La monarchie: Le ministre de la Communication Issa Tchiroma Bakary présente Paul Biya comme un monarque

Source: Nouvelle Expression.

Écrit par Redaction


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Le virevoltant ministre de la Communication dans son rôle habituel de «porte parole» du Gouvernement se pose désormais en défenseur du régime et surtout de son chef.
Il s’investit dans cette charge avec une vive passion qui ne va pas sans dérive. Il nous souvient que celui-ci était intervenu autrefois à la télévision, relativement à l’Opération Epervier pour dire aux Camerounais que le Code Pénal prévoit qu’en cas de remboursement des biens publics détournés, l’inculpé ou l’accusé pouvait être libéré ! C’est plus tard que le Gouvernement qu’il ne cesse de contredire a décidé de la création du Tribunal Spécial par Loi n° 2011/028 du 14 Décembre 2011 ; Loi par laquelle cette libération sous condition de remboursement est désormais possible.
Ce Ministre qui se montre très actif nous donne l’impression d’intervenir dans tous les domaines sans prendre la précaution de consulter les experts. C’est ainsi qu’une fois de plus dans le quotidien gouvernemental Cameroon Tribune n° 10136/6337 du Lundi 16 Juillet 2012, à l’occasion d’une interview à lui accordée portant sur les activités de certaines organisations de la société civile relativement à l’institution de la déclaration des biens, il a déclaré en substance ce qui suit : «C’est en toute souveraineté à l’abri de toute pression, qu’elle vienne de la communauté internationale ou des institutions financières internationales, de la société civile ou de la classe politique, que le Chef de l’Etat a bien voulu insérer dans la constitution par l’article 66 le sacro saint principe de l’inviolabilité de la fortune nationale. Ce n’est donc pas la société civile qui a exercé des pressions pour que le Président de la République insère cet article dans la loi fondamentale de notre pays ».
En tenant ces propos, le Ministre Issa Tchiroma Bakary, peut-être sans le vouloir présente le Président Paul BIYA comme un monarque. Lesdits propos sont révélateurs d’un système politique absolutiste, alors que le Cameroun s’identifie à un système politique libéral républicain ; dans lequel prévaut la séparation des pouvoirs. La concentration des pouvoirs entre les mains d’un seul individu, relève d’un régime monarchique.
Au Cameroun, le Chef de l’Etat, qui est chef du pouvoir exécutif suivant la constitution ne peut pas s’emparer de la souveraineté qui appartient au peuple (I) ; lequel peuple exerce cette souveraineté par l’intermédiaire de ses mandataires, tout en gardant son droit de résister et de revendiquer (II).

I. Le peuple Camerounais seul détenteur de la souveraineté nationale est le constituant

Dans un système libéral républicain où l’on voit que la nature du pouvoir est démocratique, c’est le peuple qui est souverain par l’intermédiaire du pouvoir législatif. Le pouvoir exécutif se limitant à l’exécution des lois.
Tandis que dans le système politique absolutiste, la nature du pouvoir étant despotique, le chef ou le souverain est absolu et jouit du monopole de faire les lois. En alléguant que «le chef de l’Etat a bien voulu insérer dans la constitution, par l’article 66 le sacro saint principe de l’inviolabilité de la fortune nationale …», le Ministre en charge de la communication présente le Président de la République du Cameroun comme seul à faire les lois et au-dessus desquelles il se place.
En effet, il nous indique et ce qui n’est pas vrai que c’est le Chef de l’Etat qui fait et défait les lois constitutionnelles. Pourtant, une lecture attentive de la loi fondamentale du Cameroun laisse transparaître que c’est le peuple Camerounais qui est le constituant soit par voie référendaire (A), soit par l’intermédiaire du parlement (B).

1. Le peuple Camerounais, constituant par voie référendaire

Il est le constituant originaire et dérivé. A ce titre en cas d’adoption d’une constitution, il peut être appelé à se prononcer, tout comme en cas de révision constitutionnelle, «Le Président de la République peut décider de soumettre tout projet ou toute proposition de révision de la constitution au référendum». (Article 63 (4) de la constitution du Cameroun)
Lorsqu’un texte relatif à la constitution est soumis au référendum, celui-ci est adopté à la majorité simple des suffrages exprimés.
Lorsqu’on veut contourner la volonté du peuple souverain, comme on a pris l’habitude de le faire au Cameroun, le recours à un Parlement acquis à sa cause devient un choix facile.

 2. Le peuple Camerounais, constituant par l’intermédiaire du parlement

Le Parlement exerce le pouvoir législatif. Il comprend deux chambres :
-      L’Assemblée Nationale
-      Le Sénat
L’Assemblée Nationale composée des députés élus au suffrage universel direct et secret pour un mandat de cinq (05) ans est la représentation nationale étant donné que «chaque député représente l’ensemble de la Nation» (Article 15 (2) de la constitution).
Le Sénat quant à lui représente les collectivités territoriales décentralisées. Chaque région est représentée au Sénat. Les sénateurs sont élus au suffrage universel indirect sur la base régionale sept (07) et trois (03) nommés par le Président de la République.
C’est le parlement ainsi constitué qui peut seul délibérer sur les lois constitutionnelles et non le Chef de l’Etat comme veut nous faire croire le Porte Parole du Gouvernement. Même si «l’initiative de la révision de la constitution appartient concurremment au Président de la République et au Parlement» (Article 63 de la constitution), il demeure qu’il s’agisse du projet de loi ou de proposition de loi c’est le Parlement qui délibère. Ce n’est nullement le Chef de l’Etat qui décide «d’insérer dans la constitution» une disposition quelconque. A titre d’exemple, il vous souvient que courant 2008, lorsque l’exécutif a émis le vœu de réviser la constitution Camerounaise pour essentiellement faire sauter le verrou de la limitation des mandats présidentiels, un projet de loi a été soumis au Parlement à cet effet. De même que la Loi n° 96/06 du 18 Janvier 1996 ; laquelle comporte la fameuse disposition de
l’article 66 querellé et qui est venue se superposer à la constitution du 02 Juin 1972, a été adoptée par le Parlement.
Il se trouve alors que le peuple n’exerce pas le pouvoir directement. Mais ce sont ses représentants qui légifèrent à sa place et qui veillent au respect des droits. Le pouvoir est donc un dépôt, le peuple restant le juge suprême de la façon dont les gouvernants remplissent leurs missions. A ce titre, celui-ci garde le droit de résister et de revendiquer. 

II.  Le droit pour le peuple Camerounais de revendiquer

La loi n° 96/06 du 18 Janvier, que certains ont qualifié de loi portant révision de la constitution de 1972 a introduit plusieurs nouvelles institutions dont la déclaration des biens. Il se trouve qu’après 16 ans, certaines de ces institutions comme le Sénat, le conseil constitutionnel, la région et la déclaration des biens ne sont pas effectives. Ce n’est qu’en 2004 soit huit (08) années après que le peuple a eu droit à la loi portant orientation de la décentralisation. Pourquoi tout ce retard ? Alors que c’est le peuple qui a décidé par l’intermédiaire de ses représentants à l’Assemblée Nationale. Le pouvoir exécutif devrait-il s’opposer à la volonté nationale ? Nous pensons que c’est l’inertie dont a fait preuve le pouvoir exécutif qui a poussé le collectif d’organisations de la société civile dont s’agit à revendiquer l’application de la disposition constitutionnelle relative à la déclaration des
biens.

A-  L’inertie de l’exécutif, fondement de la revendication

L’exécutif est opérationnel et doit être plus actif que le législatif.

Le Président de la République, élu de la Nation toute entière veille au respect de la constitution (Article 5 de la constitution). A ce titre, le Président de la République devrait prendre des dispositions qui s’imposent pour l’application intégrale de la constitution. Pour ce qui est de l’article 66 en question, pourquoi le Ministre Issa Tchiroma Bakary veut dire aux Camerounais, le Chef de l’Etat compris que cette disposition est inutile et que ce dernier ne doit pas se préoccuper  de son application? Puisque selon lui «toutes les institutions qui existent aujourd’hui, Contrôle supérieur de l’Etat, la Conac, l’Anif, Conseil de Discipline Budgétaire et Financière. Tout cet arsenal joue à merveille le rôle que l’article 66 aurait pu jouer et le fait d’ailleurs mieux».
Il s’agit là d’une insulte à l’endroit de la souveraineté du peuple Camerounais.

B-  La revendication est un droit absolu du peuple

Dans un contexte de démocratie, même si la voie royale pour les citoyens de se prononcer sur la gestion des affaires publiques reste l’exercice du droit au vote, il n’en demeure pas moins que ceux-ci disposent du droit de formuler les observations et de critiquer le Gouvernement. Un pouvoir démocratique est par essence soumis aux critiques des citoyens. En vertu de quoi Monsieur le Porte Parole du Gouvernement veut enlever aux membres de la société civile ce droit ? Pourquoi parle-t-il d’une sortie de trop de la société civile ?
Monsieur le Ministre va jusqu’à traiter ses compatriotes de manipulés en alléguant qu’il soupçonne ceux-ci «d’être un instrument entre les mains de ceux qui veulent jeter le déshonneur et le discrédit sur cette nation». Tout simplement parce qu’ils ont commis le délit de critiquer.
Nous devons retenir que le Gouvernement doit respecter ses propres lois et rendre compte de ses actions aux citoyens. Ces derniers gardent toujours le droit de dénoncer les abus dudit Gouvernement n’en déplaise à Monsieur le Ministre Porte Parole.
Me Fidèle Djoumbissie
Avocat à Douala





18/07/2012
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