Les dossiers noirs de la République: Au moins 15000 morts en 28 ans de règne (Suite)

En sommes-nous si éloignés?
Message des leaders du " Mouvement J'Ose "

“Camerounaises, Camerounais,
L'armée nationale vient de libérer le peuple camerounais de la bande à Biya, de sa tyrannie, de leur escroquerie et de leur rapine incalculable, inqualifiable. Oui, l'armée a décidé de mettre fin à la politique criminelle de cet individu contre l'unité nationale de notre cher pays. En effet, le Cameroun vient de vivre au cours de ces quinze derniers mois qu'a duré le régime Biya les heures les plus noires de son histoire. Son unité mise en péril, la paix interne troublée, sa prospérité économique compromise, la réputation nationale ternie.

Chers compatriotes,
Vous avez tous été les témoins de l'horrible comédie jouée par le pouvoir défunt qui se permettait de parler de libéralisme, de démocratie, d'intégration nationale alors que, chaque jour, son action bafouait de façon scandaleuse ces hautes valeurs. Les libertés fondamentales des citoyens telles que énoncées par la Déclaration des droits de l'homme n'étaient jamais respectées. La constitution était ballotée au gré des considérations de la politique politicienne. Le gouvernement et ses agents, propulsés à la tête des rouages de l'État, agissaient avec comme pour seule devise non de servir la nation, mais de se servir. Oui, tout se passait comme s'il fallait se remplir les poches le plus rapidement possible, avant qu'il ne soit trop tard.
Et, en effet, c'est bien de cela qu'il s'agissait. Enfin, vous pouvez juger du discrédit jeté sur le Cameroun par la parodie de justice que constitue le dernier procès. Aussi, il est temps de trancher le nœud gordien. C'était aujourd'hui. Aujourd'hui, grâce à Dieu, mes chers compatriotes, le cauchemar est terminé.
L'armée, sous l'impulsion de jeunes officiers et sous-officiers prêts au sacrifice suprême pour la nation, regroupés au sein du " Mouvement J'ose" entend redonner sa pleine signification à l'unité nationale et rétablir la détente et la concorde entre les citoyens.
Le peuple camerounais et son armée viennent de remporter aujourd'hui une grande victoire sur les forces du mal et cette victoire sera célébrée par l'Histoire avec l'honneur qui lui est dû.
Dès maintenant, le conseil militaire supérieur est amené à prendre un certain nombre de décisions au regard de la sécurité nationale. Et le conseil militaire supérieur demande au peuple camerounais de le comprendre. En premier lieu, les liaisons aériennes,   terrestres,  maritimes  et  les  télécommunications  sont suspendues jusqu'à nouvel ordre.  Le couvre-feu est institué sur l'ensemble du territoire national de 19 h à 5h.
Par ailleurs, la constitution est suspendue, l'Assemblée nationale dissoute, le gouvernement est démis ; tous les partis politiques sont suspendus ; tous les gouverneurs de provinces sont relevés et, enfin, sur le plan militaire, les officiers supérieurs exerçant le commandement d'unités opérationnelles sont déchargés de leurs fonctions. L'officier subalterne le plus ancien dans le grade le plus élevé prend le commandement !
Vive les forces armées nationales ! Vive le Cameroun. "

L'assassinat  de l'intelligence
Un prêtre jésuite assassiné dans des conditions non encore élucidée. le pouvoir en place à Yaoundé entretient avec les intellectuels camerounais dissidents un rapport  violent et meurtrier

Le père Engelbert Mveng, prêtre de la Compagnie de Jésus (Jésuite), est assassiné le 24 avril 1995. Au petit matin, le petit village de Nkolfané (dans la banlieue ouest de Yaoundé) découvre le corps du père jésuite Engelbert Mveng, étranglé, couché dans son lit face au plafond. Dans la nuit, des assassins, sans doute commandités, avaient fait leur triste besogne. Impossible de dire quelles sont les origines de la mort du Père Mveng. C'est l'émoi dans le monde entier. Léopold Sédar Senghor appelle la présidence de la République du Cameroun. L'ancien président sénégalais ne comprend pas qu'un homme comme Engelbert Mveng ait pu vivre sans garde du corps. Des voix vont courir pour révéler que l´assassinat du Père Mveng est l´œuvre de "groupes mystiques'´, pratiquant des cultes exotériques et se disputant le contrôle de l´apparat de l´Etat. Ils procèdent à l´élimination des intellectuels, des gens qui dérangent. La disparition du Père Mveng est aujourd´hui encore ressentie comme une perte monumentale pour l´Eglise catholique locale, le Cameroun et toute l´Afrique. Outre la prêtrise, le religieux était historien émérite, artiste distingué, théologien réputé et intellectuel intègre.
Le Père Mveng était né le 9 mai 1930 à Enam-Nkal, paroisse de Miniaba, de Jean Amougou et Barbe Ntolo. Études secondaires au Petit Séminaire de Yaoundé. Après une année au Grand Séminaire de Yaoundé, en 1951, il entra au noviciat de la Compagnie de Jésus à Djuma (Rep. Dém. du Congo). Le 22 septembre 1953 il fit sa première profession. Études philosophiques à Eigenhoven (Belgique) et théologiques à Lyon (France). Ordonné prêtre en 1963. Poète, peintre, écrivain, enseignant d´histoire à l´Université de Yaoundé de 1965 à 1995. ''La riche personnalité du Père Mveng faisait de lui un jésuite aux qualités remarquables dont la réputation avait depuis longtemps franchi les frontières du Cameroun et même celles du continent africain". Engagé dans le mouvement culturel de la Négritude, le Père Mveng fut un promoteur convaincu de la nécessité et de la possibilité d´un christianisme inculturé. “L´inculturation est probablement le problème-clé ainsi que le plus grand défi de la théologie africaine…".
L´atelier d´art religieux fondé par le Père Mveng à Yaoundé se proposait de concrétiser l´inculturation et de reproduire des modèles d´ornements liturgiques puisant leur inspiration dans l´art africain. Parmi les œuvres artistiques du Père Mveng : les mosaïques de Notre Dame d´Afrique (basilique de Nazareth, Israël) et de Notre Dame des Victoires (cathédrale de Yaoundé; les tableaux de la chapelle du Collège Hekima (Nairobi). Pendant plusieurs années, le Père Mveng fut le secrétaire de l´Association œcuménique des Théologiens Africains (Eatwot). En présentant le livre des Actes de la Rencontre Panafricaine du Caire, il écrivait: ''L´œcuménisme en Afrique doit aller au-delà de l´inventaire de nos traditions respectives, de la simple affirmation de nos vieilles identités. Nous sommes invités aujourd´hui à nous engager pour refaire l´unité visible de l´Eglise du Christ. Les Eglises d´Afrique, très dynamiques et efficientes dans les premiers siècles de la chrétienté, peuvent fournir encore une contribution irremplaçable dans l´édification de l´unité visible du Corps du Christ".

Ela
A propos du rôle libérateur de la théologie, il souligna la force libératrice des Béatitudes. "La libération latino-américaine veut se libérer de l´impérialisme, du capitalisme du Nord… en Afrique la théologie de la libération pose la question de Dieu". En 1977 il fonda une association religieuse, la ''Famille des Béatitudes'', qui se heurta à plusieurs difficultés. Elle devait vivre le Message des Béatitudes, qui "proclament que les puissances et les agents de la mort qui nous assaillent tous les jours, la pauvreté, la faim, la soif, l´injustice, l´humiliation, le péché, la haine, la violence seront surmontés, vaincus et dépassés par l´amour". "Une des choses qui me font pleurer, je le dis tout haut, c´est que l´Afrique sacrifie chaque jour les meilleurs de ses enfants sous prétexte qu´un tel a dit qu´il n´est pas d´accord avec tel chef d´État. Je ne peux pas comprendre qu´on condamne un homme à mort pour ses opinions".
Jean Marc Ela, de son exil canadien, avait remis à l'ordre du jour politique et éthique la question de l'assassinat du Père Mveng. Jean Marc Ela écrivait : "Biya sait qui a assassiné le Père Mveng et doit le dire aux Camerounais. Biya a toutes les preuves, tous les faits pour dire qui a assassiné le Père Mveng." L'accusation était grave. Elle venait d'une des figures éthiques les plus exigeantes de l'histoire du Cameroun. Qu'un tel homme déclare péremptoirement que le chef de l'Etat, Paul Biya, sait qui a tué le Père Mveng, ouvre tous à un droit de vérité. En plaçant le président de la République au cœur du mystère qui entoure l'assassinat du Père Mveng, Jean Marc Ela poussait à repenser le rapport que le Père Mveng entretenait avec l'Etat. Dans un texte posthume, publié quelque temps après sa mort, le Père Mveng dit : " […] En tant que citoyen vivant dans une société organisée en Etat, j'ai également mon expérience, mes réactions, mes responsabilités de citoyen. Je suis responsable de mon destin. Et la société organisée en Etat, a d'abord pour mission, je crois, de m'aider à accomplir ma vie et mon destin de façon la meilleure possible. Je ne suis par conséquent pas prêt à me laisser entraîner à la dérive de quelque système politique, de gouvernement et de n'importe quelle conception de pouvoir. Que l'on soit politicien ou non, on a quelque chose à dire sur la situation politique, économique, sociale et culturelle de nos pays… "
Etienne Lantier

Le pionnier passe à la trappe
Monseigneur Yves Plumey est retrouvé mort dans sa maison de Marza, maison où il s'était installé après sa retraite, au petit matin du 3 septembre 1991. Les premières enquêtes révèlent que Mgr Yves Plumey est mort par étranglement, à sa résidence du quartier Haut plateaux au lieu dit Petit Séminaire, dans la nuit du 2 au 3 septembre 1991. Ses bourreaux se seraient servis de son drap pour accomplir leur sale besogne. Les premiers soupçons ont orienté les enquêteurs vers les  personnes  qui étaient au  service du Prélat. Contrairement aux  autres assassinats sur lesquels un black out total est fait sur les auteurs de ces actes, les présumés assassins de l'Archevêque Emérite de Garoua, Mgr Yves Plumey sont connus. Le gardien du Prélat, son chauffeur ainsi que le beau frère de ce dernier ont été mis aux arrêts au lendemain de ce crime "crapuleux" qui a endeuillé l'Eglise du Cameroun et principalement celle du Nord Cameroun. Ces trois personnes ont été déférées à la prison centrale de Ngaoundéré, au motif qu'ils auraient assassiné ou participé au meurtre de Mgr Plumey. Les conclusions de la suite de l'enquête initiée concomitamment par la gendarmerie et la police judiciaire de la ville sont toujours attendues. Les saura-t-on jamais ? Puisque de l'avis des détenus, ils sont  gardés depuis des années sans jugement pour, dit-on, avoir assassiné Mgr Yves Plumey.
Le Père Yves Plumey, Breton d'origine arrive à Fort Lamy, au Tchad, en 1946. IL entreprend d'évangéliser l'Extrême Nord et le Nord Cameroun. En sa qualité de Préfet apostolique, il conduisait le premier contingent des missionnaires Oblats de Marie Immaculée (Omi) pour l'évangélisation du Nord Cameroun que le Pape Pie XII (Souverain Pontife  du 2 mars 1939 au 9 octobre 1958) venait de leur confier en 1946. La région était alors sous l'emprise des islamo peuhls depuis le début du XIX siècle. Toutefois, une bonne frange de la population, notamment les Kirdis, avait su résister à cette islamisation forcée menée par les troupes de Ousman Dan Fodio. C'est naturellement vers ces populations que vont se diriger les nouveaux missionnaires. Vicaire apostolique en 1953, le Père Yves Plumey est nommé Evêque de Garoua en 1955. Le 18 mars 1982 il est Archevêque de Garoua. Pendant plus de quarante cinq ans, Père Yves Plumey œuvre à la création des missions, écoles, séminaires et orphelinats. Le 17 mars 1984, il passe le témoin à Mgr Christian Tumi.
Yvan Eyango

Prêtres et religieuses assassinés au Cameroun (liste non exhaustive)
Mgr Yves Plumey : L'Archevêque Emérite de Garoua a été assassiné  à Ngaoundéré dans la nuit du 3 septembre 1991 dans des circonstances restées mystérieuses jusqu'à ce jour.

Mgr Jean Kounou : Originaire du Département de la Lékié, ordonné prêtre en 1941. Etudes théologiques au Grand Séminaire de Mvolyé. Prélat de Sa Sainteté. De 1959 à 1979, Curé à Ngomedzap, Diocèse de Mbalmayo. Il est assassiné en 1982, en même temps que l'Abbé Materne  Bikoa. Les deux assassins sont entrés chez lui. L'un d'eux était le cuisinier.

Père Engelbert Mveng : Le matin du 23 avril 1995, le Père  Engelbert. Mveng fut trouvé mort, une profonde blessure à la tête. Un meurtre inexplicable, puisque rien n'avait été emporté de sa chambre.

Abbé Joseph Mbassi
: Ancien Rédacteur en Chef de L'Effort Camerounais, on le trouva mort le matin du 26 octobre 1988 dans sa chambre. Ce n'était  pas l'œuvre des voleurs, du fait que, dans la chambre, rien n'a été touché ou emporté. L'Effort Camerounais lui rendit l'hommage suivant: "Il a passé à travers la vie comme un météore. Il a transmis au journal sa jeunesse, sa vitalité, sa diligence, son enthousiasme, sa compétence".

Père Anthony Fontegh (Kumbo/ Nord -Ouest) : Il a été tué en 1990 à Bamenda.

Les Soeurs Germaine Marie Husband et Marie Léonne Bordy (Djoum-2 août 1992) : Responsables du dispensaire de la mission catholique de Djoum, ces deux religieuses de la Congrégation du Sacré Coeur ont été abattues dans leur résidence.  D'après certaines sources, le jardinier de la paroisse aurait été tenu pour coupable, et aurait été condamné à la peine capitale.

Abbé Materne Bikoa : Ordonné en 1979. Études au Grand Séminaire de Nkol Bisson. Il arrivait exactement lorsque les assassins étaient en train de tuer l'Abbé Kounou. Témoin inopportun, il fut tué lui aussi.

Abbé Apollinaire Claude Ndi : Il était Curé de Nkol-Tob par Awaé, Yaoundé. Assassiné à Yaoundé dans la nuit du 20 au 21 avril 2001, à Nkolndongo, par un inconnu. Les Evêques camerounais ont dénoncé le meurtre de ce prêtre  comme "un assassinat qui allonge la liste des Ouvriers apostoliques tués pour des mobiles et dans des circonstances jamais éclaircies par les enquêtes de police".

Abbé Joseph Yamb : Ordonné prêtre vers 1941. Curé à Mandoumba (Diocèse d'Eséka). Il a été assassiné par  des voleurs qui cherchaient  de l'argent.

Abbé Barnabé Zambo :
Né vers 1955 à Nsimalem, Archidiocèse de Yaoundé. Passé à l'Archidiocèse de Bertoua, où il était Curé de Mbang. Mort le 24 mars 1989 dans des conditions jamais élucidées.

Frère Yves Marie-Dominique Lescanne (+29 au 30 juin ) : Il faisait partie des Petits Frères de l'Evangile, fondateur du Foyer de l'Espérance de Yaoundé, trouvé assassiné dans la nuit du 29 au 30 juin à Maroua au Cameroun, par un des jeunes qu'il avait aidé à sortir "de la rue".

Frère Anton Probst : 68 ans, Allemand, de la Congrégation des Missionnaires Clarétins, tué dans la nuit du 24 décembre par des malfaiteurs qui étaient entrés dans le Noviciat d'Akono. Après la Messe de Noël, il retournait dans sa chambre quand il a surpris des voleurs qui le frappèrent, en le laissant inanimé. Il était au Cameroun depuis 11 ans, après 24 ans passés en République démocratique du Congo

Villes mortes : 100 à 400 morts sans responsables connus
Le pouvoir a respecté sa tradition fondatrice et historique de la liquidation, dans le sang, des revendications populaires. Des centaines de Camerounais sont passés de vie à trépas sans qu'à ce jour, les auteurs de ces massacres aient été appelés à assumer leurs forfaits.

Saura-t-on jamais la vérité sur ce qui s'est réellement passé lors des "Villes mortes" qu'ont connu, d'avril à fin octobre 1991, les quartiers des principales villes et provinces dites frondeuses au Cameroun ? Bien malin qui pourrait répondre avec exactitude à cette terrible question. Plus de 17 ans après, la plus longue opération de protestation de l'histoire politique postindépendance n'a toujours pas livré son véritable bilan. Pas plus que les responsabilités politiques et pénales n'ont été établies.
En effet, ni le gouvernement camerounais - qui prétendait ouvrir l'espace politique à la concurrence mais massivement contesté - , ni la communauté internationale -, qui avait fait croire aux différents peuples à travers le monde que le droit de manifester pacifiquement les désaccords avec leurs dirigeants était garanti par les conventions internationales dont la Déclaration universelle des droits de l'homme, n'ont initié ni même encouragé une procédure quelconque, qu'elle soit administrative ou judiciaire, pour établir les responsabilités éventuelles dans les tueries et autres exactions qui ponctuèrent l'espace public pendant les 8 mois de crise politique marquée par des manifestations populaires violemment réprimées. Plus étonnant, les "forces du changement", membres des différents regroupements de l'opposition qui avaient appelé le peuple dans la rue, n'ont jamais posé l'exigence de vérité sur ce qui, sans exagération, avait pris les allures de massacres urbains comme condition de leur participation au jeu politique et électoral en vigueur depuis lors dans ce pays.
Ce ne sont pourtant pas les faits tangibles, à défaut d'être accablants, du moins troublants, qui ont manqué. Par exemple, 2 avril 1991, lorsque des étudiants de l'université unique de Yaoundé ont entrepris une marche au campus de Ngoa Ekelle et au marché de Mokolo, pour réclamer plus spécifiquement l'amélioration de leurs conditions de vie et travail. A l'instar d'autres Camerounais revendiquant une véritable transition démocratique, mais aussi la convocation d'une Conférence nationale souveraine.
Regroupés massivement au sein du "Parlement", ils répondent en fait à l'appel à la désobéissance civile lancé la veille, 1er avril, par la Coordination nationale des partis politiques d'opposition et des Associations (Cnpoa). La réponse du pouvoir est violente : un groupe minoritaire dit d'"Autodéfense" est constitué. Agissant comme une milice, il se charge, avec l'appui des forces de sécurité, de terroriser les membres du "Parlement". Il s'oppose aussi à ses manifestations. Celle du 2 avril se termine ainsi dans la confusion, avec au bilan la mort d'un étudiant de l'Ecole normale supérieure, le nommé Ndam Souleymanou. Retrouvé brûlé dans sa chambre de la cité universitaire, les medias d'Etat mettront immédiatement ce décès violent sur le dos du tout jeune "Parlement" estudiantin, alors qu'aucune enquête n'a encore eu lieu. Ce que démentent bien entendu les concernés, qui parlent d'un montage destiné à diaboliser leur mouvement de protestation pacifique.

Bavures policières généralisées
Toujours est-il que la stratégie du pouvoir, qui use de toute la panoplie de la violence d'Etat (interdiction de manifestations et des associations de défense des droit de l'homme; arrestation et passage à tabac de leaders de la contestation ; radiation de leaders estudian estudiantins de l'université ; répression massive de manifestations publiques, etc.). Il s'agit de contrer les manifestations de ses opposants.
La tendance va se généraliser au lendemain du discours du chef de l'Etat, président national du Rdpc, qui déclare la Conférence nationale "sans objet pour le Cameroun". Une déclaration qui a le don de radicaliser les manifestants qui, la considérant "irresponsable", prennent, en mi-mai, d'assaut les rues des principales villes du Cameroun. Avec des dérapages prévisibles (casses, incendies des chaussées…). Mais il n'y a pas d'attaques contre les infrastructures militaires et policières.
La seule qui sera enregistrée, à Douala, concerne justement le commissariat du 7ème arrondissement à Bépanda. La population, qui a très mal digéré la mort d'Eric Taku, jeune élève de 12 ans, tué à bout portant par le commissaire de police de céans, avait spontanément pris d'assaut les abords de ladite unité de police dans l'espoir d'y déloger le meurtrier.En vain.
Mais, le pouvoir qui semble déterminé à ne céder sur aucun terrain, institue des commandements opérationnels - sorte d'état d'urgence qui donne des pouvoirs illimités à l'armée en matière de maintien de l'ordre - dans les 7 provinces les plus frondeuses (Littoral, Ouest, Nord-Ouest, Sud-ouest, Adamaoua, Nord et Extrême-Nord). A leur tête sont nommés des généraux d'armée : Jean Nganso Sunji pour l'Adamaoua, le Nord et l'Extrême- Nord) ; Jean René Youmba pour le Littoral et Sud-Ouest ; Ourarou Djam Yaya dans l'Ouest et le Nord-Ouest. Ces unités, formées en réalité pour faire la guerre aux troupes étrangères en cas de menace à l'intégrité territoriale, feront la guerre à leurs compatriotes civils dont le tort est de ne plus supporter le pouvoir issu de plus de 30 ans de parti unique. Le cycle des répressions est ouvert avec des violences policières inouïes. Les victimes se comptent par dizaines chaque jour à travers le pays, surtout chaque fois qu'est prévu une manifestation de protestation organisée par la Cnpoa.
Selon le rapport du Département d'Etat américain pour l'année 1991, cité par Célestin Monga dans un article paru le 18 mars 2006 dans
Challenge Hebdo, il y aurait eu "100 cas d'homicides extrajudiciaires, près de 700 personnes détenues sans jugement ; et plus de 10.000 arrestations arbitraires en moins d'un an". Dans son ouvrage "Le journalisme du carton rouge : réflexions et chronologie des années orageuses", le journaliste Edmond Kamguia Koumtchou indique que "la quasi-totalité de ces journaux [indépendants], sur la base des enquêtes menées par des organisations de la société civile établiront le bilan de 300 à 400 morts pour la période d'avril [début des ''Villes mortes''] à novembre 1991 [fin des ''Villes mortes'', avec l'accord de la Réunion tripartite]". Bien que contesté par les cercles proches du pouvoir, qui n'en fourniront pourtant aucun bilan officiel - en dehors du célèbre "Zéro mort" proclamé par Augustin Kontchou Kouomegni, le ministre de l'Information de l'époque, d'ailleurs confirmé quelques semaines plus tard par une commission d'enquête administrative sous contrôle politique présidée par l'avocate Odile Mballa Mballa -, ce bilan de la presse semble proche de la réalité.

Crimes contre l'humanité

Dans son livre "Cameroun/Kamerun : la transition dans l'impasse", le mathématicien et dirigeant upéciste Moukoko Priso, dont la rigueur intellectuelle est reconnue et appréciée dans les milieux libres, soutient qu'"au cours de la seule année 1991, on a dénombré environ 300 morts politiques". A l'en croire, ils étaient généralement assassinés par les forces de répression, parfois par des tirs à bout portant y compris sur des écoliers.
Le cas de Eric Taku, assassiné un matin à Bépanda alors qu'il se rendait à l'école, est emblématique de la généralisation de l'usage de la force du feu pour venir à bout de la contestation populaire. De même, il évoque la situation de terreur organisée contre les adversaires politiques : "Plusieurs milliers d'arrestations […] dont celles de nombreux chefs de partis et d'associations de défense des droits de l'homme". Et de préciser : "Sans parler de jeunes militants, [dont] les responsables étaient souvent torturés et passés à tabac dans les commissariats."
Selon notre enquête, il n'y a pas que les commissariats qui étaient les sièges des exactions contre les droits civils et politiques des Camerounais en cette période. A Douala, par exemple, d'autres unités de sécurité telles que la légion de gendarmerie du Littoral à Bonanjo, où sévissait feu le Colonel Nsom Eyenga ; le camp de la gendarmerie de Mboppi, ou encore le Génie militaire de Bassa, entre autres unités abritant des forces de deuxième et troisième catégorie, étaient utilisés comme des camps de détention de manifestants arrêtés en masse. Ce fut par exemple le cas le 4 août 1991, lors qu'un assaut donné au siège de la société Intelar dont le patron était Dominique Djeukam
Tchameni, le leader de la très redoutée association civile Cap Liberté, par un détachement mixte qui interpella plusieurs dizaines de personnes réunies pacifiquement.
Et l'auteur de "Cameroun : la transition dans l'impasse" de conclure, en mettant en cause la responsabilité du politique dans ces massacres : "La police fut couverte sans vergogne lorsqu'elle se livra à des bastonnades sur des dirigeants nationaux de partis d'opposition et d'associations, à tel point que l'opinion répandue fut que cette nouvelle "bavure" policière se fit en réalité sur ordre du gouvernement."
Dans une tradition de banalisation de la vie humaine, ces crimes sont restés à ce jour impunis. Certains activistes des droits de l'homme, dont l'essentiel constitué d'anciens étudiants bannis de l'université camerounaise par Joseph Owona au cours de la période dite des années de braise (1991-1993), se retrouve aujourd'hui réfugiés à l'étranger sous la bannière du Collectif des organisations démocratiques et patriotiques des Camerounais de la diaspora (Code). Plus déterminés que leurs compères de l'intérieur à en finir avec ce système qui génère de tels abus massifs contre les droits humains, ils pourraient amener les juridictions pénales internationales à s'intéresser à cette sombre période de l'histoire moderne du Cameroun. On pourrait donc les qualifier de "violations massives de droit de l'homme", à défaut de "crimes contre l'humanité". Comme au Chili d'Augusto Pinochet.
Alex Gustave Azébazé
Journaliste
Source : Cahiers de Mutations, volume 054, nov 2008

Le feu, les casses et les morts
A l'orée de l'année 1990, un vent de démocratie souffle sur le monde. La chute du mur de Berlin (''rideau de fer'' séparant l'Est et l'Ouest de l'Allemagne) en 1989, le discours du président français François Mitterrand à la Baule (France) en 1990, l'ouverture du président soviétique M. Gorbatchev vers une société plus libre dans son pays et les pays satellitaires du bloc de l'Est, constituent les signes annonciateurs de l'air de liberté qui traverse désormais toute la planète
En Afrique au début des années 90, le vent de liberté est d'autant plus attendu, que des peuples ploient sous les régimes à partis uniques, avec leurs lots de dérives et de travers. Au Cameroun, des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent au sein de l'opinion pour réclamer la fin du parti unique et l'instauration du multipartisme.
Le pouvoir en place se raidit face à cette demande. Certains thuriféraires, aujourd'hui dans l'opposition, organisent des marches contre ce qu'il appelle le ''multipartisme précipité''.
Le 26 mai 1990, le Social Democratic Front (Sdf), parti politique crée à Bamenda, défile dans les rues de la ville et c'est la répression policière. Bilan : 6 morts et de nombreux blessés. Acculé, le pouvoir Rdpc lâche du lest. Le 19 décembre 1990, sont promulguées les lois dites de la liberté, qui instaurent le multipartisme intégral au Cameroun. Entre temps, une structure dénommée ''Coordination des partis de l'opposition'' se créée à Douala en octobre 1990, avec pour président du Directoire provisoire,  Samuel Eboua, par ailleurs président du parti l'Union nationale pour la démocratie et le progrès (Undp).
Les premières légalisations des partis politiques tombent le 12 février 1991 avec la reconnaissance officielle de la Démocratie intégrale du Cameroun (Dic) de feu Gustave Essaka et l'Union des populations du Cameroun (Upc) d'Augustin Kodock. Le 25 mars 1991, l'Undp est reconnue, et suivront dans la foulée des dizaines d'autres formations politiques se réclamant toutes de l'opposition au parti au pouvoir, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc).
La Coordination des partis politiques de l'opposition sous l'impulsion de la société civile et de la rue, exige du pouvoir en place l'organisation d'une ''conférence nationale souveraine'' (Cns) à l'instar de celle organisée au Bénin et ailleurs en Afrique au sud du Sahara. Mboua Massok, activiste politique et agitateur de foules bien trempé, publie au début du mois d'avril 1991, un manifeste où on peut lire ces mots : ''des forces égoïstes constituées par des adeptes du pouvoir sans partage, ont favorisé et aggravé la misère noire dans toutes les couches sociales du pays où la masse la plus nécessiteuse, de loin la plus nombreuse, se trouve abandonnée à elle-même...''. Par la même occasion, il lance la journée ''franc jeu'' qui donnera naissance à  ce qu'on appellera plus tard, les ''villes mortes''.
Le combattant Mboua Massok Ma Batalon invite ses compatriotes à observer un ''arrêt total des activités'' les jeudi 18 et vendredi 19 avril 1991, pour exiger l'organisation de la conférence nationale souveraine. La Coordination des partis politiques reprend à son compte cet appel à la grève générale, en y ajoutant la demande d'amnistie générale pour tous les prisonniers politiques détenus dans les geôles du pays. Elle invite d'autres villes de la République à se joindre à la métropole Douala, pour le succès de cette opération destinée à faire plier le régime du président Biya.

Une répression féroce
C'est ainsi que les villes de Bamenda, Limbé, Ngaoundéré, Maroua, Garoua, Bafoussam, suivies bientôt d'autres cités urbaines, organisent des journées villes mortes, d'abord les deux derniers jours ouvrables, ensuite tous les jours ouvrables de la semaine. Le ravitaillement est autorisé seulement les samedis et dimanches. Pour que l'adhésion populaire à ce mot d'ordre soit vraiment effective et concrète, quelques actes d'intimidation sont exercés sur les récalcitrants. Il va de soi que l'apparition de la violence pendant les journées de contestation populaire cause des dégâts importants. Les populations s'en prennent aux symboles de l'État. Des personnalités officielles (sous-préfets, administrateurs municipaux, dirigeants du Rdpc...) sont brutalisées ; des édifices publics incendiés, des véhicules administratifs ou autres endommagés. Le Cameroun brule.
Aux actes de vandalisme, le régime répond par une répression féroce et dure. L'armée envahit les rues des principales villes. Douala est en état de siège non déclaré. Des dirigeants des partis politiques de l'opposition sont interpellés et copieusement bastonnés sans façon (fessée souveraine administrée à Samuel Eboua et ses compagnons) par des para-commandos venus tout droit du bataillon de troupes aéroportées de Koutaba (Btap). Des jeunes et des moins jeunes sont abattus sans sommation par une soldatesque brutale et débordée. Des entreprises appartenant à des leaders politiques sont incendiées ou saccagées (société de fabrication des ordinateurs Intelar de Djeukam Tchameni, l'imprimerie de Jean Michel Nitcheu...) par les forces de sécurité.
La dure répression s'abat impitoyablement sur tous ceux qui sont accusés de sympathie envers l'opposition (tentative d'incendie de l'hôtel Arcade de l'homme d'affaires Kadji Defosso par des gendarmes déguisés, fermeture pernicieuse de la Société des produits laitiers Saplait à Yaoundé, affectations disciplinaires des fonctionnaires...) et prend plu tard une coloration ethnique où la chasse aux anglos bamis est ouverte.
Combien de personnes ont perdu la vie dans la capitale économique à la suite de cette brutale répression ? Des sources indépendantes ont avancé le chiffre de quatre cent morts. A l'époque, les informations provenant  des milieux de l'opposition avaient fait état de 375 tués dans la ville de Douala et ses environs.
Maniant la répression avec une timide volonté d'ouverture, Paul Biya convoque l'Assemblée Nationale en session extraordinaire du 18 au 22 Avril 1991 pour adopter les lois sur l'Amnistie générale réclamée par la Coordination des parties politiques de l'opposition, et le 11 Octobre 1991, il appelle par message radio télévisé, les partis politiques à une large concertation pour mettre fin à la violence. C'est ainsi que du 30 Octobre au 09 Novembre 1991, 23 leaders politiques se retrouvent au Palais des Congrès de Yaoundé autour du Premier ministre Sadou Hayatou, pour ce qu'on appellera la tripartite. Fin du 1er Acte
A. S

Le chemin de Damase
Sixième enfant d'une famille de dix, Joseph Mbassi est né à Loua (Obala), le 1er septembre 1952. Il travaille pendant trois ans dans les paroisses de Messa-Muele (Awae), Abong-Mbang et Bertoua. Il entre par la suite à la Haute Ecole des Sciences et Techniques de l'Information. Nommé membre de la commission pour les Communications Sociales de l'archidiocèse de Yaoundé, il relance le mensuel catholique L'Effort Camerounais, après une interruption de 13 ans. Le 26 octobre 1988 à Mvolyé, un quartier de Yaoundé, c'est dans l'une des chambres abritant le Multimédia Center, que son corps est découvert. Il est en début de décomposition. L'abbé Joseph Mbassi, rédacteur en chef de l'Effort Camerounais (le journal catholique), a été assassiné dans la nuit du 24 au 25 octobre 1988. Dès l'annonce de la découverte des restes de Joseph Mbassi, la présidence de la République s'empresse d'annoncer la création d'une commission d'enquête. Parallèlement, la police judiciaire entame sa série d'auditions aussi bien des membres de la famille du défunt, que de ses confrères et amis. Ces auditions n'aboutiront à rien.
Selon des sources le regretté directeur de publication du mensuel catholique, l'abbé Joseph Mbassi, avait lors d'une visite Ad Luminum en 1987 au Vatican reçu d'une source les dossiers d'information sur deux Camerounais qui avaient, au nom de Paul Biya, commandé des armes pour 150 milliards de F Cfa auprès d'une compagnie française d'armement. La Dst française les avait dirigés pour livraison en Grande Bretagne, où ils avaient effectué l'embarquement en usant de faux documents. L'abbé Joseph Mbassi avait tenu Me Ngongo, l'un des premiers opposants idéologiques de Paul Biya, au courant de l'affaire.
Maître Toussaint Antoine Ngongo Ottou, avocat à Yaoundé, est frappé dans la nuit du 29 au 30 Octobre 1988 dans sa maison. Il sera évacué à l'hôpital américain de Neuilly (Paris). Il trouve la mort le 13 novembre, achevé dans son lit d'hôpital. Selon des sources, Amougou Noma aurait joué un rôle dans l'assassinat de Me Antoine Ngongo Ottou. Complice et représentant de son amant homosexuel Omgba Damase, chargé de tuer le célèbre avocat, il s'occupa à épier la famille du défunt jusqu'en France afin de "protéger le corps" comme Paul Biya l'avait ordonné à Denis Ekani, Dgsn de l'époque. Deux ans après, le dernier témoin attendu à la barre dans l'affaire de l'assassinat de Me Ngongo-Ottou, le médecin professeur Etoundi Essomba Prosper, fut tout aussi assassiné.
Junior Etienne Lantier

Monarques assassins et camarades de Paul Biya
Dimanche 04 novembre 2009, trois individus, extraits de la prison de Ndop s'en prennent à un " grand homme " Ceux -ci ne sont pas fous. En réalité, ils veulent en découdre avec le Fon de Balikumbat, ex-député du Rdpc de la localité condamné le 12 avril 2006, ainsi que les trois agresseurs qui l'ont copieusement molesté, après qu'ils aient été reconnus coupables du meurtre de John Konhten, militant du Sdf. Ces trois individus sont : Somo Sikod, Eric Gahmuti et Nlorlddied Yamukeh. Après leur condamnation, à 15 ans d'emprisonnement ferme et leur incarcération, le Fon Doh Gah Gwayin III a été libéré,  le 18 août 2006, par le président de la Cour d'appel du Nord Ouest, le nommé Henry Morfow, après avoir payé une caution de 4 millions de francs Cfa. Il était libre de ses mouvements pendant  que ses complices croupissaient en prison. Raison évoquée pour justifier sa libération, les problèmes de santé du monarque qui n'est plus jamais retourné en prison depuis sa mise en liberté.
Paul Biya a l'art d'instrumentaliser les autorités traditionnelles qui sont devenus des sortes d'auxiliaires du Rdpc au lieu d'être des auxiliaires de l'Administration. Membres du parti au pouvoir, donc proches de Paul Biya, ces monarques se croient tout permis.
De son vivant, Abdoulaye Ahmadou, monarque de Rey Bouba décédé le 30 janvier  2004, n'hésitait pas de séquestrer les citoyens et faisait subir des traitements humiliants et inhumains à tous ceux qui ne partagent pas ses points de vue ou qui défient son autorité. Il n'a même pas été inquiété quand en 1996  son armée, sous sa direction, a donné la mort à Haman Adama, député de l'Undp élu en 1992. Au contraire, comme pour narguer, les populations, Paul Biya en campagne électorale dans le Septentrion pour les législatives de 1997, lui avait rendu visite. Preuve que le monarque bénéficiait de la confiance du chef de l'Etat. " On ne lâche pas les amis, surtout lorsque celui-ci se trouve dans une situation difficile ". Après sa mort, le régime en place continue d'apporter son soutien à la fratrie afin de préserver ce vivier électoral.
Koumpa Mahamat

C.O. : Paul Biya caporalise Douala
Créé pour lutter contre le grand banditisme, le Commandement opérationnel (C.O.) est devenu un cauchemar pour les populations de Douala.
Le 27 janvier 2000, Français Gabriel Nourry est tué dans sa boucherie au quartier Bonapriso, à Douala, la communauté française se réunit, le jour d'après, dans la capitale économique du Cameroun. Un ''Comité de vigilance'' voit le jour. Il est présidé par Me Gerard Wolber. Le Comité constitué ''entre les ressortissants des pays membres de l'Union européenne résidant à Douala'' est ''ouvert également aux résidants étrangers ressortissant des pays tiers.'' Le Comité dénombre 163 cas d'agressions au Cameroun depuis le début de l'année 2000, avec les expatriés comme cibles principales. Pour faire face à l'escalade de l'insécurité dans la capitale économique, le 20 février 2000, le chef de l'Etat du Cameroun signe, un décret, portant création et organisation du Commandement opérationnel (C.O.). La grande nouveauté est l'association des forces de 3ème catégorie (terre, air, mer), dans la lutte contre le grand banditisme. Le président de la République du Cameroun place cette unité spéciale de l'armée sous la responsabilité du général Philippe Mpay. Le commandant du C.O. cumule ses fonctions avec celles de commandant de la deuxième région militaire. L'action du C.O. s'étend sur l'ensemble du territoire de la province du Littoral. Pour les quatre départements de la province, cinq groupements opérationnels sont institués : trois à Douala pour le Wouri, un à Nkongsamba pour le Mungo et un à Edéa pour la Sanaga Maritime et le NKam.  Le chef d'Etat-major du C.O. est le colonel Bobbo Ousmanou, le commandant de la légion de gendarmerie du Littoral. Dans son fonctionnement quotidien, l'Etat major opérationnel répond aux appels de la population, coordonne l'action des groupements, initie les enquêtes et va à la rescousse des populations. Très vite, le C.O. va s'illustrer dans des dérives.
L'antenne ''Littoral'' de l'Action chrétienne pour l'abolition de la torture Acat-Cameroun sera la première à dénoncer les pratiques du Commandement opérationnel dans la ville de Douala. Elle tire la sonnette d'alarme, dans un rapport publié le 25 mai 2000. Elle décrit, exemples à l'appui, les agissements du C.O, les tortures infligées aux personnes arrêtées, les conditions inhumaines qui règnent dans les centres de détention, le non-respect des procédures et le jugement. Deux autres rapports suivront, les 22 août et 04 septembre 2000, ainsi que de nombreux autres communiqués. L'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture publie une liste de 29 victimes, à la fin du mois d'août, et indique qu'un nombre encore plus élevé de personnes non identifiées avaient été tuées. Le 14 mars 2001, l'Acat publie un communiqué selon lequel le C.O. aurait fait plus de 1000 morts. L'Ong rend public une liste de 122 victimes connues. Les exécutions auraient lieu au ''Kosovo'', à l'escadron de gendarmerie de Mboppi, à Nkapah, au camp Bertaut, à la digue de la base navale, au Bois de singes, sur l'ancienne route Douala Edéa, derrière les plantations de la CDC à Limbé ou à Logbadjeck. Les corps de Luc Benoît Bassileken, de Dickanda Alain, de Etienne Essolo et autres, précédemment arrêtés par les hommes du Commandant Opérationnel seront  retrouvés dans la rue ou dans un coin de brousse criblés de balles, les lèvres tuméfiées, l'œil poché, les bras cassés etc.
Des voix de plus en plus nombreuses se lèvent pour s'insurger contre les méthodes expéditives du C.O.. Le 28 octobre 2000, Luc Benoît Bassilekin est exécuté de plusieurs balles, de sang froid et à bout portant, en plein Kosovo (camp Bertaud) par le sergent Mbita, pour avoir osé réclamer un traitement humain. Bien que interpellé en possession de sa carte d'identité, son corps est déposé sous le nom ''X, 29 ans, braqueur''. Le frère aîné de la victime, Bassong, arrêté avec ceux-ci et suffisamment molesté (alors que toutes les autres personnes interpellées ont été précipitamment libérées) est gardé 48 heures sans soins au Kosovo. Il sera libéré à la suite des pressions faites par l'opinion publique. Des voix de plus en plus nombreuses se lèvent pour s'insurger contre les méthodes expéditives du C.O.. Curieusement, bien que criblé de balles dans la poitrine, les habits que portait Dickanda n'avaient aucun impact de balles et n'étaient pas troués, on l'avait fusillé avant de le rhabiller pour le jeter à Youpwé. On ne peut pas faire mieux dans l'abjecte. Pierre Nanfack (Philo) est assassiné, une nuit par une patrouille du C.O., à l'entrée du Quartier Bépanda et son corps est abandonné à l'hôpital Laquintinie. Aucune enquête n'est ouverte par les services compétents. Jean-Claude Billong Bell, homme d'affaires et père de trois enfants est arrêté et présenté à la télévision nationale comme un grand bandit avant d'être conduit à Douala où le CO l'a exécuté. Amnesty International se déclare ''vivement préoccupée'', le lundi 4 décembre 2000, après la découverte d'un charnier contenant plus de 36 corps, près de l'aéroport international de Douala. ''La mise au jour de ce charnier avive les craintes relatives au sort des nombreuses personnes qui ont "disparu" au cours des huit derniers mois après avoir été appréhendées par les forces de sécurité.'' Neuf autres corps avaient été découverts début mai 2000, non loin du village de Petit Dimbaba, au sud de Douala.

Pharmacie
La Fédération internationale des Ligues des droits de l'homme (Fidh) publie un rapport intitulé, ''Cameroun : peur au ventre et chape de plomb''. Ce document dresse le bilan des exactions du Commandement opérationnel (CO). Le rapport de la Fidh est le résultat de près d'un an d'enquêtes, couronné par une mission effectuée à Douala, du 9 au 13 juin 2001, par Jean Pierre Getti, un magistrat de la cour d'assises de Paris. La Fidh décrit les conditions inhumaines de détention qui règnent dans les centres de détention du CO, et affirme avoir recensé 154 victimes et 12 fosses communes dans lesquelles ont été ensevelies les dépouilles des personnes exécutées sommairement.  Le détonateur des réactions aura été l'affaire des 9 jeunes gens enlevés à Bépanda, un quartier populaire de Douala, et qui auraient été exécutés sommairement.
Dans la nuit du 21 au 22 janvier 2001, le domicile de la nommée Annick Souki, résidant au lieu dit Bépanda Omnisports, derrière la pharmacie Omnisports, est cambriolé. Les bandits ont soustrait une bouteille de gaz chez elle. Elle prétend connaître les hors la loi. En effet, Annick Souki, les aurait aperçu aux environs de 1 heure du matin, le 22 janvier 2001, alors qu'elle allait se mettre à l'aise dans les toilettes situées à l'extérieur de sa maison. Le constat de cambriolage est établi, au petit matin, à 6 heures, au groupement du Commandement Opérationnel de Mboppi. Cette accusation remet les forces de maintien de l'ordre sur les traces de la bande à Elysée sur laquelle pèsent déjà plusieurs dénonciations au quartier Bépanda. Dans la nuit du 23 au 24 janvier 2001, après une infiltration du milieu, 9 personnes sont interpellées. Après l'amorce de l'enquête par le capitaine Abah Nzengue, les bandits sont transférés au centre de détention de Bonanjo, à Douala, où ils sont reçus par le capitaine Nyouma, officier de permanence. Ces jeunes gens sont  : Chia Efficence, Kuete Jean Charly, Ngouoffo Frédéric, Kouatou Charles Ruben, Kuate Fabrice, Etaha Marc, Kouatou Elysée Herbert, Tchiwan Jean Roger et Chia Nain. Ils reçoivent les membres de leurs familles, les 26 et 27 janvier 2001. Toutes les requêtes des membres des familles visant de les rencontrer, les jours d'après, vont s'avérer vaines. Le 31 janvier 2001, l'officier de permanence rend compte au C.O. de l'évasion des bandits. Les 9 auraient été libéré pour certains, ils auraient été assassinés pour d'autres.
Yvan Eyango







19/08/2010
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