Jean-Pierre Bekolo (cineaste): "Que Paul Biya anticipe son départ"

YAOUNDE - 16 FEV. 2011
© Jean-Pierre Bekolo | Le Jour

Reflexion sur une alternative pacifique au Camerou

Après l'exemple de la Tunisie et de l'Egypte, un pays comme le Cameroun où les populations ont beaucoup soutenu Gbagbo - je pense qu'ils ont été CONTRE l'ingérence étrangère, contre la France, contre les USA, contre l'ONU, contre la communauté internationale, la CEDEAO, plus qu'ils ont été POUR Gbagbo - est obligé de surprendre et de déjouer tous les pronostics s'il veut rester cohérent avec sa fierté et rester un pays exceptionnel aux yeux des analystes de l'actualité internationale.

A mon avis, le changement est inéluctable dans un pays comme le Cameroun, tous les paramètres d'analyse laissent croire que le système en place doit changer et l’étincelle nord africaine ne peut être que salutaire. La question n'est pas de savoir si le changement aura lieu, c'est plutôt d'organiser comment il se fera. Le scénario de la rue qui démontre son efficacité va inspirer plus d'un, mais son issue qui est la fuite du président du Cameroun comme ce fut le cas de Ben Ali en Tunisie et de Moubarak en Egypte correspondra-t-elle aux camerounais qui comme avec Gbagbo ne veulent pas entendre parler de la communauté internationale dans leurs affaires? En effet les pourfendeurs du régime de Biya auront recours à ces même institutions internationales vilipendées par les camerounais dans le cas de la Côte d'Ivoire et les soutiens au régime eux vont jouer la carte de l'ingérence étrangère. La communauté internationale échaudée par les agressions des pro-Gbagbo ne va pas se mouiller pour faire partir Biya. Les camerounais vont donc se retrouver seuls dans un face à face avec ce régime qu'il faudra faire partir sans que l'extérieur aie son mot à dire. Il devra être très fort ce peuple pour gagner sans la communauté internationale, ce qui n'est pas à exclure. Et il y a aussi cette fameuse « exception africaine » qui a cautionné les régimes Tunisiens, Égyptiens et autres... qui va aussi jouer à l'avantage du régime de Paul Biya; car la situation en Côte d'Ivoire créé cette exception de faite. "L'Afrique noire n'est pas l'Afrique Arabe" va-t-on entendre dire. Et le régime de Paul Biya aura toute les raisons de se maintenir par tous les moyens. Aura-t-il tord de ne pas en profiter? Et une fois de plus ce soutien excessif des camerounais à Gbagbo leur jouera un autre tour. En effet la perception extérieure sur la Côte d'Ivoire qui est certes une distorsion parfois raciste serait que la démocratie africaine n'obéirait pas aux mêmes règles que "nous", parce que sous entendu « l'africain n'est pas mûr pour la démocratie » dixit, "Regardez la Côte d'Ivoire, ils n'arrivent pas à s'entendre!" Nous allons donc au Cameroun devoir trancher entre l'ordre et la démocratie. Celui qui veut perdre n'a qu'à parier sur la démocratie. Et l'ordre, c'est Paul Biya qui l'a; en plus de l'ordre, il a la paix à son avantage.

Alors comment les camerounais peuvent-ils opérer le changement historique inéluctable qu'ils méritent tout en restant cohérent avec leur démarche? Je pense que c'est en prenant les devants avec cette fameuse élection de cette année qui n'a pas vraiment d'opposant contre le président sortant. A mon avis, Biya est face à Biya. Et c'est la pire des choses qui pouvait arriver à ce régime car il suffit donner le profil de ce président candidat à sa propre succession pour que plus d'un s'en émeuvent; son âge 77 ans et sa durée au pouvoir 28 ans suffisent pour que les observateurs ne comprennent pas qu'il demande un autre mandat de 7 ans. Si au moins il était un dictateur reconnu comme Mugabe, ce serait encore compréhensible, mais avec son image polissée et propre, il est son pire ennemi à cette élection. Sachant que Paul Biya doit se battre lui-même à cette élection de 2011, il est obligé de faire campagne lui-même pour son départ du pouvoir. C'est à dire résoudre entre autre le fait que malgré ses qualités, il est fédérateur, il reste un homme du passé. Sa manière de parler d'avenir semble en déphasage dans ce pays où plus de la moitié de la population aurait moins de 18 ans et qu'ils sont sur Internet, les téléphones portables, Trace TV etc.

Comment le Biya dédoublé pourrait-il alors organiser à la fois sa campagne, sa réélection et son départ? En d'autres termes, faire perdre le Biya 1 et faire gagner le Biya 2? Son système est-il seulement capable d'une telle approche ou bien serait-il lui même prisonnier de son temps? Une approche intelligente qui ferait que seuls les camerounais et le Cameroun soient gagnants! Vous avez compris c'est dans les médias que se joue l'avenir du Cameroun, pas les médias pensés et gérés à la manière de son ministre de la communication qui ignore à dessein que la télévision publique n'est pas un outils de propagande de l'Etat (qui lui-même est censé être mandaté par le peuple) , mais plutôt cet espace où par excellence se construit et se partage la conscience nationale collective sur la base de la diversité d'un pays comme le Cameroun. Et lorsque cet espace est confisqué pour devenir un lieu de manipulation, il ne reste que la rue comme espace d'expression du peuple, les exemples de la Tunisie et de l'Egypte sont là pour nous rafraîchir la mémoire.

Je propose donc que le Biya 2 anticipe et organise son « départ » en organisant une transmission aux jeunes qu'il laissera derrière lui. Il ne s'agit pas tant de faire un bilan du Biya 1 qu'il a fait lui-même à plusieurs reprises, mais plutôt faire une "répétition du futur" et de poser un geste à la postérité. Je propose que ce pacte avec la jeunesse de son pays soit un « happening » télévisuel futuriste diffusé dans le monde entier afin que le Cameroun puisse non seulement surprendre le monde entier et devenir le pays qui a fait mieux que la Tunisie et l'Egypte et la Cote d'Ivoire! Et les camerounais le méritent!


09/03/2011
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