Les enjeux d’une souveraineté monétaire au Cameroun

Les enjeux d’une souveraineté monétaire au Cameroun

Les enjeux d’une souveraineté monétaire au Cameroun« La monnaie est à l'économie ce que le sang est au corps humain; s'il en manque, c'est l'anémie, s'il y en a trop, c'est la congestion. Il ne viendrait à l'idée de personne d'emprunter son propre sang. Alors, il revient à l'État, pour le service du bien commun, d'assurer l'offre à la demande de monnaie pour qu'enfin l'économie camerounaise soit au service des camerounais ». C’est ainsi que le Dr Aubain Ngwa Zang s’exprimait il y a deux ans dans un amphi de Soa face à de milliers d’étudiants venus l’écouter. Il a rejoint l’univers des anciens vivants depuis presqu’un an. Face à la crise de l’Euro, il nous a semblé important de revisiter sa pensée et la mettre à la sauce de la sociologie politique comme nous l’expliquait autrefois Dominique Strauss-Kahn afin que l’économie cesse d’être prisonnière des politiques et soit accessible à tous. Qui mieux que les camerounais ont envie aujourd’hui de comprendre l’économie ? Qui d’autres que nous se posent la question de savoir comment on pourrait bien financer durablement le bien-être de tous les camerounais ? La réponse du Dr Aubain Ngwa Zang était simple sans être simpliste : Il faut battre notre propre monnaie !

Permettez donc  que nous puissions sans passion aucune nous expliquer sur la nécessité d’une telle entreprise alors que la monnaie unique européenne connait une véritable crise qui pourrait si personne n’y prend garde déboucher sur une nouvelle dévaluation du CFA. La monnaie rare aujourd’hui, n’est pas forcément rare, mais sa rareté construite nous enferme dans une économie de rareté. Cette rareté qu’on le veuille ou non est artificielle, elle est fabriquée, voulue, et constitue la source de la richesse immense des pays industrialisés.
 
Bien sûr, si la monnaie est rare, elle est chère et son prix s’ajoute aux prix de toutes choses ; les échanges sont pénalisés par le coût des crédits. Mais la monnaie pourrait être abondante, ou plus exactement suffisante. Pour cela, il faudrait que l’État (c’est-à-dire nous) ait le contrôle de sa création.

L’Etat camerounais doit pouvoir émettre la monnaie dont elle a besoin, en proportion de son développement. Et la monnaie qu'il crée, il doit pouvoir l'affecter aux projets qu'il décide pour demain, non pas au paiement de ceux qu'il se voit imposer, aujourd'hui, impuissant, endetté.

Les pays industrialisés et leurs organisations  ont tout fait pour ruiner notre Etat, ce qui leur offre plusieurs avantages : une fois ruiné, l’Etat ne peut plus aujourd’hui assurer que les fonctions sécuritaires (armée, police, justice), bien utiles pour sécuriser sur place les actions dont les pays industrialisés ont le plus besoin dans nos pays et pour leurs peuples.

Autrement dit, le Cameroun depuis son entrée au FMI s’est rendu presque complice de son propre sabordage en mettant sans préparation aucune une série de mesures inefficaces et de surcroit impopulaires qui lui sont dictées par des fonctionnaires dénationalisés. L’unique but de ces mesures est de dégager des ressources financières pour régler dit-on notre dette (PAS).

Nous sommes donc victimes d’un sabordage à la fois économique et monétaire de la part de nos propres « représentants » qui dans leur état psychédélique ont réalisé l’exploit de placer notre pays sous occupation étrangère.

La preuve la plus extraordinaire nous a été donnée en 1997 lors de la célébration en grande pompes de l’entrée du Cameroun dans le cercle VIC (Very Important Country), très restreint, des Pays Pauvres Très Endettés (PPTE) considérée par les autorités publiques endormies non seulement comme une reconnaissance internationale des progrès accomplis dans l’amélioration des conditions de vie des camerounais mais aussi comme le plus grand des privilèges que le pays ait jamais connu ! Cette occupation différente de celle de l’époque de la colonisation, qui nous imposait sa présence physique, est aujourd’hui devenue plus subtile et vicieuse en ce sens qu’elle se sert des organisations économique et monétaire que sont le FMI, la Banque mondiale et l’OMC ainsi que des firmes multinationales (Total, Elf, Texaco, Mobil, etc..), comme principaux outils de désarmement politique des populations, d’affaiblissement de notre État, et de renoncement au peu de liberté que les camerounais avaient pourtant chèrement payée. Il est d’ailleurs important de noter ici que les coupes budgétaires pour entrer dans ce club bien sélect l’ont été dans les secteurs de l’éducation, des transports et de la santé ! Les résultats sont visibles pour tous aujourd’hui.

Cependant, certains pourraient être tentés de croire que les difficultés financières de l'Etat camerounais proviennent de son incurie, ce qui n’est point vrai, parce qu’elles proviennent plutôt de sa pauvreté artificiellement programmée à travers les relations économiques impures entretenues avec les pays industrialisés et surtout d’un système bancaire inique, un privilège de type féodal ouvertement consenti aux français (zone franc) et aux organisations qui aujourd’hui pourraient être interrogées (FMI et Banque mondiale) le droit de créer la monnaie et de prélever un intérêt sur cette monnaie neuve, et l'obligation pour l'État camerounais de s'endetter auprès de ces Etats « industrialisés » ainsi que de ces organisations criminelles pour financer les besoins publics.

Ce système de fonctionnement met donc le pays en coupe réglée, sans aucun espoir de jamais rembourser une dette sans fin puisque la création monétaire est rançonnée et les profits énormes ponctionnés sur le dos des masses vont alimenter les bulles spéculatives mondiales, permettant aux détenteurs de ces capitaux dérobés de s'enrichir toujours davantage, non seulement sans créer de richesse, mais encore en provoquant la désolation autour d'eux !

Moralité, notre système économique et financier est bloqué en position endettement !

Pourtant l’histoire et les faits actuels foisonnent d'exemples de réformateurs publics ayant invoqué le principe de la liberté des Etats qui est la norme du droit international public pour exercer leur souveraineté et sauver ainsi leur pays du chaos.

La crise de 1929 reste un cas d’école. Sans entrer dans les détails, son origine est due au rétablissement de la convertibilité du Franc et de la Livre en or en 1925-1928. En effet, dans le système de Gold Exchange Standard, l'or se trouvait aux États-Unis et uniquement le dollar était convertible. Churchill et Poincaré en rétablissant la convertibilité de leur monnaie, échangèrent des dollars contre de l'or, ce qui diminua le stock aux USA, et qui par contrecoup réduisit la part de la monnaie permanente dans la masse monétaire. Les premiers signes d'essoufflement de l'économie américaine apparurent au début de 1929.

Malgré les discours rassurants, la production industrielle se mit à baisser. Dès septembre, la spéculation boursière financée essentiellement par le crédit bancaire commença à montrer des signes d'inquiétudes, les ventes s'accélérèrent et en octobre, le jeudi 24, les prix dévissèrent entraînant dans leur chute la faillite du système bancaire américain. La répercussion en Europe ne se fit pas attendre, et dès les premières semaines de 1930, elle entrait en dépression.

L'Allemagne et l'Autriche furent les plus touchées car leurs économies étaient extrêmement liées au secteur bancaire américain (qui avait prêté énormément par les plans Dawes et Joung décidés à la Conférence de Gênes en 1922. Il s’agit à l’époque de trouver une solution aux questions des réparations).

En 1931, la moitié du système bancaire allemand et autrichien avait fait faillite, entraînant une diminution formidable de la masse monétaire en jetant dans la misère des millions de personnes. En 1932, l'Allemagne connaîtra 7 millions de chômeurs, et 25 % de la population sera plongée dans la mendicité.

Face à l'incapacité de la République de Weimar et face au péril de la révolution bolchevique, les Allemands se jetèrent dans les bras d'Adolf Hitler en janvier 1933, seule planche de salut dans un monde qui venait de chavirer.

Ici apparaît un homme, ignoré de l'histoire économique et dont il faut remercier M. Grjebine d'avoir eu le courage de le ressusciter, M. Ernst Wagemann. Il rentrait des États-Unis, où il enseignait l'économie, avec une solution: ce qui se passe actuellement est le contraire de l'hyper-inflation du début des années vingt où il y avait trop de monnaie en circulation par rapport à la production. Maintenant, nous sommes en déflation, il manque de la monnaie par rapport à la production. Il faut donc en émettre. La nouvelle équipe dirigeante fut séduite et Schacht, un expert de la finance fut chargé d’appliquer cette solution.

Il est intéressant de signaler que la préface de la Théorie Générale de J.M. Keynes, publiée en 1936, était consacrée à la politique du docteur Schacht et faisait l'apologie de la méthode de préfinancement de l'économie par le troisième Reich. Cette méthode était considérée par l'auteur comme le seul moyen efficace de lutter contre la crise et le chômage. Mais Keynes ne s'arrête pas là, et tout au long de  son ouvrage, il défend les thèses de Silvio Gessell et du major Cliford Hugh Douglas et pense qu'il y a encore beaucoup à trouver dans ces deux économistes qui sont restés dans l'anonymat.

Au fait en quoi consistait cette solution ?

Elle était simple. L’Etat allait se réapproprier sa place dans l’économie par le mécanisme suivant.
L'État passa commande de travaux auprès des entreprises privées qu'il paya avec des bons de travail escomptables auprès de la Banque Centrale. Les entrepreneurs payèrent leurs salariés et leurs fournisseurs avec ces moyens de paiement, qui furent ensuite présentés et escomptés auprès d'une banque secondaire qui elle-même les présenta et se les fit escompter auprès de la Reichbank, qui ne se les fit jamais rembourser par l'État. L'État avait procédé à une émission ex nihilo de monnaie permanente. Les résultats ne se firent pas attendre ; en 1937 le chômage avait disparu, l'économie connaissait une croissance formidable et en 1938, l'Allemagne dut faire appel à de la main-d’œuvre étrangère.

L'expérience venait de démontrer que l'argent n'est pas gagné par ce qu'il y a derrière lui, mais par ce qu'il y a devant, le travail et la production de la communauté. En 1938, aux États-Unis, malgré les plans de relance par le déficit public, le chômage touchait encore 8 millions d'américains. Les bruits de bottes venant d'Europe se faisant entendre, le gouvernement fédéral décida la loi prêt-bail de financement de l'effort de guerre. Il émit des bons du trésor qui furent rachetés par la Federal Réserve. 20 % de l'effort de guerre furent financés par ce principe. En 1941, les États-Unis ne connaissaient plus le chômage.

D'autres expériences ont été menées depuis. Pendant les Trente Glorieuses parce qu'on appelle « le circuit du trésor », au Japon entre 1975 et 1980 et plus récemment aux États-Unis en 1991, la Federal Réserve a monétisé 100 milliards de dollars de bons du trésor dont chacun a pu mesurer les conséquences par l'expansion et le dynamisme de l'économie américaine pendant 7 ans.

Question : pourquoi l’Etat camerounais est-il incapable de faire la même chose pour sauver ses populations d’une pauvreté programmée?

Parce que les organisations criminelles de Bretton Woods lui ont fait croire que l’argent est une marchandise, qui est non seulement très rare mais qui doit s’acheter et se vendre.
Moralité: l’État camerounais est alors obligé d’acheter à ces organisations une monnaie, qu’il pourrait émettre lui-même, celle qui lui sert à échanger son propre travail, et donc de s’endetter toujours davantage, au point d’être obligé d’emprunter encore pour pouvoir payer les intérêts !

Conclusion : la pauvreté artificiellement programmée de l’Etat camerounais n’est qu’un leurre qui ne doit sa survie qu’à la confusion mentale dans laquelle sont entretenus les dirigeants et le peuple, et à la méconnaissance générale du fonctionnement de la création monétaire.

© Correspondance de : Dr Vincent-Sosthène FOUDA


20/11/2011
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