Le chemin sinueux de l'honneur politique et du patriotisme primaire

Le chemin sinueux de l'honneur politique et du patriotisme primaire
Moins de deux mois après avoir prouvé à la face du monde que le Cameroun n’a aucun problème de gestion et encore moins de gouvernance et que ce peuple tient mordicus à son choix ; « le choix du peuple », ces électeurs à présent ont des griefs contre le pouvoir démocratiquement installé à la tête de l’Etat !
 

Ainsi donc les électeurs, constitués de citoyens camerounais, je l’espère, qui ont réélu le Président Paul Biya le 9 octobre 2011 avec 80% des suffrages exprimés, pour mieux comprendre c’est-à-dire, 8 camerounais sur 10, ces électeurs sont dans la rue aujourd’hui dans les revendications sociales ! Moins de deux mois après avoir prouvé à la face du monde que le Cameroun n’a aucun problème de gestion et encore moins de gouvernance et que ce peuple tient mordicus à son choix ; « le choix du peuple », ces électeurs à présent ont des griefs contre le pouvoir démocratiquement installé à la tête de l’Etat !

De l’autre côté, l’ambassadeur des Etats-Unis en poste à Yaoundé émet des doutes sur le sérieux de l’opposition camerounaise à vouloir durablement s’installer dans une lutte pour le bien être des camerounais ! Autrement dit, l’ambassadeur des Etats-Unis sait mieux que quiconque ce que veut le peuple du Cameroun et que ne lui offre pas l’opposition camerounaise.

Cette opposition elle-même qui a été incapable effectivement de présenter une alternative au sommet de l’Etat tant en qualité et en quantité de proposition que d’homme ou de femme fiable. Aujourd’hui donc, personne ne parle pour le peuple camerounais, ce sont ses intérêts qui parlent pour lui et ces intérêts sont plus corporatistes qu’autre chose, voilà pourquoi s’agglutinent devant le Premier Ministère qui ne mérite pas son nom d’immeuble étoile,  tous les matins et ce depuis la proclamation des résultats de la dernière présidentielle, des groupuscules mal-identifiés.

Les handicapés qui veulent les 10% voire les 15% des 25.000 places du recrutement spécial ordonné par le Chef de l’Etat ! Il y a aujourd’hui des Attachés d’Enseignement et de la Recherche (ATER) de nos universités, 115 nous dit-on, qui viennent sans se mélanger surtout, se mettre à quelques mètres des déflatés du Mindaf 417 c’est peut-être le lot le plus important devant l’entrée principale du Premier Ministère. Insignifiant dira-t-on dans une analyse sérieuse surtout si l’on tient compte que devant le ministère des finances il y a un groupe de papis et de mamies qui manifeste depuis une vingtaine d’années sans grand succès. Ils y sont arrivés à la force de l’âge aujourd’hui ils n’ont plus que la peau sur les os, ils se déplacent avec beaucoup de difficulté et surtout n’allez par leur demander combien ils sont ! Misère ! Suprême des misères.

Le Président de la République et ses colistiers sont embarqués dans une grande aventure que même nos spécialistes n’arrivent point à analyser si on en juge par les derniers écrits des uns et des autres. Ceux et celles qui ont l’insulte facile ont aussi perdu le sens de la raison si ce n’est la raison qui a perdu le sens de leurs insultes. Non à dire vrai, depuis quelque temps, on a peine à comprendre les peuples qui vivent au Cameroun sans véritablement être des citoyens, ils zigzaguent et tanguent au même rythme que le Président de la République et ses colistiers dont les noms n’ont point encore été donnés ici. Ils zigzaguent entre la suprême trahison et une succession de petits intérêts particuliers sans jamais arriver au précipice de l’intérêt majeur de la Nation. Pendant très longtemps et surtout depuis la fameuse tripartite de 1992, nous avons pris coutume de reprendre en chœur que les camerounais sont intelligents et savent où sont leurs intérêts.

Justement quand ces intérêts se déclinent au pluriel ils ont un relent d’égoïsme voire d’égocentrisme. Ils répugnent à mettre tous leurs œufs dans le même panier, voilà pourquoi ils mangent à tous les râteliers. Nous aurons beau accuser le Président Biya et ses colistiers et cette liste est plus longue et plus vaste qu’on ne saurait arriver au dernier nom, nous sentons bien que la duplicité égoïste des peuples qui vivent au Cameroun est un indice d’une fabrication comportementale plus profonde et que son jaillissement sur le plan politique n’est que le reflet de son pourrissement social.

Il est nécessaire aujourd’hui de comprendre les valeurs de notre société si les uns et les autres veulent contribuer à la faire évoluer. Voilà pourquoi il est urgent de regarder aussi loin que nous le pouvons dans nos traditions, de regarder les données économiques et sociales de notre pays. C’est vrai que peu de travaux d’envergure sont consacrés à l’analyser les « systèmes de valeurs » de la société camerounaise mais il serait faux de penser qu’il n’en existe pas. C’est l’exercice auquel j’invite les uns et les autres. Sans vouloir anticiper sur les résultats des uns et des autres, il est intéressant de constater que l’individualisation – entendue comme affirmation de l’autonomie de l’individu et de ses choix est bien ce qui prend le dessus dans la société camerounaise. Ce fait n’est pas étrange quand nous regardons ce qui se passe ailleurs. Seulement et là, réside toute la spécificité de la société camerounaise. C’est que l’individualisation va de couple avec l’individualisme qui prône le culte du « chacun pour soi » et par conséquent ne favorise pas la cohésion sociale.

Depuis de très longues années, le Cameroun est entré dans un vaste marché où les règles ne sont pas les mêmes pour tous, plus on les cache, mieux c’est pour nous. Un cercle comme on dit ici des « djop die ». Tout le monde est à dépouiller sans aucune morale et sans aucune éthique d’où toute la difficulté à construire la cohésion nécessaire pour des revendications légitimes. 

Depuis la fin de la présidentielle, la liste des partis politiques qui souhaitent entrer dans le gouvernement de tous les dangers dévoilent à elle seul la liste des colistiers du Président de la République. Ils se recrutent partout et dans toutes les formations ceci par simple stratégie ou par simple dépit. Dans une société où personne ne parle pour personne, où l’on ne peut confier à personne sa voix afin de défendre vos intérêts (ce qui donne naissance à la démocratie), nait et croit tous les jours une véritable jungle. Dans ce jeu à trois, qui tient véritablement à jouer en eaux troubles, là où les flux symétriques et jumeaux du désespoir de très peu de camerounais et de l’ascendant du Président de la République et de ses colistiers croissent ?

Le BIR et la Garde Présidentielle en embuscade

Le Cameroun est donc une jungle encerclée d’où personne ne sortira vivant au regard de la stratégie mise en place pour l’extermination des survivants. Fatigués par la violence des combats, plus violent que celui de la fin de semaine du 12 au 14 novembre dernier à Ngaoundéré opposant la police nationale aux jeunes recrus de nos forces de « défense nationale », tout repli est suicidaire parce que le BIR, une armée incontrôlée et incontrôlable est là pour achever les survivants sans un seul remord. Les hommes et les femmes politiques sont trop occupés à plaire, à faire le pitre dans les alentours du Palais de l’Unité, histoire d’intégrer le dernier cercle de ceux et celles qui espèrent avoir l’attention du Chef de l’Etat.

Que faisons-nous de l’éthique ? Que faisons-nous de notre devoir d’instruire, d’éduquer, de former, de protéger, d’orienter et de se projeter ? Mission dévolue à toutes celles et à tous ceux qui un jour se découvrent une vocation à parler et à travailler pour le besoin de tous ?

Nous vivons certainement dans un monde où tout est affaire de goût, où toutes les opinions se valent mais ceci n’est qu’un mirage pour un pays comme le nôtre. La politique dans un pays comme le nôtre a un sens et une mission d’orientation et de construction. Je reste persuadé que beaucoup de sans-voix et des complices silencieux dans notre pays ont la nostalgie d’un autre ordre, où les meilleurs d’entre les hommes politiques respectaient la dignité de leur fonction et s’adressaient aux peuples en tant que citoyens responsables, habilités à comprendre et à discuter.

Le malaise est profond et l’ignorer est suicidaire pour tout le Cameroun. Si cette nostalgie n’existe pas il faut la créer, il faut l’inventer, afin que naisse une race d’hommes et de femmes qui sache mettre les principes au-dessus des intérêts individuels, et à avoir confiance dans la force de ses convictions et l’intelligence des peuples du Cameroun.

Dans la génération de mes parents, (certains sont encore vivants je le sais) il y avait des hommes et des femmes de cette trempe dont j’appelle la résurrection. Pour proclamer l’indépendance le 1er janvier 1960, je reste persuadé que le groupe autour du Président Ahmadou Ahidjo a dû passer outre certaines injonctions. Sans cette fermeté le Cameroun ne serait pas indépendant aujourd’hui. Faisons naître un idéal et essayons de convaincre nos peuples de le suivre dans le grand respect de la démocratie. Cela s’appelle faire de la politique.

Personnellement, je reste persuadé qu’il ne sortira rien de bon de la gigantesque manipulation actuelle, de la floraison du clientélisme primaire ambiant, sinon encore plus de cynisme et de désaffection pour le bien commun. Si la politique n’est plus maintenant que l’art de plaire et zéro proposition, l’art de se faire nommer sans un objectif noble à poursuivre, nous n’avons pas à nous étonner de voir esseulés devant le Premier Ministère des groupuscules insignifiants défendant des intérêts corporatistes aussi insignifiant que leurs combats. Oui nous n’avons pas à nous étonner que les électeurs se détournent des débats quand nous pouvons encore en avoir et bouder les urnes.

Les journalistes politiques comptent les points…

Le journalisme politique de notre pays a sa part de responsabilité, il a accompagné ce délitement général et ne consiste plus, sauf en de rares cas, qu’en une sorte de décompte sportifs des coups donnés et reçus par les adversaires. Le Président et ses colistiers n’ont point d’adversaires, ils ont gagné le match alors qu’ils fassent tourner la boutique et plus que cela qu’ils recueillent les bénéfices au profit de tous. Qui de nous dans ce cas voudrait encore se rappeler  la nécessité des principes et des valeurs ? Qui voudrait vraiment encore se scandaliser de l’état des mœurs politiques ?

Leger Ntiga de Mutations l’a fait en révélant l’affaire Pauline Biyong mais le lendemain il était couvert de déshonneur ! Le cynisme et la raillerie ont envahi l’industrie du commentaire et tout se passe comme si la majorité des journalistes se contentaient de contempler de haut le marasme. Au fait, entre Massi Ngam excusez du peu ! Le révérend Pasteur et Messengue Avom qui va gagner ?

Oui cette petite poignée de journalistes se compte sur les doigts d’une seule main et leur tombe n’est point fleurie ! Adieux indignes à Jules Koum-Koum, minables sont les enquêtes de Bobiokono !  Au fond de nous, nous savons pourtant qu’il n’y a pas de politique sans principes et que qui met à mal ses principes pour arriver perd l’honneur. Oui comme l’écrivit un jour Bernanos :

l’honneur n’est pas une valeur entre d’autres, pas même une valeur importante, mais la valeur fondamentale.


L’honneur au plus profond de mon indignité, c’est la dignité morale qui permet à l’homme de dépasser ses intérêts mesquins pour servir quelque chose de plus grand que lui : le bien commun, la justice, le destin d’un peuple et d’une culture.

Au final si nous nous regardons tous, aussi sympathiques que nous puissions être les uns les autres, il y a un honneur de l’homme politique, il y a aussi un honneur du citoyen voilà pourquoi l’honneur politique et l’honneur du citoyen vont ensemble. Oui l’honneur du citoyen consiste à accomplir les devoirs qui sont l’autre face de nos droits politiques : Effacer de son comportement quotidien la « justice populaire » qui est triomphe de la barbarie, s’associer à l’autre qui n’est pas lui quand l’intérêt de tous est en jeu, défendre la légitimité de l’Etat en se souvenant au quotidien qu’il n’y a pas de Paix sans Justice.

Aussi loin et aussi profond que puisse aller mon regard, je voudrais graver dans la mémoire de tous, citoyen ordinaire comme plus haut responsable d’une administration en quête de repère, serviteur zélé comme métayer du plus petit chantier du quartier le plus insignifiant de notre pays, nous avons la tâche urgente de retrouver le chemin de l’honneur. Ce que nous ne défendons pas, nous risquons de le perdre pour toujours.

Dr Vincent-Sosthène FOUDA
Universitaire et homme politique



20/11/2011
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