L'après Biya et les bétis par SHANDA TONME


Shanda Tonme n'a pas la langue dans la poche.  Une fois de plus il fait une sortie dans les journaux et parle de la part du Lion que le pouvoir de Paul BIya s'est offert. "Ils gèrent 75% du budget de l'Etat au regard de la répartition des responsabilités entre 2000 et 2012. Et puis, les grands projets dits structurants, c'est encore tous au sud et le Centre.car comment pensez-vous qu'avec près de 50% de la population, les Bamilékés ne soient que 7% de cadres dans tous les corps de sécurité confondus, c'est à dire armée, police, gendarmerie, garde présidentielle?"
 
 
 
1 - Oui, les bétis ont profité du règne de Paul Biya, ce que attestent du reste les chiffres, les privilèges par-ci et par-là. Ce serait tout simplement irréaliste et contraire à la vérité de soutenir autre chose. C'est tellement vrai que le parallèle avec les Bamilékés qui ont été carrément écrasés, humiliés et profondément traumatisés sous le règne de Paul  Biya, en sert de témoignage
 
Allez donc voir le pourcentage de bétis recrutés sur les 25.000, il sont plus de 60%. Ils sont majoritaires dans le commandement, la sécurité, la haute administration. De la création de l'ENAM jusqu'à l'arrivée de Paul Biya au pouvoir, les bétis ont constitué environ 20% des diplômés de l'ENAM. Entre 1982 et 2010, ils sont plus de 60%, pendant que les bamilékés, majoritaires en tout point de vue dans la population, sont passés dans le même temps d'environ 13 à 15% à entre 5 et 7%.
 
 Les deux provinces du centre et du Sud pour une population trois fois inférieure à celle de l'Ouest, du Littoral et du Nord ouest, ont deux fois plus de députés, trois fois plus de ministres. Ils ont confisqué la présidence de la république au plan technique et politique, les missions diplomatiques (Rome; La Haye; Le Vatican; Bruxelles; Brasilia). Ils gèrent 75% du budget de l'Etat au regard de la répartition des responsabilités entre 2000 et 2012. Et puis, les grands projets dits structurants, c'est encore tous au sud et le Centre.
 
Même Atéba Yéné a beau spéculé, il est l'un des premiers bénéficiaires, disposé par ailleurs à défendre le privilège et le pouvoir de la tribu jusqu'au bout comme l'a bien montré ses sorties en pleine contestation de l'élection présidentiel du 9 octobre dernier. Plusieurs sociétés publiques, sont devenues leur village, et on y communique en langue béti.
 
2 - Le ministre Ali que j'ai eu l'occasion de fréquenter et avec qui j'ai souvent discuté, est quoi que l'on en dise, l'un des plus bavards et des plus ouverts dans la nomenklatura politique. C'est étonnant de le dire mais je crois personnellement que contrairement aux autres compatriotes du nord qui savent dire une chose et faire son contraire, Ali fait ce qu'il dit et dit ce qu'il fait. Il na fait que exprimer une pensée profonde, mais à la fois simple et réaliste. Voyez-vous, lors du coup d'Etat de 1984, ce qui avait sonné le ralliement, était moins un amour et une pitié pour le nouveau président, que la colère de voir des gens qui avaient profité du pouvoir pendant deux décennies, essayer de l'accaparer par la force à nouveau.. 
 
Cela, personne ne l'acceptait. Il est donc logique que dans l'esprit de la majorité des autres citoyens de ce pays, il soit proscrit qu'un béti succède à Paul Biya. Même par le jeu normal et régulier de la démocratie. Il faut cependant rester calé dans le principe selon lequel, tous les citoyens sans discrimination aucune ont un égal droit de prétendre au pouvoir. Ce sont les urnes seules dans un contexte de consultation transparente et démocratique, qui serviront d'arbitre.
 
3 - Vraiment, vous parlez de si jamais, mais je vous invite à nouveau à vous en tenir à la démocratie et à des élections libres et transparentes. On avait assez spéculé sur le sort des compatriotes du nord sans Ahidjo. Je constate qu'ils se portent plutôt bien, et tellement bien que Cavaye Yégué Djibril, président de l'assemblée nationale, n'a pas hésité à déclarer lors du premier meeting de campagne de Paul Biya à Maroua, qu'ils, eux de bas en haut, au nord, sont prêts à verser le sang pour lui. Voyez-vous, tout ce monde fait des déclarations de guerre avant la guerre, mais il est clair qu'ils s'agitent tous en pensant aux Bamilékés que tous les plans redoutent, parce que tous sont conscients des torts immenses causés aux Bamilékés
 
Je dois dire au président de l'Assemblée nationale, qu'ils ne sont pas seuls à savoir verser le sang et mieux que le soldat le plus apte n'est jamais le plus excité qui brandit des muscles et profère des menaces. Et puis, le pouvoir aujourd'hui c'est d'avantage une affaire d'intelligence, de stratégie à long terme. Il faut se garder de déclarer la guerre sans auparavant avoir inventorié ses forces, ses atouts
 
Aucun compatriote Béti n'a rien à redouter pace que Paul Biya ne sera plus au pouvoir. Et puis, qui vous dit d'ailleurs, que Paul Biya fait l'affaire de tous les Bétis. Le concept même d'ethnie profitant d'un pouvoir autocratique recèle des subjectivismes dans l'analyse science politicienne et dans la projection de la dialectique des mutations sociales. On en revient à une théorie plus réaliste qui positionne les classes exploiteuses confisquant le pouvoir d'Etat, et excluant ou marginalisant tous les autres, pauvres, non soutenus
 
Les enfants de Mebe Ngo'o, d'Eyebe Ayissi, de Ndong Soumhet et consorts, sont tous passés comme des lettres à la poste à l'IRIC, à l'ENAM ainsi de suite, mais pas ceux des villageois pauvres sans soutien de Nguelmedouga, de Nvagan, d'Okola. Enoh Meyomesse, cela vous dit? Et les grands frères et admirables combattants Mongo Béti, Abel Eyinga, les connaissez-vous sans doute?
 
Il faut se rassurer au moins sur une chose. La démocratie et des élections libres s'imposeront à très brève échéance au Cameroun, et l'on cessera de faire des calculs politiques en termes ethniques. D'ailleurs, je suis bien placé et plus que mandaté, pour vous dire que pour les Bamilékés, l'équation des discriminations ethniques fait plutôt rire aujourd'hui
 
A force de les discriminer, ils se sont forgés une mentalité de gagnants et de conquérants qui en fait des citoyens en permanence lancés vers la création de nouveaux espaces et de nouveaux astuces pour réussir, pour travers ponts, collines et merveilles. Le sort et la destination du pouvoir dans leur esprit ne passe ni par la guerre comme l'envisage Cavaye Yegué, ni par la haine, ni par l'abstention.
 
En ce sens, on ne peut pas conclure sans reconnaître quand même que dans le contexte d'une alternance, il faudra stopper le recrutement des Bétis dans la haute administration et procéder à des ajustements indispensables. Je vous parle avec l'assurance de traduire les profondeurs de plans de gouvernements qui existent déjà dans certains tiroirs. Il faudra alors des mesures transitoires encore dites d'urgence, car comment pensez-vous qu'avec près de 50% de la population, les Bamilékés ne soient que 7% de cadres dans tous les corps de sécurité confondus, c'est à dire armée, police, gendarmerie, garde présidentielle?
 
Dans tous les cas, l'autre réalité c'est que le grand tapage et la précipitation faite autour des projets dans le Sud pratiquement, apporte la preuve que le pouvoir redoute le constat d'un désert de réalisation dans le sud depuis 1982. Peut-être que vu sous l'angle de la généralisation de la misère comme conséquence de la mauvaise gouvernance du régime autocratique, ce sont les élites prédatrices bétis qui auront peur de quelque chose et non le peuple Béti.
 
 
Source:le journal EMERGENCE


11/02/2012
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