Journée internationale des personnes handicapées :Tchakounté Kemayou " N'attendons rien des pouvoirs publics pour prouver qu’on existe"

Kemajou:Camer.beCharlot Yves TCHAKOUNTE KEMAYOU vit à Douala, capitale de la région du littoral au Cameroun. Il est actuellement étudiant en 5ème année sociologie à l'université de la même ville. Dans cette première partie de l’interview qu’il accorde à votre média en ligne, il parle sans réserve des droits et  des devoirs patriote de s'intéresser à la vie des personnes handicapées. Il s’inquiète du fait que les structures locales en charge des personnes handicapées ne fonctionnent pas normalement. Lisez plutôt.

Bonjour Mr. Tchakounté Kemayou, Merci de nous accueillir chez vous à New Bell-Douala, d'entrée de jeu pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Merci de l’importance que vous accordez à ma modeste personne. Je m’appelle bel et bien Tchakounté Kemayou, je suis âgé de 33 ans. Je suis étudiant à l’université de Douala depuis 1998 où j’étudie la sociologie. Actuellement, je prépare un DEA depuis trois ans que j’ai de la peine à achever pour des raisons liées aux conditions économiques des étudiant(e)s handicapé(e)s au Cameroun. Mon mémoire traite de la problématique des enfants mineurs en situation de travail en milieu urbain au Cameroun. C’est un thème que j’affectionne beaucoup.

Quelles sont les sources de financement pour les études universitaires d'une personne handicapée au Cameroun?

Tou(s)/tes les étudiant(e)s handicapé(e)s bénéficient d’une bourse annuelle de 50 000 FCFA octroyée par l’Etat. Elle sert à payer la pension universitaire. Ce sont les textes qui le disent. Maintenant, l’application de ces textes n’est pas toujours claire. Il faut signaler que ces bourses ne sont toujours jamais disponible au moment où les délais de paiement des frais universitaires sont passés. Le mode d’accès aux bourses devrait être facilité par l’identification des étudiant(e)s handicapé(e)s au moment de l’inscription. Là on pourrait avoir un fichier complet des étudiant(e)s handicapé(e)s chaque année académique. Au lieu de cela, les bourses arrivent soient au milieu soit à la fin de l’année, au moment où personne ne l’espère plus; Ceux des étudiant(e)s qui sont au courant font des pieds et des mains pour se faire identifier. Pour mon cas personnel, en quatre ans (de la 1ère année en 4ème année) je n’ai eu qu’une seule bourse. Depuis que je suis en DEA je ne bénéficie de rien. Je ne peux pas expliquer cela parce que je ne veux rien savoir au risque de perdre le temps à se renseigner au lieu d’étudier. Cependant, les étudiant(e)s handicapé(e)s, se débrouillent comme tout le reste pour financer leurs études. En dehors des bourses, il n’y a pas de fonds spécial pour aider les étudiant(e)s handicapé(e)s à financer leurs études.

Que pouvez-vous proposer à l'État pour se rattraper en ce qui concerne les personnes handicapées s'il a des soucis dans ce sens?

Ce qu’il a lieu de faire actuellement, c’est un recensement total de toutes les personnes handicapées vivant au Cameroun en identifiant les besoin de chacun grâce aux « enquêtes sociales ». Par exemple, pour ce qui concerne les étudiant(e)s handicapé(e)s, il y a des besoins prioritaires pour chacun comme la santé de leurs membres.

Avez-vous une idée de l'encadrement des personnes handicapées dans d'autres États Africains? Si oui, lesquels?

Non. Je n’en pas trop. Mais entendu quelque, il faut naturellement que je vérifie cette information, que les personnes handicapées et plus particulièrement les étudiant(e)s sont mieux traités que chez nous au Cameroun.

C'est à 33 ans que vous avez reçu un tricycle pour vous déplacer, comment êtes-vous arrivés à vous en procurer?

Hé bien, pour ce qui concerne le tricycle, c’est une longue histoire. C’est en 1989 que j’ai eu mon premier tricycle reçu grâce au service social d’Akwa. J’ai utilisé cet engin jusqu’en 2007. Acculé par sa vétusté, j’ai estimé que mes demandes introduites encore au service social d’Akwa ne vont pas aboutir et qu’il fallait contacter d’autres sources. J’ai alors eu l’instinct de contacter certaines personnalités originaire du Ndé, mon département d’origine, comme l’honorable Jean KETCHA et Célestin KETCHANGA à qui j’ai remis personnellement, sans intermédiaires, une lettre de demande d’un tricycle. En échange chacun m’a communiqué son numéro de téléphone personnel. Pendant deux ans, de 2007 à 2009, mes supplices ont été infructueux. Las de perdre les crédits téléphoniques, je me suis résolu à mettre ce projet dans le placard.

En décembre 2008, le Dr SHANDA TONME que je lisais régulièrement dans le messager, est l’invité de l’émission à succès « L’ARENE » de Canal 2 International. Je découvre une autre personnalité en cet homme que je décide de le rencontrer. J’appelle l’émission à la fin et l’invité me reçoit au téléphone sans protocole. Il me donne ses contacts, je lui envoie un mail en janvier 2009 et voilà une autre aventure qui commence. Je vous fais grâce de toutes les acrobaties qu’il a faites pour avoir à m’offrir ce fameux neuf que j’ai finie par avoir quatre mois après. Entre Dr SHANDA et moi, c’est comme un enfant perdu qui a retrouvé son père.

Pensez-vous que les problèmes des personnes handicapées sont relayés dans les média camerounais/ Africains?

Non. Je ne pense pas. Il n’y a qu’à observer les bribes d’informations chaque 3 décembre, date de journée internationale des personnes handicapées. Le 1er décembre consacré au Sida fait plus de tapage dans tous les médias audiovisuels et écrits. C’est dommage.

Y-a-t-il des structures qui encadrent les handicapé(e)s à Douala par exemple?

Bien sûr que notre fameux Etat a prévu un département ministériel appelé « Ministère des affaires sociales » qui malheureusement joue le rôle de figurant dans les objectifs à lui assigné. Ainsi chaque région, département et arrondissement sont dotés soit des délégations pour les uns et centres social pour les autres. Maintenant les structures appartenant soit aux personnes morales (ONG et associations) et personnes physiques qui, de par leur humanisme, mettent sur pieds des structures qui malheureusement pour nous, ne sont pas gratuites. C’est ainsi que nous avons une école spécialisée pour les sourds muets à New-Bell (Douala) et une autre spécialisée pour les aveugles à Buea, sans oublier le centre spécialisé pour les handicapé moteur à Etouk-Ebé à Yaoundé. Il y en a encore beaucoup que j’ignore certainement.

Vous dites: "des structures qui malheureusement pour nous, ne sont pas gratuites." Quels sont les services qu'ils offrent contre Argent?

Ces structures dont je parlais tantôt ne sont pas gratuites pour la simple raison qu’elles sont détenues par les individus qui ont investi dans ces infrastructures. L’école des sourds-muets par exemple est payante ! C’est une école spécialisée dans la formation et l’éducation des enfants sourds-muets ; sans oublier celle des aveugles à Buea.Il y a la bas des matériels didactiques qui sont introuvables dans les écoles ordinaires.Ces investissements ont donc un coût et ce ne sont pas les subventions de l’Etat qui viendront changer quelque chose puisque ce même Etat n’y accorde pas d’intérêt du tout.

Un appel?

Un appel à la mobilisation de chacun et ne pas attendre les pouvoirs publics pour prouver au monde qu’on existe. Il ne faut surtout pas croire que je demande aux personnes handicapées d’évoluer en solitaire. Non. Ma démarche consiste plutôt à être solidaire en nous, à nous échanger des idées et le combat pour la justice sociale aura son pesant d’or.

© Camer.be : propos recueillis par Lydie Seuleu


03/12/2012
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