Les droits humains en milieu carcéral - Non assistance à personne en danger: En garde à vue 23 jours, après la mort de sa femme

DOUALA - 25 MARS 2013
© Théodore Tchopa et Charles Nforgang (JAD | Le Messager

La nuit tombée, Achille Mvilongo est conduit dans une brigade de gendarmerie où il passera 23 jours avant d’être libéré. En violation flagrante du code de procédure pénale mais, pour le chef de cette unité, dans le strict respect des règles de l’enquête sur le décès de son épouse.

Achille Mvilongo Ngah n’a pas été pris en flagrant délit. Il n’a pas reçu de convocation d’une unité de police ou de gendarmerie. Il pleurait la mort de sa femme. Mais, aux environs de minuit à son domicile de Bassa, lieu-dit Génie Militaire, une escouade de gendarmes l’a saisi et conduit à la brigade de Logbessou, où il a été jeté en cellule. Sans aucun mandat d’amener, ni d’interpellation.

Interrogé le lendemain, un dimanche, jour férié au Cameroun, l’officier ne lui a pas présenté de plainte écrite. Ce qui lui fait penser qu’il a été arrêté sur la base de simples dénonciations verbales suite au décès de son épouse. « Ma femme est décédée le jour même où j’ai été interpellé. Ce matin-là, les enfants l’ont trouvée mal en point dans sa chambre. Je l’ai transportée dans un centre de santé du quartier, puis à l’hôpital Laquintinie où elle est morte », raconte Achille. Au deuxième jour de sa détention il a appris que des proches de sa défunte épouse ont porté plainte contre lui pour « non assistance à personne en danger ».


«Manœuvres et chantage»

Achille accuse des gendarmes, et notamment le chef de cette brigade de gendarmerie de Logbessou, de corruption et de pressions multiples. A l’en croire, le chef de cette unité aurait exigé 350 000 F pour négocier avec le médecin légiste requis par les plaignants afin que ce dernier publie un rapport d’autopsie qui lui aurait été favorable. Ce qu’il a refusé.

Il soutient par ailleurs que sa sœur aînée a dû remettre 100 000 F aux gendarmes pour améliorer ses conditions de détention. Conséquences positives immédiates : Achille a été autorisé à passer ses nuits sur une natte étalée au sol, derrière la main courante de la brigade, en dehors des cellules puantes.

Achille Mvilongo soutient enfin n’avoir été présenté au procureur qu’après seize jours de détention. En violation flagrante du Code de procédure pénale qui stipule que : « Le délai de la garde à vue ne peut excéder quarante huit (48) heures renouvelable une fois… Sur autorisation écrite du Procureur de la République, ce délai peut, à titre exceptionnel, être renouvelé deux fois ». « Les gendarmes, auteurs de telles arrestations arbitraires, qui gardent les suspects pendant aussi longtemps et qui, en plus, tentent de leur extorquer de l’argent, se rendent coupables d’abus de pouvoir et de concussion. Les victimes, comme c’est le cas pour ce jeune, doivent porter plainte et solliciter réparation de cette injustice », conseille Me Emmanuel Ashu Agbor, avocat au barreau du Cameroun. Après avoir été présenté au procureur, Achille a encore été renvoyé dans cette brigade pour compléments d’enquête. Il ne sera libéré sur autorisation du procureur qu’après 23 jours de détention.


«Nécessités de l’enquête»

Interrogé sur le cas d’Achille Mvilongo, le commandant de la brigade pense avoir plutôt bien fait son travail et rejette en bloc toutes les accusations de violation des droits du suspect et de corruption. Il met en avant les nécessités de l’enquête. « Avant de défendre des gens de ce type, il faut tout d’abord chercher à comprendre ce qui leur est reproché. Ce monsieur était soupçonné de meurtre et il fallait procéder à une autopsie sur la victime pour avoir des éléments probants permettant la suite de l’enquête. Pour obtenir tous ces éléments, cela prend du temps. Devait-on le laisser rentrer au quartier dans ces conditions ?», interroge-t-il, furieux. Bien plus, il soutient avoir gardé Achille pendant tout ce temps sous les ordres du procureur. Dans ces conditions, il estime que le suspect n’était plus sous sa responsabilité, mais bien sous celle du parquet.

Théodore Tchopa et Charles Nforgang (JADE)


26/03/2013
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