Laurent Gbagbo: Le bouffon tragique

YAOUNDE - 13 DEC. 2010
© Léger Ntiga | Mutations

Cerné de toutes parts, le président sortant de Côte d’Ivoire reste accroché au nationalisme, corde sensible de la population

La situation confuse que vit la Côte d’Ivoire depuis la proclamation de la réélection par le Conseil constitutionnel, de Laurent Koudou Gbagbo le 03 décembre 2010, a connu un épaississement dans la nuit de mercredi à jeudi avec la déclaration du Conseil de sécurité des Nations unies, reconnaissant comme président élu de Côte d’Ivoire, Alassane Dramane Ouattara (Ado). Un soutien de poids donc au leader du Rhdp en faveur de qui, l’Onu, l’Union africaine, la Cedeao, et la quasi-totalité des leaders du monde industrialisé, s’est prononcée. Des arguments qui ont poussé Alassane Ouattara à former son gouvernement et à envisager sa direction du pays dont il projette le développement.

En face, Laurent Gbagbo qui, en plus d’avoir reçu le soutien du Conseil constitutionnel, est rassuré par l’armée qui s’est dite prête à se mettre à son service, a prêté serment en son Palais d’Abidjan le 4 décembre 2010. Revigoré par la mise à sa disposition du général Philippe Mangou, le chef d’Etat major de l'armée, celui s’estime victime d’un complot international, a nommé le 06 décembre, un de ses proches, le président de l'Université de Cocody, le principal établissement universitaire d'Abidjan, Gilbert Marie N'gbo Aké, au poste de Premier ministre. Et comme pour asséner un pied de nez à la communauté internationale, il a promu un autre de ses proches baptisé général de la rue, Charles Blé Goudé (susceptible d’être poursuivi par la justice internationale) au poste de ministre de la Jeunesse.

Droit dans ses bottes donc, Laurent Gbagbo poursuit sa reconquête du pouvoir suprême à Abidjan. S’il se veut le président légitime et au service des Ivoiriens, ses détracteurs voient en ce jusqu’auboutisme, des envies de suicide. Une prise à l’étau dont pourra difficilement se défaire le fils du sergent de police Zèpè Paul Koudou Gbagbo et de Marguerite Gado, contre qui, toutes les forces du mal semblent converger. Arrivé en tête du premier tour, Laurent Gbagbo s’est opposé à Alassane Dramane Ouattara au second tour dont ce dernier a été donné vainqueur avec 54,1% des voix par la commission électorale indépendante (Cei), au terme de nombreuses obstructions perpétrées par les partisans au sein de la Cei, du président sortant.


Faux amis

Une proclamation provisoire des résultats rapidement invalidée par le Conseil constitutionnel qui jugeait cette sanction des travaux de la Commission électorale, hors délais. La représentante de la diplomatie de l'Union européenne, le secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon, les présidents Barack Obama et Nicolas Sarkozy ont rapidement réagit à ce qu’ils ont appelé confiscation du pouvoir. Sans succès. Sourd et muet, l’enfant de Mama non loin de la sous-préfecture de Ouragahio et de Blouzon dans le département de Gagnoa (des villages bété de ses parents respectifs de l’Est de Côte d’Ivoire), n’en a cure. S’il ne prend pas Nicolas Sarkozy au téléphone, il éconduit les «faux amis» de l’Union africaine et de la Cedeao. A peine a-t-il pris, dans la journée de samedi, un appel de Thabo Mbeki dont la médiation initiée par l’Ua, n’a pu aboutir.

Comme dans la tragédie du roi Christophe, le président Gbagbo jette hors du palais ses proches parmi les plus durs. Ils parlent pour lui, et prône la souveraineté là où la communauté a financé l’élection la plus chère au monde: 140 milliards de Fcfa environ. Confiant de rééditer l’exploit de sa résistance de 2002 à 2004 face à la rébellion et la force Licorne. Comme une souris dans un sac, indique un diplomate accrédité en Côte d’Ivoire, «Gbagbo court dans le sac». Pendant ce temps le Premier ministre Guillaume Soro, qui a reconnu comme chef de l'État, Alassane Ouattara, déplore le comportement de celui dont il a été le chef du gouvernement pendant cinq ans. D’où son choix de remettre sa démission au «président élu».

Après avoir pendant longtemps rendu Alassane Ouattara responsable de la guerre civile qui a éclaté dans ce pays d’Afrique de l’Ouest le 19 septembre 2002 avec la prise d’assaut des symboles de l’Etat par des soldats rebelles, disposant d'un armement de qualité dont le financement reste d'origine inconnue, Pour plus d’un observateur, le président candidat qui pendant la campagne a martelé à ses partisans qu’ils vont transformer en farine le maïs (opposition) répandu devant eux, se révèle un «faucon et dangereux dictateur» aux yeux du représentant du secrétaire général des Nations unies Young Ji Choi pour qui, l’élection de M. Ouattara ne fait l’ombre d’aucun doute.

De ce bras de fer qui dure depuis une semaine, les pistes de sortie étroites, laissent croire à une future guerre civile dont chacun des protagonistes rejette la responsabilité à l’autre. Alors que hors de Côte d’Ivoire, on qualifie la réélection de Laurent Gbagbo de quête avortée. Donc de peine perdue.



13/12/2010
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