Jusqu’où ira la pression de la France

Jusqu’où ira la pression de la France

Cameroun : Jusqu’où ira la pression de la France  La France qui considère que la démocratie est la meilleure garantie de stabilité insiste pour que Paul Biya renforce l’efficacité et la neutralité du système électoral. Avec quels moyens de pression ? On se doute que les enjeux électoraux de cette année 2012, notamment les législatives et municipale couplées annoncées pour juillet, rehausserait l’attention de la communauté internationale sur le climat politique au Cameroun.

Et c’est Bruno Gain, l’ambassadeur de France au Cameroun qui a pour ainsi dire ouvert les bans, lors d’une audience que le chef de l’Etat, Paul Biya, lui a accordé le 30 janvier dernier au palais de l’unité. Au cœur de ce tête à tête d’une heure et quart, la question de la stabilité politique au Cameroun, conditionnée par la tenue consensuelle et sans heurts des prochaines législatives et municipales couplées, annoncées pour juillet 2012. L’ambassadeur de France a ainsi confié à la presse, au sortir de l’audience, qu’il avait partagé avec le chef de l'Etat sa vision des aménagements à apporter à la législation électorale pour éviter les dysfonctionnements observés lors de la présidentielle d’octobre 2011.

Or comme on sait Paul Biya qui par-dessus tout déteste la pression, aime agir à son rythme. En témoigne le processus à pas comptés, qui l’a conduit de l’Observatoire national des élections à l’actuelle Elecam, sans jamais intégrer les exigences de fond liées à l’indépendance de l’organe électoral et des hommes qui l’animent, ou encore à l’équilibre des tendances politiques au sein de cette structure. La démarche de Bruno Gain était surtout un rappel. Car au lendemain du processus électoral d’octobre 2011 particulièrement critiqué par l’opposition, la société civile et la communauté internationale, Nicolas Sarkozy, le président de la république française, avant clairement fait comprendre à son homologue camerounais que ce type de cafouillage électoral ne pouvait plus être accepté, pas même par un pays comme la France qui a toujours apporté son soutien au régime.

Ainsi, écrivait Nicolas Sarkozy à Paul Biya, «Je connais votre intension, annoncée pendant la campagne électorale, de parachever sans plus tarder la mise en place des institutions prévues par la constitution de 1996. Je m’en réjouis car celles-ci seront le gage d’un pays stable, confiant en lui-même et résolument tourné vers l’avenir. Par ailleurs, alors que votre pays connaîtra de nouveau des élections en 2012, je ne doute pas que vous saurez, d’ici là, mettre en œuvre les réformes et les moyens nécessaires au bon fonctionnement d’ELECAM et, par voie de conséquence, au renforcement de la démocratie au Cameroun».

Face à ce flot de critiques, Paul Biya s’était dit ouvert aux suggestions, refusant d’accepter toute forme de dictat sur le sujet : « je tiens à réaffirmer ma volonté de perfectionner sans répit notre système électoral. En deux décennies, beaucoup a été fait pour la tenue d’élections libres, transparentes et régulières ; nul ne peut valablement douter de ce que ceux qui exercent le pouvoir au Cameroun tiennent leur légitimité du peuple souverain. Si les progrès accomplis dans le domaine de la démocratie électorale sont indéniables, il n’en demeure pas moins que certains réglages sont à faire au niveau de notre organe électoral en vue de son meilleur fonctionnement. Aussi restons-nous, aujourd’hui comme hier, à l’écoute des suggestions et des recommandations. La république exemplaire que nous bâtissons est une république ouverte aux critiques constructives, sans revendication du monopole de la vérité ».

Quelles chances les suggestions de Bruno Gain ont-elles de prospérer ? Elles sont assurément faibles. Car le processus en cours consistant à opérer les prochaines échéances avec les mêmes organes, ses mêmes hommes dans le même cadre juridique, au moyens d’une simple mise à jour du fichier électoral contesté, montre que le chef de l’Etat ira jusqu’au bout de sa logique, à savoir n’accepter aucune pression jusqu’à ce que le prochain scrutin lui donne la marge de temps nécessaire pour conduire les reformes qui lui paraîtraient opportunes. Par ses déclarations, l’ambassadeur de France, apporte  néanmoins un peu plus de force à l’argumentaire de l’opposition et de la société civile, qui continue de plaider pour la mise en place d’un code électoral unique, et quelques-uns espèrent que la pression insistante de la France aide à faire plier le régime, qui ne lâchera probablement rien de lui-même sur ce système électoral qui sert ses intérêts. Car après les municipales et législatives, pourraient intervenir les sénatoriales, ou même l’élection des conseils régionaux, dans le cadre de la décentralisation.

Il semble pourtant que le France ne dispose plus de grands moyens de pression sur le régime ami de Yaoundé. Paul Biya qui a fortement diversifié ses horizons de coopération économiques à la faveur de la montée en puissance des pays émergents  a donc de nouveaux amis qui peuvent lui venir en renfort, si jamais les Français accentuaient la pression par d’autres moyens que la diplomatie. Même si la France reste le principal pourvoyeur de l’aide au développement au Cameroun, elle n’a plus le monopole de la coopération, le jeu diplomatique s’étant complexifié ces dernières années avec l’arrivée de nouveaux acteurs.

Même si la France de Nicolas Sarkozy, qui a pris l’option résolue  de distiller l’évangile de la démocratie à travers l’Afrique ne dispose pas de grands moyens de pression, cet exercice consistant à pousser le président Biya à l’ouverture du jeu, peu lui profiter. Notamment en ce qui concerne son image au Cameroun, où un certain sentiment anti français, se nourrit aussi des combines entre les dirigeants français et le pouvoir de Yaoundé.

© La Nouvelle Expression : François Bambou


01/02/2012
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 299 autres membres