LES 100 MILLIARDS DE FCFA DE FRANCK BIYA : Un bon test pour l’Opération épervier

CAMEROUN, LES 100 MILLIARDS DE FCFA DE FRANCK BIYA : Un bon test pour l’Opération épervierL’opération épervier est-elle un rouleau compresseur à tête chercheuse, ou encore une simple action sur fond d’épuration politique, comme le considère, à tort ou à raison certains observateurs de la scène politique camerounaise ? En tout cas, toute l’armada mise sur pied par Paul Biya contre la corruption (Conac, Anif, consupe, Tps, etc.) a du pain sur la planche, et nous dira si finalement l’épervier a si peur de la mère-poule. Peut-on imaginer un « Franck Biya bientôt entendu ! » ? Ça sonne mal ?

Il est vrai qu’en droit la règle est simple, et que conformément aux dispositions de l’article 11(al1) de la Déclaration universelle des droits de l’Homme « Toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées ». Mais seulement, s’agissant de la lutte anti-corruption au Cameroun, il n’est plus question désormais d’écouter avec une oreille distraite tout ce qui a trait à quelque détournement de derniers publics d’où qu’il vienne.

Issa Tchiroma Bakary, le ministre de la communication, porte-parole du gouvernement rappelait encore l’autre jour, avec force énergie, lors des réponses du gouvernement devant les députés, au cours de la présente Assemblée, que s’agissant des mesures anti-corruption, « outre les institutions (Conac, Anif, Tribunal criminel spécial, etc.) mises en place, et les cellules de lutte contre la corruption (…) le Code pénal en ses articles 134, 137, 142, 160 et 161, qualifie tout acte de corruption comme un délit passible de peine d’emprisonnement et d’amende. » Le gouvernement, a expliqué le Mincom, mène une « lutte acharnée contre ce fléau…». De plus, il a reconnu que « cette activité devrait davantage s’amplifier ».  Pour ce qui des dispositions législatives pour combattre les détournements de deniers publics, Issa Tchiroma Bakary a rappelé que « la législation camerounaise, réprime quiconque, par quelque moyen que ce soit, obtient ou retient frauduleusement des biens mobiliers ou immobiliers appartenant, destinés ou confiés à l’Etat. »

Ce qui nous ramène en plein dans le vif du sujet qui fait grand bruit en ce moment à propos d’une dénonciation faisant état de ce que Franck Biya, le fils du Président de la république est cité dans une affaire de détournement de 100 milliards de Fcfa. Pour mieux situer la curiosité des uns et des autres à l’ère de la répression des délinquants en cols blancs, il convient de rappeler que l’article 3 alinéa 2 de la loi qui régit la Conac stipule que « La Commission peut également être saisie par toute personne physique ou morale de plainte ou de dénonciation pour faits ou actes de corruption ». Dans la même lancée, l’article 19 précise que « La Commission doit mener les investigations nécessaires, dans des délais raisonnables, dès réception d’une dénonciation ou saisine ». Par conséquent, peu importe désormais les sources de la dénonciation, pourvu que le présumé coupable soit entendu devant les instituions compétentes pour prouver son innocence.

« Rendre gorge »

La désormais affaire Franck Biya permettra certainement de savoir ce qu’est en réalité l’Opération épervier ou encore la lutte conte la corruption et les détournements de deniers publics, dont les apôtres du « Renouveau » disent être le cheval de bataille de leur « créateur ».  En clair, l’opinion nationale et internationale attend la confirmation des multiples discours.
Déjà  en octobre 2004, lors de son discours de campagne dans le département de la Lékié, Paul Biya affirmait, « croyez moi, les choses vont changer ». Plus tard, indigné de l’envergure de la corruption dans son pays, le chef de l’Etat poursuivait, le 31 décembre 2006, lors du traditionnel discours de fin d’année : « je voudrais aujourd’hui dire très solennellement qu’il faut que cela cesse ». Quelques mois plus tard, en juillet 2006, lors du 3e congrès extraordinaire du Rdpc (Rassemblement démocratique du peuple camerounais) au palais des Congrès de Yaoundé, la guerre était déclarée : « Nous avons encore, je dois le dire, un grave problème de morale publique. Malgré nos efforts pour les combattre, la fraude, les détournements de deniers publics, la corruption continuent de miner les fondations de notre société. J’ai eu souvent à m’exprimer sur le sujet et à dire ma détermination à éradiquer ces comportements asociaux. Des sanctions sévères ont été prises au cours des derniers mois. Nous n’allons pas nous arrêter en chemin. Ceux qui se sont enrichis aux dépens de la fortune publique devront rendre gorge. 

Nous disposons maintenant d’un appareil institutionnel apte à traquer la corruption sous toutes ses formes. La Chambre des Comptes, déjà, citée, est opérationnelle. La commission nationale anti-corruption, l’Agence nationale d’investigation financière, les multiples commissions de passation des marchés ont toutes une mission essentielle au service de cette cause nationale. Les délinquants en col blanc n’ont qu’à bien se tenir ! » Un beau discours qui a occasionné un déluge d’applaudissements ; mais qui aujourd’hui doivent résolument passer à l’acte. Surtout que Paul Biya n’entend pas  changer, selon ses propres termes : « Je n’ai pas changé ; je n’ai pas changé d’avis non plus. Le progrès social reste ma priorité. Il est la raison même des efforts que nous faisons dans tous les domaines. »

Au–delà de ces termes rassurants, les uns plus que les autres, il avait aussi précisé que les poursuites judiciaires se feront «sans complaisance, sans discrimination, indépendamment du statut social ou de l’appartenance politique des personnes incriminées». Et  « Les cadres du parti, les ministres, les directeurs généraux et les députés issus des rangs du Rdpc doivent montrer l’exemple », avait rugit l’homme-lion.

Constatant que tout ceci n’était que des mots, Paul Biya renouvellera dans un entretien accordé à la Crtv (Cameroon radio and television), lors du recensement général de la population en 2008, qu’il entendait « monter d’un cran, dans cette lutte contre la corruption ». Seulement , la « force » n’ayant  apparemment pas permis de recouvrer les fonds et face à la grogne populaire qui réclame non pas des têtes mais les fonds dérobés, Paul Biya réussit une trouvaille. Il s’agit désormais de transiger, de négocier avec les détourneurs ou présumés tels. D’où la création du tribunal pénal spécial (Tps).
 
Certes, la récurrence du thème de la morale publique dans les discours du président laisse croire que ce problème est au centre de ses préoccupations et qu’il mise sur des actions pour éradiquer, du moins pour atténuer ces fléaux ; malheureusement, décrier dans les discours les comportements asociaux est une chose, poser des actes pour éradiquer lesdits comportements en est une autre.

L’épervier aura-t-il peur de la mère-poule ?

Avec un zeste d’humour, certains saluent à juste titre le nom de baptême qui a été choisi, à dessein, pour désigner la lutte contre la corruption au Cameroun. En réalité, l’épervier est un rapace qui ne s’occupe que des poussins égarés. Non seulement il ne saurait s’attaquer à la mère-poule, au risque de s’en sortir avec des coups de bec féroces, mais aussi il n’a pas accès aux poussins qui se sont faits protéger sous les ailes de leurs mères. Raison pour laquelle certains ont aussitôt conclu que l’Opération épervier ne peut, même dans ses rêves les plus optimistes, lorgner du côté du palais d’Etoudi ou de Mvomeka’a pour s’intéresser à celui par qui l’article 66 n’aurait jamais cessé de commencer.

La suite, on l’a connaît, les interprétations sont allées dans tous les sens avec des démentis qui ont vaincus sans convaincre au regard de la manière dont sont diligentés les procès qui apparemment se suivent et se ressemblent. Pour un ultime démenti : Franck Biya sera-t-il entendu? Les optimistes sont pressés d’applaudir alors que beaucoup d’éperviables aux montants détournés déjà établis sont toujours libres de leurs mouvements. L’épervier pourra-t-il agir «sans complaisance, sans discrimination, indépendamment du statut social ou de l’appartenance politique des personnes incriminées» ? Qui vivra verra, dira-t-on. Mais seulement, en tant que fils de catéchistes, Paul Biya se souvient certainement que selon la Sainte Bible, le Bon Dieu a sacrifié son fils unique, Jésus, pour sauver les hommes de leurs péchés.

© Ouest littoral : PONUS


21/11/2012
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