Le Rdpc met le cap vers la désespérance:Le cap de désespérance

Le Rdpc met le cap vers la désespérance:Le cap de désespérance

Les récentes sorties épistolaires de René Emmanuel Sadi, secrétaire général du RDPC, suite à l'avalanche de plaintes et de récriminations contre Paul Biya, le président national du parti " proche du pouvoir ", sont révélatrices de la fébrilité qui s'est emparée des membres de cette formation politique. Même les récentes tournées de Sadi et le chaleureux accueil qui lui a été réservé partout où il est passé laissent dubitatifs les observateurs avertis quant à la sérénité qui serait revenue dans les rangs du " Rassemblement ".

Cette fébrilité a été révélée au grand jour, le 03 novembre 2009 au cours de la réunion de lancement des festivités marquant la commémoration du 27ème anniversaire de l'accession au pouvoir du président Paul Biya. Au cours de ladite réunion, le SG avait particulièrement insisté sur l'ambiance au sein du Rdpc et n'avait pas manqué d'attirer l'attention sur l'existence d'ennemis intérieurs. Selon lui, " il y a un besoin de clarification dans nos rangs, pour qu'aucune équivoque ne soit développée ". L'avertissement est clair. Et pour de nombreux observateurs, René Sadi somme de cette manière ses camarades militants de mettre fin à toute velléité d'une candidature autre que celle de Paul Biya, candidat naturel du parti au pouvoir à l'élection présidentielle. Cette sortie est aussi révélatrice des lignes de fractures qui se manifestent au sein d'un parti qui a toujours insidieusement brandi et usé l'arme de l'intimidation et de la disgrâce pour régler les différends internes.

Même si jusqu'ici les dirigeants du Rdpc proclament la prévalence de la logique du rassemblement sur celle de l'exclusion, il reste constant que, contrairement aux apparences, le parti de Paul Biya, n'est pas rassembleur. Il constitue non seulement une machine politico-administrative au service du prince, mais aussi une sorte de directeur de conscience qui formate la vision de ses militants afin qu'elle soit conforme à celle de ses dinosaures et qui se contente d'une mise en scène grotesque de sa légitimé. Une machine infernale qui écrase les velléités de contestation et même de réflexion personnelle en son sein. Le projet de clarification annoncé par René Sadi n'est en fait que la volonté de musèlement supplémentaire, une injonction de s'aligner et de choisir entre le bien (le Rdpc) et le mal (les "menteurs " et les " antipatriotes "), entre le paradis du pouvoir éternel et l'enfer de l'opposition sans issue.

Le Rdpc serait-il devenu une sorte d'archipel du Goulag ?  Sinon, que se passe-t-il en son sein ? Pourquoi les apparatchiks sont-ils si allergiques aux courants de pensée qui, si elles existaient, seraient synonymes de vitalité du parti ? Certains militants lorgneraient-ils le fauteuil présidentiel pour être ainsi rappelés à l'ordre par René Sadi? En tout cas, tous les ingrédients sont réunis pour laisser penser que les camarades de Paul Biya évoluent dans un univers stalinien. Dans l'ex-Urss, le parti communiste se singularisait par le fait que tout était clair entre le parti et l'État, entre la base et le sommet du parti. On parlait de " centralisme démocratique ".

 Les dissidents avaient réussi à démontrer que ce parti était totalitaire. Les pratiques (le totalitarisme et la violence) au sein du Rdpc font penser au parti communiste de l'ex-Urss. Elles sont très souvent en contradiction flagrante avec un discours prétendument démocratique. Paul Biya avait d'ailleurs pris la mesure de la chose lorsqu'il déclarait, le 21 juillet 2006, devant les militants du Rdpc réunis en congrès extraordinaire (comme toujours) au palais des Congrès : " Je le dis et je le répète, le Rdpc doit être un parti des militants et non un parti d'état-major ". Paul Biya savait de quoi il parlait.

Certes, d'aucuns diront que dans les contrées païennes, nous affectionnons les critiques paresseuses. Et que comparer principes et pratiques du Rdpc aux dogmes du système totalitaire, c'est un peu forcer les traits en diabolisant un parti du " rassemblement " et non "d'exclusion" qui a su, selon la formule consacrée par la fratrie au pouvoir, maintenir la paix et la stabilité, préserver notre intégrité territoriale et l'unité nationale, et qui pratique le dialogue et la tolérance. Pourtant, il est question d'être sans complaisance à l'égard d'un bilan de 25 ansd'un pouvoir monarchique et autoritaire dont les archaïsmes fondateurs ont figé les espoirs d'au moins deux générations deCamerounais.
 

N'en déplaise aux agitateurs, idéologues et autres propagandistes du parti-État, il y a très peu de choses à défendre dans le " paradis du renouveau ". Le symbole de l'impuissance du système politique actuel est bien ce monument érigé à la gloire du désastre, selon l'expression de Mongo Beti, ce chantier abandonné de l'immeuble ministériel n°1, ce " monstre [qui] évoque à la fois quelque diplodocus par le gigantisme et la difformité, le clochard par son délabrement prématuré, le lépreux par le moignon dressé vers le ciel comme pour appeler au secours ou dénoncer un criminel" (Mongo Beti, Génération n°004). La hâte à fêter, à exhiber, à temps et à contretemps, les victoires du parti, cachent mal la " ruine presque cocasse " (Mongo Beti) d'un parti dans la tourmente. Les caractéristiques du stalinisme ne sont-elles pas le dogmatisme et la violence sous toutes ses formes ?


Un seul exemple suffit pour illustrer notre propos. Depuis 1985, à force de vouloir préserver l'unité du parti, et dans une certaine mesure, donner une primauté au parti sur l'État, les faucons du Rdpc ont fini par transformer le parti du rassemblement prétendu en parti de l'exclusion. Tous les courants progressistes qui ont émergé en son sein ont été poussés à la porte de sortie. Sengat Kuo, François Borgias Evembe, Albert Nzongang, Jean-Jacques Ekindi, et tout récemment Chief Mila Assouté, pour ne citer que ceux-là, en savent quelque chose. Cette exclusion orchestrée par les caciques du parti contribue au renforcement de la logique totalitaire. En dehors du parti, c'est la même exclusion : on ignore royalement au Cameroun ce qu'on appelle consensus et dialogue entre le pouvoir et ceux qui n'y sont pas.

Objectivement, l'entreprise missionnaire du Rdpc a échoué devant la complexité des demandes sociales. Cet échec est révélateur de l'archaïsme de son énoncé. C'est pourquoi son "idéologie" est tournée en dérision dans divers lieux et milieux à travers signes, gestes, chants et danses dont la charge symbolique est insoupçonnée dans les milieux publics. L'inexorable régression à laquelle les Camerounais sont quotidiennement soumis fait de cette Afrique en miniature au désastre sans nom appelé le libéralisme communautaire. Dans un contexte de mondialisation ou de village planétaire, l'on devrait s'inquiéter de la profondeur du divorce et du conflit culturels opposant la jeunesse camerounaise et l'ordre politique tel que veulent instaurer une vieille garde sénile du parti-État dans sa soif insatiable de demeurer ad vitam aeternam au pouvoir afin d'en jouir les délices. Au moment où le Rdpc s'apprête à fêter son 25ème anniversaire, au moment où les clameurs formatées s'élèvent en son sein pour pousser Paul Biya à poser sa candidature en 2011 (comme s'il n'y pensait pas lui-même), n'est-il pas temps de questionner le cap vers lequel le parti-État veut mener les Camerounais ? En toute vraisemblance, c'est le cap de la désespérance.

 

Source: Germinal n°052, 18 mars 2010



21/03/2010
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