Le CODE traine Paul Biya devant la Cour Pénale Internationale

Le CODE dans le cadre de sa Campagne Internationale contre l'Impunité lancée à Burxelles, depuis avril 2009, vient de saisir le Procureur de la CPI pour lui demander de bien vouloir- sur la bases des éléments accablants joints au dossier- ouvrir une enqête pour qualifier les massacres de février 2008 au Cameroun de "crimes contre l'humanité". Si cette requête est acceptée, Paul Biya et les tortionnaires de son régime seront désormais dans le viseur de la justice internationale, qui pourrait initier des mandats d'arrêt internationaux contre eux. Sales temps en perspective pour un despote sanguinaire. Affaire à suivre donc!  Mongo Nam

Ci- dessous le fac similé de la lettre envoyée par le Conseil du CODE, Me Selma, au procureur de la CPI.

Lettre_au_procureur_de_la_CPI

- Voici en intégralité la communication adressée par le CODE et son conseil, à la Cour Pénale Internationale

CODE – Collectif des Organisations Démocratiques et Patriotiques de la Diaspora Camerounaise

 

CODE : c/o M. Essoh, rue Van Artevelde; 1000 Bruxelles – Belgique
Tél : +32.493.983.369 asbl n°0082113
Blog : http://lecode.afrikblog.com Email : info_code_cameroun@yahoo.fr Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.



Communication à l’attention du procureur dela Cour pénale InternationaleSur les événements de février 2008 au Cameroun

 



Monsieur le Procureur,

Le Collectif des Organisations Démocratiques et Patriotiques de la Diaspora Camerounaise - le CODE,
Association sans but lucratif de droit belge, asbl n°0082113,

Représentée par M. Moïse ESSOH ETIA, résidant à Bruxelles,

Accompagné de
M. Guillaume TENE SOP, résidant à Hambourg, Allemagne,
M. Franklin NYAMSI, résidant à Rouen, France,
M. Patrice NDJOUMI, résidant à Bruxelles, Belgique,

Vous adressent, par la voie de leur conseil, la présente communication fondée sur la situation explicitée ci-après.

I. LES FAITS

Contexte :

Le 18 janvier 1996, Monsieur Paul Barthélemy Biya au pouvoir alors depuis 14 ans promulgua une nouvelle Constitution fixant au maximum de deux mandats de 7 ans la durée de règne du Président de la République (le Président est élu pour un mandat de 7 ans rééligible une seule fois). Monsieur Paul Biya eut alors un premier mandat en 1997 et un second en 2004 ne prenant pas en compte les années de pouvoir antérieures. Alors que ce second mandat devait s’achever en 2011, à la fin de l’année 2007, 27 ans après l’arrivée au pouvoir de M. Paul Barthélemy Biya le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), l’ex parti unique toujours au pouvoir, appela publiquement le 6 novembre 2007, à l’occasion de la journée commémorative de l’accession au pouvoir de M. Biya, à réviser la constitution pour permettre à M. Biya de se maintenir au pouvoir.

Cette prise de position, exprimée par un discours présidentiel, a suscité les critiques unanimes de l’opposition politique, de la société civile, de certains pays amis, et parfois au sein même des sympathisants et membres du RDPC.

Ajouté à ce climat de contestation et de résistance citoyenne à la révision de la constitution, une hausse substantielle des prix des produits pétroliers survient en début d’année 2008, entraînant la hausse des prix des produits de première nécessité et notamment des denrées alimentaires de base.



A l’approche de l’ouverture de la session parlementaire, qui finira par se clôturer le 11 avril 2008 par la révision forcée de la constitution, le climat général, économique et politique, du pays se détériore.



C’est dans ce contexte que, motivée par la grève du secteur du transport, la population et notamment la jeunesse décide d’exprimer clairement, par des manifestations et sur toute l’étendue du territoire, son opposition à cette révision constitutionnelle et son appel au régime à trouver des solutions pour tous contre l’engrenage de la pauvreté extrême.



1 - Les faits proprement dits :

Ces faits sont loin d’être exhaustifs, et seule une enquête dûment menée, malgré l’important délai depuis le déroulement des événements, pourra en déceler l’ampleur réelle.
L’armée et les forces spéciales d’intervention ont été appelées en renfort de la police, et elles ont utilisés des armes à feu. Certains témoignages font état de l’utilisation de pistolets et de mitrailleuses légères, positionnées sur des pick-up, notamment dans le quartier de Bonabéri et de Kumba. Ces armes ont été régulièrement utilisées à l’encontre de manifestants. Plusieurs individus ont été tués par les forces de sécurité, sans sommations préalables et de manière indiscriminée.


Le 25 février 2008, un décès par balle est survenu au cours d’un affrontement entre des gendarmes et certains manifestants à Douala. Après que des gaz lacrymogènes furent lancés sur des manifestants qui brûlaient des pneus, une femme gendarme a été désarmée par la foule et brièvement séquestrée. Lorsque des renforts sont arrivés, les forces de l’ordre ont tiré à balles réelles sur la foule, bien qu’ils aient eu les mains en l’air et qu’ils aient déjà relâché la gendarme.


Le 25 février 2008 dans la ville de Loum, le jeune Kameni Aya Lionel a été tué par des forces de sécurité au domicilie familiale devant ses frères et soeurs alors que son père, l’artiste musicien connu sous le nom de JOE LA CONSCIENCE, était déjà détenu à Yaoundé suite à la grève de la faim qu’il avait entamée devant l’Ambassade des Etats-Unis pour manifester contre la modification de la Constitution.


Le 27 février 2008, lors d’une marche pacifique regroupant des milliers de jeunes qui avaient pour but de rencontrer le Gouverneur de la province du Littoral, plus d’une vingtaine de personnes ont perdu la vie. Ces jeunes en provenance du quartier Bonabéri à Douala 4ème, avec des messages de paix inscrits bien en évidence sur des pancartes, ont entamé une marche pacifique pour exhorter leurs camarades de revenir à la raison. Après avoir été « escortés » jusqu’au pont du Wouri par le sous-préfet de l’arrondissement de Douala IVème, là où se limitent ses compétences, les forces de l’ordre ont attaqué les manifestants. Elles ont lancé des gaz lacrymogènes dans la foule, aidées par des hélicoptères déployés pour cette occasion. Des balles réelles ont également été tirées par ces forces de l’ordre. Certains manifestants ont été arrêtés, d’autres se sont jetés à l’eau afin d’éviter les gaz, les balles et les piétinements. Plusieurs se sont noyés faute de savoir nager. Les jeunes arrêtés furent victimes de mauvais traitements; les soldats leur ont marché dessus et les ont frappés avec les pieds et divers instruments, tels que les crosses ou les matraques.



Le 27 février 2008, cinq jeunes ont été tués par balles à Bafoussam, par des forces de l’ordre. Celles-ci ont répondu à des jets de pierres lancés par les victimes. Le même jour, à Kumba, alors qu’aucune manifestation n’avait lieu, des militaires ont ouvert le feu sur des personnes marchant en groupe de plus de trois, ce qui a causé la mort de trois individus.
Le 27 février 2008, des militaires et des éléments du Groupement spécial d’intervention, patrouillant le secteur du quartier de Ndogpassi 3, à Douala, ont tiré indistinctement sur plusieurs individus, avant d’atteindre mortellement au moins deux personnes identifiées.

 

 



Ce même jour, soit deux jours à peine après le début des émeutes, le président de la République, M. Paul Biya, prononça un discours dont la teneur exacte est la suivante:



« Notre pays est en train de vivre des événements qui nous rappellent les mauvais souvenirs d’une époque que nous croyons révolue.


2 - Si l’on peut comprendre qu’après l’échec d’une négociation, une revendication catégorielle s’exprime par l’exercice du droit de grève, il n’est pas admissible que celui-ci serve de prétexte à un déchaînement de violence à l’encontre des personnes et des biens. D’ailleurs, la preuve est maintenant faite qu’il est toujours possible de trouver une solution par la négociation à tout conflit social.



Il ne s’agit pas de cela en réalité. Ce qui est en cause, c’est l’exploitation, pour ne pas dire l’instrumentalisation, qui a été faite de la grève des transporteurs, à des fins politiques. Pour certains, qui n’avaient d’ailleurs pas caché leurs intentions, l’objectif est d’obtenir par la violence ce qu’ils n’ont pu obtenir par la voie des urnes, c’est-à-dire par le fonctionnement normal de la démocratie.



Ils n’ont donc pas hésité à jeter dans la rue des bandes de jeunes auxquels se sont mêlés des délinquants attirés par la possibilité de pillages. On en voit le résultat : des bâtiments publics détruits ou incendiés, des commerces et des entreprises pillés ou dévastés. Qu’il s’agisse du patrimoine de l’Etat, c’est-à-dire de notre bien commun, ou de locaux privés, ce sont des années d’efforts ainsi réduits à néant.



Les apprentis sorciers qui dans l’ombre ont manipulé ces jeunes ne se sont pas préoccupés du risque qu’ils leur faisaient courir en les exposant à des affrontements avec les forces de l’ordre. Plusieurs d’entre eux ont de ce fait perdu la vie, ce qu’on ne peut évidemment que regretter. Lorsque le bilan humain et matériel de ces sombres journées pourra être fait, il sera probablement très lourd. Ceux qui sont derrière ces manipulations ne voulaient certainement pas le bien de notre peuple. On ne bâtit pas un pays en multipliant les ruines.



Il faut donc que les choses soient bien claires. Le Cameroun est un Etat de Droit et entend bien le rester. Il a des institutions démocratiques qui fonctionnent normalement. C’est dans ce cadre que sont traités les problèmes de la Nation. Ce n’est pas à la rue d’en décider.

L’immense majorité de notre peuple aspire à la paix et à la stabilité. Les dernières consultations électorales en ont apporté la preuve. Les Camerounais savent que le désordre ne peut apporter que malheur et misère. Nous ne le permettrons pas.
A ceux qui ont pris la responsabilité de manipuler des jeunes pour parvenir à leurs fins, je dis que leurs tentatives sont vouées à l’échec. Tous les moyens légaux dont dispose le Gouvernement seront mis en oeuvre pour que force reste à la loi. »;

 

(Références: site d’informations générales Cameroon-info.net :
http://www.cameroon-info.net/reactions/@,22046,7,emeutes-paul-biya-s-adresse-a-la-nation-audio.html
Une copie audio du discours est disponible sur le même site au lien suivant :
http://wmedia.cameroon-info.net/mm/cin_listen.php?m_uid=208022501047C5BB11E9031
Site d’informations générales panafricaines, Grioo.com : http://www.grioo.com/ar,cameroun_paul_biya_un_discours_pour_rien_,13074.html).

 


Le lendemain de ce discours qui signait un chèque en blanc à l’armée, le jeudi 28 février, Jacques Tiwa, directeur d’un cabinet de comptabilité à Douala et membre du Conseil National de la Résistance, organisation membre du CODE, a été tué par une patrouille militaire qui a tiré sur lui a bout portant, sans sommation, alors que la rue était calme et qu’aucun autre passant n’était inquiété. Cette exécution extrajudiciaire n’a jusqu’à présent fait l’objet d’aucune enquête, même à la demande de la famille. Jacques Tiwa était un ancien leader estudiantin au début des années 90 qui s’était ensuite exile en Afrique de l’Ouest pour fuir la répression. Le cas de meurtre est ici clairement confirmé, et une enquête indépendante permettra d’en établir les responsables.


Les causes de décès de certaines victimes des affrontements auraient été dissimulées. Peu de certificats de genre de mort, qui permettent d’obtenir un certificat de décès, ont pu être obtenus par les familles des victimes. Certains documents seraient également erronés et présenteraient les causes de décès comme de simples traumatismes.


Bien que le gouvernement camerounais ne reconnaisse que 40 morts, l’Observatoire national des Droits de l’Homme (ONDH) a établi un rapport circonstancié de ces faits, en précisant bien que le chiffre démontrable de 139 morts est un chiffre minimal. La réalité, selon les indications d’autres organisations de la société civile, indiquent un chiffre plus réaliste de plus de 200 morts.



Plusieurs témoignages font en effet état de nombreuses exécutions sommaires, non comptabilisées tout simplement parce que les corps ont disparu et que les familles des victimes, accablées ou apeurées, n’ont pas osé porté ces disparitions à la connaissance des organisations de la société civile pendant leurs enquêtes locales.


Par ailleurs, de nombreuses arrestations que l’ONDH qualifie «d’arbitraires» ont eu lieu, avec des procès à la masse, souvent d’ailleurs documentés par des images et des procès-verbaux d’audiences de groupes. Le rapport indique qu’il y a eu environ 3 000 personnes arrêtées au sein de la société civile.



M. Lambo Pierre Roger, artiste engagé qui venait de publier une chanson dénonçant la révision annoncée de la constitution, a été arrêté et jugé au terme d’un procès dont les faits sont contestés y compris par ceux que le procureur de la république désigne comme victimes des « actes de pillage » que selon lui, M. Lambo aurait commandités. Cet artiste a été condamné à de la prison ferme et à une très lourde amende, susceptible de prolonger son emprisonnement pendant de longues années encore, si une véritable justice n’est pas rendue.



II. COMPÉTENCE DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE

Compétence rationae temporis

La Cour est manifestement compétente, les faits se sont déroulés après le 1er juillet 2002, soit en juillet et août 2006.

Compétence rationae materiae

Les faits soumis à la Cour sont des crimes contre l’Humanité, comme démontré ci-après

La Cour est compétente rationae materiae.

Compétence rationae personae



Les plaignants sont parfaitement conscients du fait que le Cameroun n’a pas ratifié la Convention de Rome.
Les plaignants sont néanmoins convaincus que cet élément ne doit pas empêcher la mise en place d’une enquête sur le territoire camerounais, enquête qui permettra de déterminer quels crimes ont été commis et qui en sont les responsables.
Pour les plaignants, la responsabilité de ces crimes incombe à l’Etat camerounais, au premier rang desquels le Président de la république, le Premier ministre, le ministre de la Défense et le ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation.



Cependant, cette responsabilité peut aussi incomber à d’autres personnes, ce que seule une enquête indépendante permettra de déterminer.


En effet, en vertu du règlement de la Cour, le Procureur peut également recevoir, de la part d’autres sources telles que des personnes physiques ou des organisations non gouvernementales, des informations se rapportant à des crimes relevant de la compétence de la Cour. Le Procureur procèdera à un examen préliminaire desdites informations dans chacun des cas. Ensuite, si le Procureur décide qu’il existe des éléments justifiant le fait de procéder à une enquête, il demandera à la Chambre Préliminaire d’autoriser l’enquête.



Les éléments ci-après exposés justifient à suffisance de droit le fait de procéder à une telle enquête.
Compétence rationae loci



La Cour a compétence uniquement pour les crimes commis sur le territoire d’un Etat partie, ou à l’égard de crimes ayant été commis sur le territoire d’un Etat ayant transmis une déclaration d’acceptation.

Une enquête sur les crimes commis pendant le mois de février 2008, peut avoir lieu sur le territoire camerounais.
Les plaignants demandent expressément par la présente que Monsieur le Procureur auprès de la Cour Pénale Internationale demande à la République du Cameroun de signer une déclaration d’acceptation.

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III. RECEVABILITÉ DE LA PRÉSENTE DEMANDE D’OUVERTURE D’UNE ENQUÊTE

En vertu de l’article 17 du Statut de Rome, une affaire ne sera jugée irrecevable que si :



1./
a) L'affaire fait l'objet d'une enquête ou de poursuites de la part d'un État ayant compétence en l'espèce, à moins que cet État n'ait pas la volonté ou soit dans l'incapacité de mener véritablement à bien l'enquête ou les poursuites ;



b) L'affaire a fait l'objet d'une enquête de la part d'un État ayant compétence en l'espèce et que cet État a décidé de ne pas poursuivre la personne concernée, à moins que cette décision ne soit l'effet du manque de volonté ou de l'incapacité de l'État de mener véritablement à bien des poursuites ;


c) La personne concernée a déjà été jugée pour le comportement faisant l'objet de la plainte, et qu'elle ne peut être jugée par la Cour en vertu de l'article 20, paragraphe 3 ;



d) L'affaire n'est pas suffisamment grave pour que la Cour y donne suite.



2./ Pour déterminer s'il y a manque de volonté de l'État dans un cas d'espèce, la Cour considère l'existence, eu égard aux garanties d'un procès équitable reconnues par le droit international, de l'une ou de plusieurs des circonstances suivantes :



a) La procédure a été ou est engagée ou la décision de l'État a été prise dans le dessein de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale pour les crimes relevant de la compétence de la Cour visés à l'article 5 ;


b) La procédure a subi un retard injustifié qui, dans les circonstances, est incompatible avec l'intention de traduire en justice la personne concernée ;


c) La procédure n'a pas été ou n'est pas menée de manière indépendante ou impartiale mais d'une manière qui, dans les circonstances, est incompatible avec l'intention de traduire en justice la personne concernée.



Examen du 1/ :
Au moment du dépôt de la présente communication, aucune enquête nationale n’a été réalisée, n’est en cours, et n’est pas annoncée par l’Etat du Cameroun, qui a compétence en la matière.


Examen du 2/:
Le manque de volonté est attesté par le refus du gouvernement camerounais de fournir, y compris aux autorités des Nations Unies, des éclaircissements sur ces événements, et cela depuis plus de deux années.



En effet, interpellé le 13 mars 2009 par le Rapporteur spécial pour les Droits de l’Homme des Nations Unies sur toutes ces allégations, (Cf. doc. de la 11ème session ordinaire du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies, référence A/HRC/11/2/Add.1 du 29 Mai 2009, page 36), le gouvernement camerounais n’a jamais donné suite aux questions pourtant claires posées par le Rapporteur, à savoir:



« 1. Les faits tels que relatés dans le résumé du cas sont-ils exacts? Si tel n’est pas le cas, quelles enquêtes ont été menées pour conclure à leur réfutation ?



2. Quelles sont les branches des forces de sécurité impliquées au cours de ces évènements? Quels ordres ou instructions avaient-elles reçus, notamment quant à l’usage de la force.



3. Veuillez fournir toute information, et éventuellement tout résultat des enquêtes menées, investigations judiciaires et autres menées en relation avec les faits. Si de telles enquêtes n’ont pas été menées, veuillez expliquer pourquoi ?



4. Si les allégations sont avérées, veuillez fournir toute information sur les poursuites et procédures engagées contre les auteurs ou responsable de la violence».



Par ailleurs, de nombreuses organisations de la société civile internationale et nationale, telles que Amnesty International, le CODE ou l’épiscopat camerounais, ont exigé une commission d’enquête nationale sur ces tueries, sans aucune suite de la part du gouvernement camerounais.



Il y a donc de toute évidence un manque de volonté de poursuivre dans le chef de l’Etat du Cameroun, comme démontré par l’absence de réponse aux questions posées par le rapporteur spécial et de la société civile et politique camerounaise et internationale.

La recevabilité de la présente demande ne laisse aucun doute.



IV. L’URGENCE

Une enquête doit être menée par une autorité indépendante dans les plus brefs délais. En effet chaque mois qui passe permet l’effacement et la perte définitive de preuves.



En matière de crimes aussi graves, l’enquête doit être diligentée au plus vite.

V. LES CHARGES

Il existe des charges suffisantes et précises justifiant l’ouverture d’une enquête par le Bureau du Procureur de la Cour.

 


V.1 Crimes contre l’Humanité

Le droit.
L’article 7 du Statut de Rome stipule que:

Aux fins du présent Statut, on entend par crime contre l'humanité l'un quelconque des actes ci-après lorsqu'il est commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque:

a) Meurtre ;
b) Extermination ;
c) Réduction en esclavage ;
d) Déportation ou transfert forcé de population ;
e) Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international ;
f) Torture ;
g) Viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable ;
h) Persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d'ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste au sens du paragraphe 3, ou en fonction d'autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant de la compétence de la Cour ;
i) Disparitions forcées de personnes ;
j) Crime d'apartheid ;
k) Autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l'intégrité physique ou à la santé physique ou mentale.


2. Aux fins du paragraphe 1 :

a) Par « attaque lancée contre une population civile », on entend le comportement qui consiste en la commission multiple d'actes visés au paragraphe 1 à l'encontre d'une population civile quelconque, en application ou dans la poursuite de la politique d'un État ou d'une organisation ayant pour but une telle attaque ;


b) Par « extermination », on entend notamment le fait d'imposer intentionnellement des conditions de vie, telles que la privation d'accès à la nourriture et aux médicaments, calculées pour entraîner la destruction d'une partie de la population ;



c) Par « réduction en esclavage », on entend le fait d'exercer sur une personne l'un quelconque ou l'ensemble des pouvoirs liés au droit de propriété, y compris dans le cadre de la traite des être humains, en particulier des femmes et des enfants ;



d) Par « déportation ou transfert forcé de population », on entend le fait de déplacer de force des personnes, en les expulsant ou par d'autres moyens coercitifs, de la région où elles se trouvent légalement, sans motifs admis en droit international ;



e) Par « torture », on entend le fait d'infliger intentionnellement une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, à une personne se trouvant sous sa garde ou sous son contrôle ; l'acception de ce terme ne s'étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légales, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles;

f) Par « grossesse forcée », on entend la détention illégale d'une femme mise enceinte de force, dans l'intention de modifier la composition ethnique d'une population ou de commettre d'autres violations graves du droit international. Cette définition ne peut en aucune manière s'interpréter comme ayant une incidence sur les lois nationales relatives à la grossesse ;



g) Par « persécution », on entend le déni intentionnel et grave de droits fondamentaux en violation du droit international, pour des motifs liés à l'identité du groupe ou de la collectivité qui en fait l'objet;



h) Par « crime d'apartheid », on entend des actes inhumains analogues à ceux que vise le paragraphe 1, commis dans le cadre d'un régime institutionnalisé d'oppression systématique et de domination d'un groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres groupes raciaux et dans l'intention de maintenir ce régime;



i) Par « disparitions forcées de personnes », on entend les cas où des personnes sont arrêtées, détenues ou enlevées par un État ou une organisation politique ou avec l'autorisation, l'appui ou l'assentiment de cet État ou de cette organisation, qui refuse ensuite d'admettre que ces personnes sont privées de liberté ou de révéler le sort qui leur est réservé ou l'endroit où elles se trouvent, dans l'intention de les soustraire à la protection de la loi pendant une période prolongée.



3. Aux fins du présent Statut, le terme « sexe » s'entend de l'un et l'autre sexes, masculin et féminin, suivant le contexte de la société. Il n'implique aucun autre sens.

Le cas d’espèce

Le résumé du cas d’espèce, fondé sur les faits rapportés par le rapporteur spécial des Nations Unies, se présente comme suit :



L’armée et des forces spéciales d’intervention ont utilisés des armes à feu telles que des pistolets et de mitrailleuses légères, positionnées sur des pick-up, et régulièrement utilisées à l’encontre de manifestants. Plusieurs individus ont été tués par des forces de sécurité, sans sommations préalables et de manière indiscriminée.



Lors de ces émeutes, un Jacques TIWA, a été froidement abattu le 28 février 2008 en pleine rue à Douala, sans aucune sommation et de manière manifestement ciblée.



Il est donc manifeste que l’armée a agit de manière systématique à l’égard des populations civiles prises pour cible. Il est tout aussi manifeste que le président de la République a conféré aux forces de sécurité les pleins pouvoirs pour réprimer par tous les moyens. Le discours du 27 février est de ce point de vue révélateur de la responsabilité personnelle du Président de la République. En effet, dans ce discours, repris dans la présente communication au paragraphe mentionnant les faits, le président de la République prend simplement acte des décès qui ont eu lieu et qui auront lieu, sans indiquer d’aucune manière que ces tueries seront sanctionnées. Bien au contraire, indiquant clairement que les forces de l’ordre ont tué et peuvent continuer à tuer sans scrupules, il rejette d’avance la responsabilité de ces morts enregistrées et à venir sur de prétendus « apprentis sorciers » qu’aucune enquête sérieuse, même gouvernementale, n’a clairement appréhendés et jugés jusqu’aujourd’hui. Pour incarcérer ceux qu’il a désignés comme tels, le gouvernement camerounais, par la voie du procureur de la république, a abusivement arrêtés, sur des motifs fallacieux, des artistes, journalistes, et activistes associatifs.



Trois conditions essentielles sont ici réunies



Le caractère généralisé de l’attaque :

La simultanéité de l’attaque contre des civils en plusieurs endroits du pays indique une réelle systématisation de l’action de l’armée, sur ordre du Président de la République et de la chaîne de commandement.



De plus, quelques actes du chef de l’Etat et des autorités camerounaises témoignent de la volonté affichée de réprimer, d’une manière systématique, les manifestants.


Il s’agit d’abord du remplacement à la tête de la 2ème région de gendarmerie basée à Douala du général de brigade Doualla Massango par le colonel Jean Calvin Leumani, moins de deux semaines après la fin des émeutes. Il est reproché au Général Doualla Massango une « tiédeur » dans la répression des manifestants, obligeant les autorités à recourir aux forces de 2ème et 3ème catégorie (unités spécialisées de la gendarmerie et de la police et militaires) pour réprimer les manifestants.
Il s’agit également de l’arrestation de M. Paul Eric Kingué, maire de Njombé-Penja pourtant membre du RDPC, parce que ce dernier a empêché la police de tirer sur des manifestants, bravant ainsi l’attitude de complicité passive souhaitée par les autorités de la part des officiers communaux.



La population civile comme cible:

L’attaque a clairement au pour cible une population civile. Il n’y avait aucun groupe armé en face des forces de sécurités. Le caractère pacifique des manifestations menées par les populations civiles n’est pas contesté.
Des actes particulièrement inhumains:



Les faits ici décrits constituent des actes particulièrement inhumains et correspondent à la catégorie d’actes visés par le statut.



Bien que le gouvernement camerounais ne reconnaisse que 40 morts, pour lesquels il n’a cependant ouvert aucune enquête, l’Observatoire national des Droits de l’Homme indique au moins de 139 morts, les chiffres plus réalistes avoisinant les 200 morts.



Il est donc clair que la réponse des autorités camerounaises aux légitimes et pacifiques manifestations de la population, a été d’une violence et d’une systématisation volontaire et ayant pour but d’appliquer sa politique de révision constitutionnelle sans contestation.


Dans ce sens, les crimes commis au Cameroun constituent une « attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque », d’autant plus que la commission de ces multiples actes (meurtres, emprisonnements en violation des dispositions fondamentales du droit international, …) fait manifestement partie d’une politique générale de violations des droits politiques de la population.


PAR CONSEQUENT,
PLAISE AU PROCUREUR A LA COUR PENALE INTERNATIONALE

- de recevoir la présente communication



- de procéder à un examen préliminaire des informations exposées



- de demander à la République du Cameroun de signer une déclaration d’acceptation



- de demander l’autorisation à la Chambre préliminaire de mener une enquête sur les crimes commis au Cameroun.


Pour les requérants,

Leur conseil,
Selma Benkhelifa

 

En annexe:
Document des Nations Unies, référencé A/HRC/11/2/Add.1.,
Voir la page du site du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies, 11ème session ordinaire du Conseil des Droits de l’Homme, section rapports : http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/11session/reports.htm
Le rapport A/HRC/11/2/Add.1 fait 449 pages.



06/03/2010
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