Jean-Michel Nintcheu: les présidents africains doivent apprendre la culture de l’alternance

Jean-Michel Nintcheu: les présidents africains doivent apprendre la culture de l’alternance
(Mutations 23/12/2010)


Contre la position officielle de son parti, le député du Social Democratic Front (Sdf) appelle Laurent Gbagbo à quitter le pouvoir.

Notre confrère La nouvelle expression annonçait hier (lundi) que vous seriez menacé d’exclusion du Sdf à cause de votre prise de position contre Laurent Gbagbo…
C’est dans l’imaginaire des journalistes que je suis menacé d’exclusion. Ce sont de simples supputations sans fondements factuels. Le Sdf est un grand part au sein duquel la notion de débat n’est pas un vain mot. Les cadres du Sdf peuvent adopter des positions contradictoires sans préjudice pour quiconque. Le débat est d’ailleurs le socle de notre formation politique. Il serait d’ailleurs bon que l’on cesse de caricaturer le Sdf comme un parti au sein duquel règne la pensée unique. Cette idée reçue n’a rien à voir avec la réalité.

D’aucuns croient savoir que, au-delà de l’appartenance commune du Sdf et du Fpi à l’Internationale socialiste (Is), le soutien officiel de votre parti à Laurent Gbagbo serait surtout motivé par des sommes importantes que le président ivoirien vous aurait versé pour préparer l’élection de 2004. Combien avez-vous reçu ?
A ma connaissance, le Sdf n’a jamais rien reçu de Laurent Gbagbo. Et même, je crois qu’en tant qu’amis, nous nous devrions de dire la vérité au «grand frère» Gbagbo. Je lui suis d’ailleurs très sympathique.

Plus concrètement, pourquoi pensez-vous qu’Alassane Ouattara a gagné les élections en Côte d’Ivoire ?
Je remarque tout d’abord que la communauté internationale, dans son ensemble –j’y inclus la Cedéao, l’Union Africaine, le Nigéria et l’Afrique du Sud, que personne ne peut soupçonner d’être des marionnettes de la France-, soutiennent la victoire d’Alassane Ouattara. Même si l’on peut soupçonner des relents de néocolonialisme chez certains, il me semble invraisemblable que tous ces Etats se trompent en même temps ou fomentent un complot contre M. Gbagbo. Le discours des pro Gbagbo est d’ailleurs fortement empreint de populisme anti-occidental. Un discours totalement «décontextualisé». Nous ne sommes plus en 1960.
La rhétorique anti-occidentale devrait cesser d’être un passeport pour le pouvoir. Mais c’est encore malheureusement un discours qui séduit les masses. C’est pourquoi je pense que la rue camerounaise, qui semble soutenir majoritairement M. Gbagbo, n’est pas fondamentalement pro Gbagbo, mais plutôt anti-française. Et L. Gbagbo surfe en ce moment sur ce sentiment anti-français et anti-occidental. D’autre part, je me rappelle que la constitution de la Cei s’est faite avec l’aval de M. Gbagbo. Pourquoi refuser aujourd’hui les résultats qu’elle proclame? Beaucoup de questions peuvent se poser. De toutes les façons, je pense que les présidents africains, Paul Biya en tête, gagneraient à apprendre la culture de l’alternance.

Dans un mémorandum remis au Sg de l’Onu, en visite au Cameroun en début 2010, le groupe Sdf à l’Assemblé nationale demandait que l’Onu fasse une «ingérence démocratique» au Cameroun pendant les élections de 2011. Qu’attendez-vous exactement de Ban Ki-moon ?
Nous souhaiterions que l’Onu s’implique davantage dans le processus d’organisation de ces élections. Qu’elle l’organise même si possible. De cette façon, nous sommes certains de ce que les résultats qui sortiront des urnes traduiront la réelle volonté du peuple camerounais. Pourquoi ne pas également certifier les résultats de cette élection, comme en Côte d’Ivoire. Malheureusement, l’Onu ne fait cela que dans des pays en conflit. Mais elle devrait déjà avoir appris qu’il vaut mieux prévenir les conflits que les résoudre.

Propos recueillis par Brice T. Sigankwé


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23/12/2010
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