code de déontologie et de la mise en place de l’Ordre des journalistes. Plus grave, le Pr. Jacques Fame Ndongo a conspiré et noyauté les journalistes. En favorisant la mise en place de l’Union des journalistes libres du Cameroun (Ujlc), il a plongé l’association nationale des journalistes camerounais (Ujc) dans la tourmente. La création d’une branche armée des journalistes par le Pr. Jacques Fame Ndongo a davantage affaibli la presse camerounaise. Pour avoir ainsi choisi de ramer à contre courant des intérêts et les conditions de travail des médias, le président du comité scientifique, n’est pas capable de faire sa propre mue.

S. O.


Rétroviseur: Dans l’édition n° 005 de l’hebdomadaire « Génération » du 07 au 13 septembre 1994, soit quelques jours seulement après la tenue des états généraux de la communication, version Augustin Kontchou, le Pr. Maurice Kamto, alors administrateur délégué dans ledit hebdomadaire avait commis un éditorial où, il estimait que les états généraux étaient un piège à cons dont il ne fallait rien en attendre. L’histoire lui a donné raison ; au moment où, le ministre Issa Tchiroma s’apprête à faire tenir sa « part », aura-t-il plus de succès que le Pr. Augustin Kontchou Kouomegni? Le Messager vous propose à lire cet éditorial.


Tyrannie de l’apparence, Par Maurice Kamto

J’y étais, à la fête de la Communication, la semaine dernière, au Palais des Congrès. Il y avait du monde – pour le bonheur des organisateurs. Pas tout le monde, bien sûr. Mais du beau monde. Des anciens ministres comme des nouveaux qui savent aussi descendre de leur Empyrée pour une empoignade – verbale heureusement – devant un parterre de mortels médusés. Il y avait aussi, le dernier jour, de nombreuses têtes couronnées de la République – et une bonne brochette de gens d’armes aux épaules scintillantes d’étoiles dorées, bombant leurs poitrines soulagées ce jour-là du poids des médailles bigarrées. «Etats Généraux» ou Etat des généraux ?

Qu’importe ! La fête est allée bon train et les « délégués » ont travaillé d’arrache-pied, consciencieusement, comme en témoignent les recommandations des différentes commissions ainsi que le rapport final. Des « délégués »vous dis-je ! Mais « délégués » de qui ? Par qui ? Au nom de qui parlaient-ils donc ? Il fut un temps où l’on disait les Etats Généraux de la Nation impossibles, parce que quelques individus non dûment élus par le peuple souverain ne pouvaient se réunir et parler au nom de la Nation toute entière. Alors, doit-on craindre que les belles résolutions arrêtées à l’occasion de cette foire de la Communication n’engagent que ceux qui y étaient conviés ?

Avant d’avoir écouté le ministre d’Etat chargé de la Communication le dimanche soir dans une émission hebdomadaire de la TV nationale, j’aurais répondu sans hésitation par la négative. Mais j’ai bien peur que oui, désormais, et pour deux raisons : d’une part, parce que d’après le ministre de la Communication, cette grand’messe fut l’occasion de conclure ce qu’il a appelé« la paix des braves » avec la presse ; mais avec quelle presse ? Représentée par qui ? D’autre part, parce que le ministre déclare avoir « acheté la paix sociale à 100 millions » de francs CFA ! Or nous disons à Génération –afin que nul doute ne soit permis : « Que ceux qui ont reçu le pactole le partage avec le reste des Camerounais, car la Nation camerounaise ne se résume pas à quelques communicateurs, si talentueux soient-ils. En tout état de cause, tout accord ou pacte, secret ou public conclu lors de ces « Etats Généraux »n’engage que leurs signataires. Pour le reste nous nous conformerons aux lois de la République et combattrons toute loi scélérate. Le Ministre de la Communication s’est engagé solennellement – et c’est du sérieux puisqu’il est le porte-parole du Gouvernement, à traduire très rapidement en actes les recommandations faites par cette assemblée non élue ; d’où la création d’un « comité de suivi », bien que cette instance rappelle par trop un forum politique autrement plus sérieux qui s’avéra par la suite un piège à cons : la tristement fameuse « Tripartite ». C’est dire que ce qui s’est fait à l’initiative et à l’échelle d’un département ministériel pouvait et peut se faire à l’initiative et à l’échelle de la Nation toute entière.

On a célébré la Communication et consacré d’interminables tirades sur : comment reluire l’image du Cameroun à l’étranger ». Cette formule piquante prise comme un délicieux calembour fit rire aux éclats M. le Ministre d’Etat ; lui qui, comme il l’a laissé comprendre à diverses occasions, serait le mieux informé de la République, avait sans doute compris, comme de nombreux « délégués » : comment vendre le Cameroun aux étrangers » parce qu’il sait peut-être que l’opération est en cours et que nombre de Camerounais s’en émeuvent. On s’est donc préoccupé de la restauration de la façade de ce pays dépenaillé qui se répugne à lui-même et manque de compagnie sérieuse dans le concert des nations. On a reproché aux Camerounais de ne pas savoir masquer notre jambe de bois, interpellant au passage notre patriotisme quand on n’en a pas douté. Obsession de l’apparence, de paraître ce que l’on n’est pas !

Mais on a oublié de réfléchir sur la « communication sociale » comme s’intitule significativement la loi n°90/052 du 19 décembre 1990 qui fut le prétexte à tout. On s’est abstenu de s’interroger sur : comment (ré) apprendre aux Camerounais à communiquer entre eux, à dialoguer, c’est-à-dire à faire ce commerce tribal qui se sert de la médiation de la parole et qui se fait non point de soi à soi, mais nécessairement avec autrui. Comment croire que dans un pays où le message passe si mal entre gouvernants et gouvernés, où les communautés se côtoient sans se parler, on ne se soit préoccupé que de l’image de marque du pays à « l’étranger » ? Vivons-nous pour l’étranger ? Faisons-nous la démocratie pour l’étranger ? Construisons-nous le Cameroun pour plaire à l’étranger ?... Si tel est le cas alors nous sommes bons pour la recolonisation. Bon Dieu ! Qu’importe la bonne opinion de l’étranger sur nous si nous ne sommes pas une Nation forte de sa cohésion et de son unité, et solide dans ses convictions et son patriotisme ? Si nous n’avons pas une ambition nationale portée par tous comme un défi commun ? Que vaut notre image à l’étranger si nous n’avons aucune considération pour nous-mêmes ? Ce n’est pas l’étranger qu’il faut convaincre en premier, ce sont d’abord les Camerounais eux-mêmes. Nous ne pouvons vivre par procuration, à travers la représentation qu’autrui se fait de nous. Il n’y a qu’un pays sans âme qui peut ainsi abandonner son destin à d’autres.

Or le Cameroun, je le sais, a une âme. Cherchez-la dans le feu bouillant sous la croûte du Mont-Cameroun, dans les forêts épaisses de l’Est et des profondeurs du Sud, sur les hauts plateaux de l’Ouest, dans le château d’eau de l’Adamaoua, dans la steppe du Nord, sur les hauteurs du Mont Mandara… Ce Cameroun-là, je le connais : c’est le pays des gens fiers, qui meurent debout.



05/12/2012
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