La rencontre Biya-Fru Ndi comme un signe positif pour la démocratie au Cameroun (ANALYSE)

La rencontre Biya-Fru Ndi comme un signe positif pour la démocratie au Cameroun (ANALYSE)
(Xinhuanet 14/12/2010)


20 ans après la création du Social Democratic Front (SDF), première formation d'opposition bien avant la démocratisation de la vie politique au Cameroun en 1990, la rencontre entre le président Paul Biya et le leader de ce parti, John Fru Ndi, le 10 décembre à Bamenda dans le Nord-ouest est un signe positif pour la démocratie dans le pays, estiment les observateurs au lendemain de cet acte abondamment commenté par la presse locale lundi.

"Si l'on ne peut pas soutenir que cette rencontre n'a pas donné du baume au cœur à l'establishment du SDF, on ne peut pas non plus affirmer que ce ne fut pas une bonne opportunité pour le RDPC (ndlr : Rassemblement démocratique du peuple camerounais, au pouvoir), voire le Cameroun tout entier pour les échéances (électorales) à venir ", a analysé à Xinhua le géostratège Joseph Vincent Ntuda Ebodé, enseignant à l'Université de Yaoundé II.

En marge d'une visite du chef de l'Etat camerounais à Bamenda, à l'occasion des festivités marquant le cinquantenaire de l'armée nationale, cette entrevue a surtout retenu l'attention par "les symboles visuels, la détente et la chaleur, qui semblaient se dégager des entretiens", a relevé l'expert pour qui " on avait bien l'impression que de part et d'autre, l'on clamait enfin " we get it", c'est-à-dire l'aboutissement d'un long processus de reconnaissance mutuelle".

"Biya-Fru Ndi : le dialogue est noué", a souligné lundi le quotidien gouvernemental Cameroon Tribune dans un article faisant état de ce que "Paul Biya et Fru Ndi dans la salle des audiences de la résidence présidentielle de Up Station, main dans la main, les yeux dans les yeux, le sourire aux lèvres (...) C'est certainement l'image qui restera des audiences que le chef de l'Etat a accordées aux notabilités du Nord-ouest vendredi dernier à la résidence présidentielle à Bamenda".

Et le journal de se féliciter que "l'impression qui se dégage de cette audience est que notre pays vient certainement de vivre un grand moment dans la poursuite de sa démocratie apaisée". Il précise que " Fru Ndi est venu rencontrer le président de la République à la tête d'une délégation de douze personnes comprenant notamment le député Joseph Mba Ndam, vice-président de l'Assemblée (nationale), et Madame Elizabeth Tamajong, secrétaire général (du SDF) ".

Une fois de plus, le Pr. Ntuda Ebodé remarque que " cette rencontre, vu sa solennité, confirme une tendance qu'on avait déjà observée : la pacification des rapports politiques au Cameroun. C'est un signe de consolidation et d'approfondissement des mœurs politiques". En même temps, le propos est nuancé pour rappeler que " la politique est un jeu où, comme lors d'un match de football, les adversaires ont beau être des amis, ils ne se disputent pas moins la victoire".

Comme quoi, "même si l'on peut penser que de telles rencontres jouent pour encadrer les dérapages, les polémiques et les disputes préélectorales et post-électorales ne sont pas à écarter" lors des prochaines consultations populaires, en l'occurrence la présidentielle de 2011. Ce scrutin sera organisé par un nouvel organe électoral, Elections Cameroon (ELECAM), dont la composition fait l'objet de polémiques entre le parti au pouvoir et l'opposition avec en tête le SDF.

C'est d'ailleurs l'un des sujets de l'entretien entre Paul Biya et Ni John Fru Ndi, a déclaré celui-ci à la presse. Affirmant que "les chiffres annoncés sur le terrain sont falsifiés", l'opposant dénonce les inscriptions sur les listes électorales actuellement organisées par ELECAM et réclame des cartes d'électeurs biométriques pour la sécurisation de ces opérations et le vote des Camerounais, dit-il.

"Je suis content qu'à la faveur de cette fête militaire, le chef de l'Etat soit venu nous rencontrer. On a eu un bon entretien. Le dialogue est noué. Nous avons commencé, nous allons continuer. En tout cas, la glace est brisée. Pour des contraintes de temps, nous n'avons pas pu dialoguer plus longuement. Mais, nous avons parlé à cœur ouvert et il a apprécié cela", a-t-il du reste observé.

Depuis la naissance de son parti le 26 mai 1990 dans un climat de violences à Bamenda, sa ville natale, il a toujours affiché une ligne politique radicale vis-à-vis du régime de Paul Biya, au pouvoir depuis novembre 1982 suite à la démission d'Ahmadou Ahidjo. Même si des sources concordantes leur attribuent des rencontres secrètes, la rivalité a persisté entre les deux hommes pour la magistrature suprême.

En 1992, le Cameroun frôle le pire après une élection présidentielle remportée par le chef de l'Etat sortant par 39,9% des suffrages contre 35,9% à son challengeur, d'après les résultats officiels proclamés par la Cour suprême. Une "victoire volée" selon Ni John Fru Ndi qui, après s'être autoproclamé élu, déclenche un vaste mouvement de contestation sans précédent dans les principales villes du pays, y compris à Yaoundé, la capitale.

Dans sa remise en cause de la légitimité politique de Paul Biya, celui que ses partisans appellent affectueusement le "Chairman", rendu populaire à ses débuts avec le slogan "power to the people", boycotte les élections législatives organisées la même année et récidive pour le même scrutin et la présidentielle de 1997.

Par la suite beaucoup coule sous les ponts. En 2002, le SDF décide de recadrer son orientation politique en investissant des candidats pour le renouvellement des membres de l'Assemblée nationale (Parlement) en septembre 2002, où il obtiendra 22 des 180 sièges de députés, un score synonyme de la réduction de la popularité de l'opposant et de l'assise politique de sa formation.

A la suite d'une large défaite à la présidentielle de 2004 de M. Fru Ndi de 17,4% des voix face à M. Biya, réélu par 70,92%, le SDF a tout de même montré lors des législatives de 2007 qu'il demeure la principale force d'opposition camerounaise, avec 16 des 180 députés de l'Assemblée nationale (contre 153 pour le RDPC). Mais à l'approche de la présidentielle d'octobre 2011, des démissions en cascade de barons du parti sèment le doute.

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14/12/2010
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