Jean-Paul Akono: "Le coach doit réajuster son équipe"

YAOUNDE - 16 JUIN 2010
© Louis MATEA | Cameroon Tribune
"On ne va pas essayer les joueurs en Coupe du monde. L’équipe qui joue en Coupe du monde n’est pas une équipe d’avenir comme je l’entends ici et là. La Coupe du monde est une affaire de maintenant."

En direct de l’Afrique du Sud: Les Lions sont dans le flou…



L’équipe du Cameroun s’est remise à la besogne à Durban. Mais les choix de Paul Le Guen alimentent le débat.

Les Lions ont –ils digéré l’énorme coup de massue de lundi dernier ? On ose penser que oui. Dans le cas contraire, les Camerounais peuvent sérieusement envisager de reprendre l’avion au soir du 24 juin prochain, date de leur dernier match du premier tour face aux Pays-Bas. Il faut dire que si l’encadrement technique et les joueurs camerounais prennent avec beaucoup de philosophie la défaite de lundi face au Japon (0-1), les observateurs sont moins optimistes. En effet, au regard de la prestation d’ensemble de l’équipe camerounaise, il y a de bonnes raisons de s’interroger sur leur capacité à rebondir. En tout cas au-delà des propos convenus tenus devant les caméras, les mines déconfites des Lions Indomptables dans leur antre de Oyster Box qu’ils ont regagné aussitôt le match face au Japon terminé, en disent long sur le péril qui les guette. Tout faux-pas leur est désormais interdit dans le tournoi. Mais comment en est-on arrivé là ?

Pour bien d’observateurs, les premiers regards se dirigent vers le banc de touche camerounais pour tenter de trouver une explication. Et Paul Le Guen est sur la sellette, lui qui a tenté le coup de poker d’aligner une équipe expérimentale en phase finale de coupe du monde. Car, si dans l’absolu l’équipe alignée par le technicien français ne manque pas de talents, bien de ses éléments manquent plutôt d’expérience. En effet, six joueurs, (Nkoulou, Bassong, Assou-Ekotto, Enoh, Matip, Choupo-Moting) comptaient moins de quinze matches sous le maillot national pour le plus capé, Nkoulou. Davantage pour Choupo-Moting et Matip, Cameroun-Japon était tout simplement leur premier match de compétition sous les couleurs du Cameroun. Difficile d’attendre monts et merveilles d’un tel attelage. Toujours est-il que les jeunes ne sont pas à blâmer. Ils ont donné dans l’ensemble le meilleur d’eux-mêmes. Mais cela était bien insuffisant pour mettre les Lions Indomptables sur les bons rails. Toutefois, ils ont reçu un hommage appuyé du capitaine Samuel Eto’o Fils à la fin du match.

Et parlant, de Samuel Eto’o Fils, son rendement n’a pas été à la hauteur des attentes. En 90 minutes de jeu, il ne s’est presque jamais montré dangereux pour les défenseurs japonais. Une fois de plus, c’est son positionnement sur le terrain qui est à blâmer. Et d’une façon générale, c’est l’organisation du jeu camerounais qui pose problème. Même si Paul Le Guen a déclaré assumer ses choix, on a du mal à comprendre comment, il peut confiner son principal atout offensif à un rôle aussi flou sur le terrain. On ne s’explique pas non plus les remplacements tardifs contre le Japon, des joueurs comme Choupo-Moting et Matip qui malgré toute leur bonne volonté, avaient déjà montré leurs limites sur le terrain. Attentistes derrière, en panne de créativité et d’agressivité au milieu de terrain, brouillons en attaque, les Lions Indomptables sont apparus impuissants face au Japon. C’est la même impression d’impuissance qui transpirait sur le banc de touche camerounais où Paul Le Guen n’avait pas les clés pour remettre son équipe à flot.

Faut-il alors une fois de plus tout chambouler. Des changements s’imposent en tout cas, notamment au milieu de terrain qui doit gagner au niveau de son impact physique. Ceci prolongerait tout simplement le sentiment général qui se dégage sur le travail du technicien français qui ne sait pas visiblement à quel Saint se vouer. Depuis le début de la dernière Coupe d’Afrique des nations, il a changé à chaque fois son onze entrant. Tous les joueurs utilisés jusque-là sont-ils des nuls ? A méditer. En attendant la sentence, Le Guen devra trouver les mots justes pour remobiliser ses troupes et surtout il ne devra pas se tromper à nouveau dans son casting face au Danemark. Un nouveau flop donnerait raison à ses pourfendeurs de plus en plus nombreux.

Simon Pierre ETOUNDI



Jean-Paul Akono: "Le coach doit réajuster son équipe"


Propos recueillis par Louis MATEA


Jean-Paul Akono, ancien entraîneur des Lions Indomptables, revient sur la première sortie manquée du Cameroun face au Japon.

Comment vous sont apparus les Lions face au Japon ?

Les Lions me sont apparus sous leur plus mauvais jour. Je pense que l’équipe alignée par Paul Le Guen n’inspirait pas confiance d’entrée. J’ai eu à le dire plusieurs fois. On ne va pas essayer les joueurs en Coupe du monde. L’équipe qui joue en Coupe du monde n’est pas une équipe d’avenir comme je l’entends ici et là. La Coupe du monde est une affaire de maintenant. Cela revient à dire qu’on a préparé une équipe à l’avance. Une sélection dont on maîtrise l’effectif, le potentiel et l’expérience. L’équipe qui a évolué face au Japon n’inspirait pas confiance. Cela s’est vérifié. Vous ne pouvez pas aligner des jeunes comme Jöel Matip ou encore Choupo-Moting d’entrée dans un match de Coupe du monde alors qu’ils n’ont pas encore fait de preuves dans leurs clubs, encore moins au sein d’une de nos équipes nationales. Ensuite, il y a le dispositif tactique mis en place. Sans critiquer le système de jeu de Paul Le Guen qui adore le 4-3-3.

Mais maintenant, il faut avoir des joueurs pouvant animer ce système de jeu. Vous ne pouvez pas vouloir jouer avec des joueurs de côté alors que vous ne disposez pas de vrais ailiers. Samuel Eto’o Fils, je le dis et répète encore, n’est pas fait pour évoluer sur les côtés, encore moins Choupo-Moting. Au niveau du milieu de terrain, Jean II Makoun aurait dû jouer beaucoup plus derrière que Achille Webo qui était l’attaquant de pointe. Au niveau défensif, Mbia, même si c’est un joueur polyvalent, ne pouvait jouer latéral droit que s’il nous manquait des joueurs de métier à ce poste. C’est un joueur qui peut nous apporter plus au niveau du milieu de terrain. Face au Japon, désobéissant d’ailleurs aux consignes de l’entraîneur, il a failli marquer après l’entrée en jeu de Njitap qui selon le schéma tactique de Le Guen était appelé à jouer au milieu de terrain. Je ris quand on dit que nous avons bien joué en deuxième mi-temps. Ce n’est pas comme ça que les Lions ont l’habitude de jouer. Au lieu de chercher à balancer de longs ballons, il fallait plutôt chercher à développer le jeu sur les côtés.


Est-ce que vous vous attendiez à la non-titularisation d’Alexandre Song ?

C’est autant d’incongruités. J’ai l’impression que l’encadrement technique se mêle déjà des petits problèmes entre joueurs. Car, quand on me dit que Alexandre Song n’est pas au mieux de sa forme, et qu’on dise qu’il n’a pas eu une bonne fin de saison à Arsenal, je me demande si nous voyions tous le même championnat. Si Arsenal a eu à livrer 40 matchs, je crois que Song en a joué au minimum 35. On ne peut pas me dire qu’il n’était pas en forme. S’il faut prendre l’entraîneur à partir de ce critère, beaucoup de joueurs sélectionnés ne sont pas titulaires dans leurs clubs. Je ne peux pas comprendre que des joueurs comme Emana ou Alexandre Song aient été mis de côté. Emana chaque fois qu’il est réserviste ne rentre pas facilement dans le match. Il existe des joueurs comme ça. Sa percussion offensive dès le début du match aurait mis à mal la défense nippone. Les joueurs comme Rigobert Song et Njitap nous auraient beaucoup apporté par leur expérience. Une équipe comme celle du Paraguay est composée de défenseurs qui n’ont pas moins de 30 ans chacun. Comme Roger Milla et moi l’avons souvent dit, le problème de cette équipe c’est notre entraîneur. Je me pose souvent la question de savoir s’il maîtrise les potentialités de son effectif. Vous ne pouvez pas comprendre que vous avez un effectif de 23 joueurs à la CAN en Angola et vous en extirpez 12 à 13 joueurs à quelques semaines du Mondial. C’est pour s’attendre à quoi à la Coupe du Monde ?


Comment voyez-vous la suite de la compétition pour le Cameroun ?

Tout dépendra de la vision du sélectionneur. Il faut qu’il réajuste son équipe en revoyant son système de jeu. S’il fait évoluer l’équipe en 4-4-2 ou en 4-5-1, les Lions pourront mieux jouer car il dispose de joueurs capables d’animer ces deux systèmes au lieu de se focaliser sur le 4-3-3. Il devra également faire cette alchimie de jeunes et d’anciens joueurs. Il faudra également que les joueurs jouent au poste où ils peuvent donner le maximum de rendement. Mais, si on nous sort encore une équipe bizarre samedi prochain, je ne serai pas surpris que nous fassions nos valises. Tout dépend de l’entraîneur, qu’est-ce qu’il va nous sortir samedi ? Là est toute la question. Car, lors du premier match, il a contribué lui-même à ne pas mettre certains de ses joueurs en confiance. Je prends le cas du jeune Matip. Pendant les matchs de préparation, il n’a pas eu beaucoup de temps de jeu. Ce garçon ne s’attendait pas à être titulaire. C’est pourquoi il était perdu face au Japon. Tous les spécialistes vous diront qu’on n’amène pas les enfants en Coupe du monde. On dirait qu’il y a une volonté de penser à autre chose que de répondre aux attentes des Camerounais pour cette Coupe du monde surtout après les moyens que les pouvoirs publics ont déployés pour les Lions.



17/06/2010
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