Les députés empêtrés dans les « embarras » du régime

Les députés empêtrés dans les « embarras » du régime

Cameroun : Les députés empêtrés dans les « embarras » du régimeSur des dossiers aussi attendus que le code électoral, la réforme d’Elecam ou la création récente d’une commission d’enquête parlementaire sur le crash de 1995, la représentation nationale a semblé corroborer les vues du pouvoir. Suscitant parfois l’incompréhension de l’opinion publique.

Jeudi 14 juin 2012, réunie en plénière, l’Assemblée nationale renonce à débattre sur la proposition de résolution formulée par le Sdf portant constitution d’une commission d’enquête parlementaire au sujet de la non indemnisation des 71 victimes du Boeing 737-200 qui s’est écrasé le 03 décembre 1995 à Douala. Le président de la Chambre, qui préside la séance, aura juste eu le temps de laisser lire, par l’honorable Norbert Amougou Mezang, la motion d’ordre demandant que le texte ne soit pas débattu. Motif, l’indemnisation que souhaite questionner le seul groupe parlementaire de l’opposition à l’Assemblée nationale, a été faite suivant le contrat d’assurance liant la compagnie aérienne à une société bien connue.

Il est vrai que la veille déjà, la commission des pétitions et résolutions, qui a examiné le texte au fond, avait rejeté ladite proposition. Mais dans ce jeu où légalisme se dispute avec opportunisme, tous ou presque savent que l’enjeu de la création de cette commission parlementaire est moins dans l’effectivité des indemnisations, que dans la gestion des 32 milliards de Fcfa que l’Etat camerounais a gagné au bénéfice d’un procès intenté à la société sud-africaine Transnet Ltd, chargée de l’entretien des avions la compagnie aérienne nationale. Des révélations sur la traçabilité de cette somme d’argent, faites par l’ancien ministre de l’administration territoriale et de la décentralisation incarcéré, Marafa Hamidou Yaya, ont laissé des soupçons de corruption et de détournements impliquant des personnalités parmi les plus haut placées du pays. Ce «scandale de la République», dont on avait compris qu’il commençait à embarrasser au vu des réactions de certains pontes du régime, restera cependant enfoui dans les décombres du crash.

Code électoral

Lors de la session de mars 2012, c’est l’adoption du code électoral qui vient embarrasser la Chambre. Outre qu’il comporte des dispositions anticonstitutionnelles, le code électoral ferme les yeux sur un certain nombre de revendications formulées par l’opposition et la société civile, lesquelles ont pourtant fait l’objet de consultations avec le Premier ministre Philémon Yang, désigné par le Président de la République pour confectionner le projet de loi. Les lacunes de la proposition initiale provoquent tout d’abord un retrait forcé du texte, lequel est réintroduit deux jours plus tard. Fait inédit, le texte recueille 300 amendements de la part des députés. Les discussions, qui achoppent pendant un temps sur le caractère non impératif du mandat de député, sont entrecoupées par des réunions du groupe parlementaire majoritaire avec les hautes autorités du pays. La «fronde» des députés, saluée par une frange de l’opinion, retombe cependant très vite. Le texte est adopté avec des amendements minimum. Ni l’âge électoral à 18 ans, ni l’élection à deux tours, ni le redécoupage électoral, ni l’utilisation du bulletin de vote unique entre autres n’auront été adoptés. «Ces évolutions relèvent d’une modification de la Constitution», se contente un député de la majorité pour justifier le statu quo. D’autres font état de pressions qui seraient venues de l’Exécutif.

Elecam

Les mêmes pressions se font ressentir lors des sessions de mars et de juin 2011. Lors de celles-ci, outre que le texte portant création, organisation et fonctionnement d’Elecam revient consécutivement pour être modifié ; une modification en particulier agite l’opinion. L’article 6 de la nouvelle loi ôte en effet à l’organisation chargée de l’organisation et de la supervision de toutes les opérations électorales et référendaires, toute compétence dans la publication des «tendances enregistrées à l’issue du scrutin». Pour en confier l’exclusivité au Conseil Constitutionnel. La mesure, explique t-on alors, veut être conforme à la Constitution qui dispose que «le Conseil constitutionnel veille à la régularité de l’élection présidentielle, des élections parlementaires, des consultations référendaires. Il en proclame les résultats». Mais en lui interdisant même la publication des tendances, la mesure est un camouflet à l’esprit d’Elecam dont on souhaitait l’autonomie sur tout le processus électoral. Ici point d’amendements, la mesure a été votée au cours de sessions extraordinaires qui auront duré deux jours.

© La Nouvelle Expression : Serge-Lionel Nnanga


04/07/2012
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