La vraie identité de Boko Haram au Cameroun


Boko Haram:Camer.beEn prenant l’initiative tardive de limoger le colonel Yossa Gedeon, commandant de la légion du nord Cameroun, sans instruire l’ouverture d’une enquête décisive permettant d’identifier les auteurs des massacres du 27 juillet 2014 à Kolofata, le président Paul Biya ne fait que distraire l’opinion. Sa décision dérisoire est bien tardive quand on sait le colonel Yossa Gedeon n’est pas à son premier coup de maître car partout où il passe, il y a massacre et terrorisme. Tout le monde se souvient de la tragédie du 12 novembre 2007 à Bakassi, un drame au cours duquel certains de nos soldats, conduits par le lieutenant-colonel Agah Robinson chef B2 (bureau du renseignement) de l’opération Delta et le lieutenant-colonel Yossa Gedeon chef de la division de la sécurité militaire à Yaoundé, commettront l’impensable en massacrant leurs propres frères soldats, exactement comme ce qui s’est passé à Kolofata le 27 juillet 2014.

Il faut savoir que les actes estampillés BH, commandités ou non, visent deux seules choses : l’argent et le pouvoir, rien à voir avec le terrorisme qui n’est agité que pour masquer la réalité des faits et offrir à la France le prodigieux alibi justifiant sa présence militaire au Cameroun ou en Afrique. Je le dis et je le répète, les cerveaux opérationnels de Boko Haram au Cameroun sont : M. Yossa Gédéon et l’équipe de M. Agah Robinson. J’enlève leur grade parce qu’ils représentent le pire déshonneur. En vérifiant leurs mouvements lors des prises d’otage dans le nord Cameroun, il est facile d’établir leur responsabilité.

Pour comprendre leur mode opératoire, il faut remonter à la tragédie de Bakassi dont voici le récit tel que relaté dans mon livre « L’antécode Biya » :

Il est 14heures 50 le 12 novembre 2007 à Limbé, quand retentit d’un téléphone portable l’appel d’un rescapé informant le Poste de commandement (PC) de l’opération Delta (Mission de sécurisation de la presqu’île de Bakassi retournée aux Camerounais après le procès à la CIJ contre le Nigeria) de l’attaque du poste de commandement n°3 dans le Rio del Rey, unité commandée par le capitaine de corvette Samuel Metiegue Ebong, l’homme arrivé au PC Delta le 2 novembre 2007 et entré en zone trois jours après comme commandant en second du Groupement opérationnel centre (GOC) dirigeant par principe le poste C3.

Ce jour du 12 novembre 2007, les officiers d’État-major présents au poste Delta à Limbé sont :

-        Le colonel Jaih Musi, commandant en second de l’opération Delta

-        Le lieutenant-colonel Foinbam Gérard, chef B1 (bureau du personnel)

-        Le lieutenant-colonel Hamoa Simon, chef B4 (bureau matériel)

-        Le lieutenant-colonel Dall’Ava, officier de liaison Aramis

-        Le commandant Téguia Félix, officier de liaison Air

-        Le chef d’escadron Mvondo Kane, officier de liaison gendarmerie.

-        Le lieutenant de vaisseau Lackmata, officier de liaison Mer

-        Le lieutenant Avom Appolinaire, officier de liaison Sémil (Sécurité militaire)

-        Le lieutenant Ngou Pempeme, officier ordinaire/ PC Delta

-        Le chef d’escadron Nguegoué Maurice, officier de liaison du génie militaire.

Les autres officiers d’État-major absents sont partis depuis le 08 novembre 2007 à Bakassi pour des séances de patrouille et l’inspection des postes de regroupement en zone. Il s’agit des hommes ci- après :

-        Le capitaine de vaisseau Oyono Mveng, commandant de l’opération Delta

-        Le colonel Metogo Atangana, chef d’État-major Delta

-        Le lieutenant-colonel Agah Robinson, chef B2 (bureau du renseignement)

-        Le capitaine Nang Zengue, chef B3 (bureau des opérations)

-        Le capitaine Azombo Zang, chef B5 (bureau des transmissions)

Entre temps, soit le samedi 10 novembre 2007, le lieutenant-colonel Agah Robinson et le lieutenant de vaisseau Lackmata ont obtenu une permission de trois jours accordée par le commandant de l’opération Delta depuis la zone. Le premier permissionnaire sort de zone le même samedi en fin d’après-midi pour assister aux obsèques de sa sœur à Bamenda (nord-ouest du Cameroun) tel que stipulé dans l’objet de sa demande de permission. Le second quant à lui dit se rendre à des funérailles dans son village à Mbouda (ouest-Cameroun).

Sur l’effectif du poste C3 qui est de 70 hommes, nous avons ce jour du lundi noir 45 hommes présents et 25 permissionnaires. Et la troupe présente, en dehors des sentinelles, ne dispose pas de munitions. Situation qui sera d’ailleurs rectifiée par le tardif message radio porté n°0711455/MRP/Delta/EM/13 du 13 novembre 2007 qui met les pendules à l’heure pour le redéploiement des armes collectives et la distribution des munitions au personnel en poste.

Ce jour du 12 novembre 2007, il y a une activité particulière au PC Delta en raison de la visite du Secrétaire d’État à la défense (Sed) qui est assisté du général Mambou et du major général Samobo. Ces derniers, arrivés au PC Delta autour de 11h30, en repartent à 12h30.

C’est dans cet état de l’opération Delta que retentit l’appel du rescapé de l’attaque du poste C3. L’appelant, qui souffre atrocement, informe le poste de commandement Delta que le poste C3 vient d’être attaqué. Etant dans l’agonie, il ne peut donner d’amples précisions. Après cette communication, c’est le calme au PC Delta.

Ensuite arrivent des officiers de la garnison de Limbé venus s’informer de la situation d’un fait qui, visiblement, s’est propagé à très grande vitesse.

Conformément au plan d’urgence de l’opération Delta, il est question de rappeler d’urgence les officiers permissionnaires de l’État-major. C’est le lieutenant Avom, officier de liaison Sémil, qui tente de les joindre à partir de l’annuaire du PC Delta :

-        Le lieutenant-colonel Agah Robinson est obtenu sur son téléphone portable et répond qu’il est à Bamenda et qu’il s’efforcera de rejoindre Limbé le plus rapidement possible. Contrairement à cette déclaration, des éléments du Sémil l’identifieront au même moment à Idenau, à mille lieues de Bamenda, empruntant un véhicule civil et ensuite à Express Union (Church street) de Limbé quelques temps après.

-        Le lieutenant de vaisseau Lackmata n’est pas joignable à l’instant.

Face aux mouvements suspects du lieutenant-colonel Agah Robinson, le lieutenant Avom prend l’initiative d’en rendre compte à la hiérarchie, c’est-à-dire au lieutenant-colonel Yossa Gedeon, chef de la division de la sécurité militaire à la capitale politique Yaoundé. Le listing téléphonique du lieutenant-colonel Agah Robinson prouvera plus tard que l’initiative du pauvre lieutenant Avom s’adresse à un lieutenant-colonel Yossa en communication intense avec le mis en cause.

Entre temps, le PC Delta en mouvement est pratiquement coupé de ce qui se passe en zone et de son commandant sur le plan d’eau. A 16 heures, c’est le médecin de zone qui, arrivé en premier au poste C3 après l’attaque, appelle et décrit l’horreur des 21 cadavres qui gisent devant lui. Il signale ensuite qu’il a fait embarquer les blessés qui arriveront au quai d’Issongo à 19heures 30. Les morts plus tard vers 22heures dans une embarcation artisanale.

Puis c’est le silence, et l’étonnement du fait que le commandant de l’opération Delta avec son équipe ne se soient pas mis en branle avec les autres groupements pour cerner la zone et éventuellement entrer dans le sillage des assaillants. C’est ce même constat qu’évoqueront le secrétaire d’État à la Défense et sa suite lorsqu’ils suspendent leur mission à Kumba pour revenir de toute urgence à Limbé vers 19heures s’enquérir de la situation. Le général Mambou réagira d’ailleurs en disant : « Vous ne nous direz pas que des gens sont venus tuer tout ce monde et vous n’avez même pas eu trace de leurs pas, que faites-vous alors là-bas ? »

La délégation repartira vers 20heures sans aucune information précise de ce qui se passe en zone.

Joint par poste YAESU à bord du patrouilleur n° 05, le commandant de l’opération Delta refuse toute communication. Quelques instants après le départ du secrétaire d’État à la Défense, apparait mystérieusement le colonel Agah Robison qui, répondant au téléphone il y a moins de cinq heures, déclarait être à 500 kilomètres, soit à quinze heures de route de Limbé minimum au regard des possibilités. Il s’empresse de savoir ce qui s’est dit avec la délégation venue de Yaoundé. Suite à la réponse des collègues, il réagit en disant : « Vous auriez dû dire que les assaillants ont attaqué et nous avons riposté énergiquement en tuant des hommes et en détruisant leurs embarcations ! » C’est ce qui sera d’ailleurs rédigé au BRS (Bulletin de renseignement spécial) par ce dernier. Mensonge d’État qui sera ensuite diffusé sur les ondes par le Secrétaire général à la présidence de la République.

Quand les blessés arrivent au quai d’Issongo, ils sont conduits au PC Delta pour s’instruire de la conduite à tenir. L’un d’eux, profondément traumatisé, s’écrira : « Finissez avec nous une fois, vous nous amenez encore où ? ». Après moult transactions, les blessés désespérés seront conduits à l’hôpital militaire de Douala.

A 23 heures, le Comdelta rejoint le PC Delta où des informations venant des blessés fusent et précisent que le lieutenant-colonel Agah Robinson et des hommes du BSA (Bataillon spécial amphibie) de Tiko ont été remarqués parmi les assaillants. D’autres témoignages concordants affirmeront avoir vu l’embarcation rapide de ravitaillement se diriger vers la pointe d’Idenau vers 11heures, c’est-à-dire vers le lieu du carnage quelques instants avant l’attaque, longtemps avant l’heure habituelle des mouvements d’approvisionnement. L’embarcation disparaitra, dans la tranche du moment où le téléphone portable d’Agah Robinson se trouve fermé (rapport Opérateur), précisément le temps que durera l’attaque.

Contre toute attente après le massacre, les éléments rescapés seront maintenus à la BLA (Base logistique avancée) à Kombo Itindi conformément aux ordres du Comdelta, alors qu’ils devraient déjà être sortis de zone selon les méthodes régulières.

Les douilles retrouvées sur les lieux de l’attaque ont été formellement identifiées comme appartenant à une unité des Forces de défense camerounaises.

Devant les commissions d’enquête, le lieutenant-colonel Agah Robinson rebondira avec un nouvel alibi selon lequel il avait été appelé à comparaitre au tribunal à Buea devant Madame le juge Ayuk Esther, alors qu’il avait préalablement affirmé être à Bamenda le jour de l’attaque.

Le lieutenant de vaisseau Lackmata portera un faux témoignage en déclarant que le lieutenant-colonel Agah Robinson était présent lors de l’arrivée du Secrétaire d’État à la Défense au PC Delta le 12 novembre 2007 à 19heures.

Le colonel Soureck, nommé à la première commission d’enquête, qui a permis de mettre en évidence les communications téléphoniques suspectes, sera vite éjecté.

Le lieutenant-colonel Yossa Gedeon affirmera que le poste Bonbon a riposté lors de l’attaque avec une mitrailleuse de 14.5, ce qui est invraisemblable, compte tenu du temps de mise en batterie de cet armement

Le capitaine de corvette Metiege, qui embarrassait la hiérarchie compte tenu de son intégrité avérée gênante dans plusieurs dossiers, est affecté du Ministère de la défense au  poste C3 quelques jours avant l’attaque, ce qui nourrit l’hypothèse de l’assassinat.

Le ministre de la défense d’alors, Rémy Ze Meka, s’acharnera sur des boucs émissaires, ce qui aboutira à des sanctions portant la signature de Paul Biya, la France ayant préconisé une solution apaisée. Cette même France qui ébauchera, avant même qu’on ait enterré les victimes de la boucherie du poste C3, le nouveau plan de défense de la presqu’île de Bakassi, un marché juteux approuvé grâce aux nombreux rapports d’experts parlant de terrorisme maritime dans le Golfe de Guinée.

© Correspondance : Bertrand TEYOU


30/07/2014
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