Le cadeau à problème des étudiants à Paul Biya

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Le cadeau à problème des étudiants à Paul Biya
(Camer.be 29/12/2010)


La « marche patriotique » de jeudi dernier en direction du palais de l’Unité fait des vagues au sein de l’establisement.

Selon les chiffres révélés par le quotidien gouvernemental Cameroon Tribune, ils étaient quelques 3000 étudiants à converger jeudi 23 décembre dernier vers le palais de l’Unité, à Yaoundé, afin de « remercier le chef de l’Etat pour ses actions en faveur de la jeunesse ». Partis du boulevard du 20 mai, ces étudiants ont parcouru une dizaine de kilomètres avant d’échouer à l’esplanade du palais d’Etoudi. L’élément détonateur de cette marche, largement relayée par les médias d’Etat, était, indique-t-on, la création par décret présidentiel, de l’université de Bamenda le 10 décembre dernier. Aussi, les «marcheurs» n’ont pas tari d’éloges à l’endroit du chef de l’Etat, Paul Biya. En témoigne ce message inscrit sur la principale banderole : «Monsieur le président, la jeunesse vous offre ce cadeau de fin d’année. Nos cœurs pour t’aimer, nos pieds pour marcher, nos mains pour applaudir et nos voix pour chanter».

Au bout de leur procession, les étudiants marcheurs ont été reçus par René Sadi, ministre chargé de mission à la présidence de la République et par ailleurs secrétaire général du comité central du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc). Le ministre Sadi avait à ses côtés Luc Sindjoun, conseiller spécial du chef de l’Etat. Le Sg du comité central a rapporté, visiblement ému, que l’initiative des étudiants a été hautement appréciée par le chef de l’Etat qui s’est excusé de ne pouvoir recevoir personnellement les jeunes. Paul Biya, d’après René Sadi, a tenu à saluer cette mobilisation comme un «bel exemple de civisme, de patriotisme, de bonne éducation et de responsabilité pour tous les jeunes du Cameroun». Et d’ajouter : «Contre vents et marées, les jeunes du Cameroun ont toujours été aux côtés, avec et derrière leur président, celui de tous les Camerounais. La maturité, le discernement et la fidélité de l’immense majorité de la jeunesse n’a pas été prise à défaut. Vous avez toujours su discerner le faux au vrai, la vérité du mensonge». Mieux, le Sg du comité central s’est fait fort de rappeler à son auditoire les actions du chef pour lutter contre le chômage des jeunes.



Cela dit, loin de l’éclat patriotique qu’on lui a conféré, le mystère continue à planer sur les véritables organisateurs de cette marche. Dans l’entourage du ministre de l’Enseignement supérieur, Jacques Fame Ndongo qui est également secrétaire à la Communication au comité central du Rdpc, l’on déclare que « le ministre Fame Ndongo n’a été associé ni de près ni de loin à l’initiative. La preuve, ces étudiants n’ont pas fait escale au ministère de l’Enseignement supérieur, comme c’est souvent les cas pour les marches de soutien que nous [le Minesup] organisons. Ces étudiants qui ont marché sont, à notre avis, des opportunistes. Cette marche aurait été crédible si elle était l’initiative des étudiants de l’université de Bamenda». Une autre source réputée introduite auprès du ministre Fame Ndongo dément toute implication dans cette marche patriotique tout en renseignant que «ceux qui ont accueilli ces jeunes à l’esplanade du palais de l’Unité ne sont pas étrangers à cette démarche. Il ne faut pas se tromper de cible».

Pour sa part, un proche du secrétaire général du comité central du Rdpc n’a pas souhaité se prononcer au sujet de cette marche dont il a dit « ne pas être au courant ». Il a plutôt invité Mutations à adresser un protocole d’interview au ministre Sadi qui est «disponible», ce que votre journal fera ce matin. Pour l’Association de défense des droits des étudiants (Addec), «cette marche estudiantine est une imposture de plus, qui s’inscrit dans les manœuvres électoralistes ambiantes. En l’absence de planification en termes de mise en place des infrastructures de l’université de Bamenda, cette initiative ne peut relever que du folklore », a fulminé André Benang, le président du mouvement estudiantin.
En tout état de cause, la marche de jeudi dernier serait un épisode de plus dans la bataille à fleurets mouchetés qui empoisonne, d’après les habitués des allées du Palais des congrès de Yaoundé [siège du parti au pouvoir], les rapports entre le Sg du comité central du Rdpc, et son secrétaire à la communication. Une sourde rivalité qui amènerait désormais l’un à chasser sur les terres fertiles de l’autre.


© Mutations : Georges Alain Boyomo
Paru le Mardi 28-12-2010

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29/12/2010
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