Législation : Un chapelet de textes à toiletter

Législation : Un chapelet de textes à toiletter

Un Code électoral unique est nécessaire selon les politiques ; le processus semble pourtant si éloigné…

Ce n'est plus un secret : l'élection présidentielle se tient bel et bien cette année au Cameroun. Paul Biya, le chef de l'Etat sortant, l'a lui-même confirmé lors de son adresse à la nation le 31 décembre 2010. Dans les états-majors des partis politiques, ce n'est pas encore véritablement le branle-bas ; certains acteurs ayant simplement déclarées leurs candidatures, pendant que d'autres, plus nombreux, ont ouvert le débat sur diverses questions concernant le prochain scrutin. Parmi les thèmes les plus récurrents, y a celui sur les textes de loi applicables dans le cadre de cette élection présidentielle. Le ministère de l'Administration territoriale et l'Observatoire national des élections (Onel), on le sait, ont officiellement passé le relais à Elections Cameroon (Elecam) pour l'organisation générale de cette importante échéance. Un organisme qui, ces derniers temps, ne cesse d'enregistrer les récriminations des partis politiques et des acteurs de la société civile qui, en matière électorale au Cameroun, se plaignent tous de la coexistence d'une kyrielle de textes juridiques et législatifs, les uns parfois contradictoires aux autres.

Pour ces derniers, il est donc question de voir plus clair avant la convocation du corps électoral. La loi du 17 septembre 1992 fixant les conditions d'élection et de suppléance à la présidence de la République, modifiée et complétée par la loi du 9 septembre 1997, est principalement mise à l'index. Etant donné que, dans le même temps, existe la loi du 29 décembre 2006 portant création d'Elecam ; et qui, dans certaines de ses dispositions, est en total déphasage avec la précédente. Un chevauchement malheureux, estime par exemple Jean-Michel Nintcheu, député du Social Democratic Front (Sdf) à l'Assemblée nationale. Son collègue Jean-Jacques Ekindi du Mouvement progressiste (Mp) est du même avis, et soutient que l'adoption d'un Code électoral unique est désormais une nécessité au Cameroun, si l'on voudrait organiser des scrutins à peu près crédibles aux yeux de l'opinion internationale.
Que reproche-t-on donc concrètement au cadre législatif actuel ? Hilaire Kamga semble avoir un point de vue précis sur la question. «Nous avons un conglomérat de textes qui s'affrontent et qui, très souvent, sont sources de conflits dans le cadre électoral. Il faut, pour les mêmes problèmes, convoquer trois voire quatre textes juridiques ; ce qui n'est pas normal et peut prêter à confusion. Il y a donc une nécessité de toilettage de notre corpus de textes juridiques en matière d'élections», indique celui qui dit être un expert en questions électorales. Pour illustrer son propos, ce dernier évoque l'implication des administrateurs civils (sous-préfets et préfets) qui, au regard des différents textes en vigueur, ne semblent pas totalement avoir été extirpés du processus.

Chevauchement
Des opposants au régime Biya semblent ainsi avoir, chacun, son chapelet de textes qu'ils jugent incongrus. Au-delà du rôle de l'administration publique qui prête toujours à équivoque, ces textes concernent, entre autres, la répression des infractions liées au scrutin ; l'organisation des commissions électorales ; la constitution de la commission nationale de recensement générale des votes (plutôt bourrée des cadres du Minatd) ; la confection des listes électorales ; le contentieux, etc.
Certes, dans quelques-unes de ses dispositions, la loi portant création et organisation d'Elecam éclaire quelque peu les lanternes, puisqu'elle abroge certaines précédentes. Mais il demeure «urgent et utile», à en croire Moukoko Priso de l'Union des populations du Cameroun (Upc), que le Cameroun dispose enfin de son Code électoral. Lequel, soutient un enseignant de Droit, «aura l'avantage de comporter en son sein des dispositions générales communes et des éléments spécifiques applicables à chacune des élections». «Nous continuons de faire du lobbying afin que ce code électoral puisse exister», indiquait récemment Hilaire Kamga dans les colonnes de Mutations.

Le «mandataire» de l'Offre orange et les autres pourfendeurs des lois en vigueur auraient-ils été entendus ? En tout cas, un projet de Code électoral a dû être transmis au Premier ministre le 20 janvier 2011, dans l'optique, dit-on, de la bonne organisation des prochaines consultations électorales. Ce qui, selon Garga Haman Adji, n'arrive d'ailleurs pas trop tôt.
«Cela fait 20 ans que la classe politique attend que le Code électoral camerounais soit revu. C'est tout le monde qui est gêné par les textes actuels, à l'exception de ceux qui en tirent profit à travers les fraudes électorales. Donc, il faut absolument réétudier les textes existants afin de les harmoniser. En démocratie, c'est le citoyen qui désigne ceux qui décident pour lui. A ce titre, il faut bien qu'ils puissent voter. Pour voter, il faut avoir été inscrit sur une liste électorale et disposer d'une carte électorale. Or, au Cameroun, tout cela n'est pas garanti. Le banditisme prend le pas sur la démocratie», assène le président de l'Add.

Eugène Dipanda



29/03/2011
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