Le droit d’ingérence pour déloger Gbagbo

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Le droit d’ingérence pour déloger Gbagbo
(Le Temps.ch 04/01/2011)


Une mission de la dernière chance a tenté, en vain semble-t-il, d’obtenir le départ du président perdant. L’option d’une intervention militaire pour protéger la population et pour sauver la démocratie devient un peu plus probable

Les trois chefs d’Etat émissaires de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et le premier ministre kényan nommé médiateur de l’Union africaine ont poursuivi les consultations lundi à Abidjan en vue de trouver une issue à la crise politique qui déchire la Côte d’Ivoire depuis début décembre. Laurent Gbagbo, le président sortant qui tient à son fauteuil présidentiel, reste murer dans son intransigeance. La proposition faite ce week-end par Roland Dumas, ancien ministre français des Affaires étrangères, et l’avocat Jacques Verges pour un recomptage des votes a fait long feu. Désormais, le scénario du pire est sur toutes les lèvres. D’autant plus que le camp Gbagbo se dit prêt à aller jusqu’à allumer l’étincelle de la guerre.

C’est dans ce contexte que la question du droit d’ingérence – intervention militaire étrangère en violation de la souveraineté nationale – se pose sérieusement pour résoudre la crise ivoirienne. La voix est donnée par Guillaume Soro, le premier ministre d’Alassane Ouattara, qui a affirmé lundi qu’il n’y «aurait pas d’autre choix» que de recourir à la force pour faire partir Laurent Gbagbo. «Le mandat de la mission des émissaires de la Cédéao et de l’UA est clair et sans confusion, a-t-il déclaré. S’il refuse de partir, la Cédéao ayant déjà adopté le principe de l’usage de la force militaire, il ne lui restera que cette solution. Ce qui est en jeu en Côte d’Ivoire, c’est la démocratie.»

A l’instar de Guillaume Soro, de nombreux Ivoiriens plaident, notamment sur Internet, pour une intervention militaire étrangère. Le site connectionivoirienne.net, qui regroupe la diaspora, a publié lundi une lettre dans ce sens à l’intention du président nigérian Jonathan Goodluck qui est aussi le président en exercice de la Cédéao. «Nous n’aimons pas l’idée de recourir à la force, écrit un blogueur. Nous ferons tout pour l’éviter. Mais dans le contexte actuel, la force est le mal nécessaire dont nous avons besoin.» Tout aussi présent sur la Toile, les partisans de Laurent Gbagbo se moquent du droit d’ingérence et de la communauté internationale qui, selon eux, est acquise à Alassane Ouattara.

«Le droit d’ingérence n’est pas un principe consacré dans les affaires internationales», déclare Ro­ny Brauman, ancien président de Médecins sans frontières, intellectuel engagé dans le débat sur la gouvernance mondiale et plutôt critique de l’interventionnisme humanitaire. Dans le cas de la Côté d’Ivoire, il estime que la volonté et les intérêts de la population devraient primer dans toutes les circonstances.

Rony Brauman trouve toutefois que les troupes de l’ONU déjà sur place doivent pouvoir riposter au cas où elles seraient attaquées par les miliciens de Gbagbo. «Il s’agit de légitime défense, un principe préconisé par la Charte de l’ONU, explique-t-il. Du reste, le patron de la mission onusienne a déjà déclaré qu’il ne tolérerait aucune agression.»

Le droit d’ingérence se justifierait-il au nom de la sauvegarde de la démocratie et du respect des résultats de l’élection présidentielle? Pour Rony Brauman, une intervention dans ces circonstances ne serait pas injustifiée. Il cite plusieurs exemples où l’ONU a activement contribué à organiser des élections et à faire respecter le verdict des urnes, notamment au Timor-Oriental, en Irak et en Afghanistan. «Puisque la communauté internationale a participé à la surveillance du processus électoral en Côte d’Ivoire, elle aurait le devoir d’aller jusqu’au bout de son mandat et de faire respecter le résultat», poursuit-il. Il n’hésite pourtant pas à prédire qu’une intervention de la Cédéao ou de l’ONU entraînerait le pays dans une guerre civile. Pour Alassane Ouattara qui serait éventuellement placé à la présidence, ce serait un très mauvais début.

Observateur de longue date des conflits politiques dans le monde, Rony Brauman garde un certain espoir: «Il n’est pas impossible que le pays ne bascule tout de même pas dans un bain de sang. J’ai appris que les Ivoiriens sont las et fatigués des incertitudes. Ils sont aussi hantés par le génocide au Rwanda et voudraient éviter un scénario identique. Mais je sais aussi qu’une poignée de gens suffit pour faire basculer le pays dans la violence.»


Washington est prêt à «envisager» l’accueil aux Etats-Unis de Laurent Gbagbo, à sa demande, pour aider à mettre fin à la crise ivoirienne, a déclaré lundi un haut responsable américain. (AFP)



Ram Etwareea

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04/01/2011
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