Jean Michel NINTCHEU "La Tunisie parle au Cameroun"

Jean Michel NINTCHEU "La Tunisie parle au Cameroun"

Jean Michel Nintcheu:Camer.beLa Tunisie vient de parler au Cameroun. La capitulation pathétique de Ben Ali résulte de ce qu’il a été fortement fragilisé durant son long règne par son esprit pouvoiriste et la duplicité de son entourage qui n’a cessé de l’encenser en dépit de multiples signaux d’alarme de l’opposition et de la société civile tunisienne dont il n’a jamais cru devoir en tenir compte. Le sursaut républicain qui a pénétré – malheureusement sur le tard- l’ancien homme fort de Tunisie est toutefois à saluer en ce sens qu’en démissionnant, il a évité à son pays un chaos généralisé de longue durée. Par cet acte, il a au moins eu le mérite en fin de règne de mettre en avant les intérêts de la Nation tunisienne au détriment de ses intérêts personnels.

Contrairement à M. Paul Biya qui continue de narguer les camerounais depuis le massacre des centaines de compatriotes lors des évènements de février 2008 au cours desquels en lieu et place d’un discours d’apaisement suivi d’une démission, il avait tenu un discours martial tout en déployant des forces de troisième catégorie dans nos rues.

La chute de M. Ben Ali devrait servir de leçon à son homologue siamois camerounais qui veut s’éterniser au pouvoir. Tout comme M. Biya en mars 2008, M. Ben Ali, après avoir obtenu officiellement près de 86% de voix lors des présidentielles de 2009, a récemment modifié la Constitution tunisienne afin de se représenter aux prochaines élections présidentielles. Ce qui lui arrive aujourd’hui est la preuve de ce qu’une Constitution révisée ne protège pas indéfiniment un dictateur.  M. Biya doit comprendre une fois pour toute qu’aucun régime autocratique ne peut à terme avoir raison d’un peuple déterminé.

Les camerounais doivent aussi savoir que pour faire tomber les derniers vestiges de la dictature régnante qui sévit à la tête du pays, ils doivent organiser un front de mobilisation populaire et créer un rapport de force conséquent sur le terrain qui contraindra la clique gouvernante à renoncer. Ils doivent aussi avoir constamment à l’esprit qu’aucune négociation, aucun dialogue ne peut avoir raison des potentats qui présentent – tous et sans exception- la particularité, dans une telle option, d’exceller dans la fourberie et la ruse. Les Tunisiens se sont mobilisés depuis près d’un mois pour obtenir sans concession plus de liberté et de justice dans leur pays.

Cette fin de règne de M. Ben Ali obtenue par la rue inspirera à coup sûr les peuples opprimés d’Afrique et particulièrement celui du Cameroun surtout en cette année d’élection présidentielle. Si rien n’est fait, l’effet domino de l’exemple tunisien atteindra inéluctablement le Cameroun.

M. Biya a donc intérêt à examiner minutieusement les causes de la chute de M. Ben Ali et surtout à tirer les conséquences qui s’imposent.

La dictature de l’ancien homme fort de Tunisie était au moins éclairée dans certains domaines. Sans toutefois le dédouaner, il pouvait au moins opposer aux multiples atteintes intolérables aux droits de l’Homme et à l’absence de démocratie un bilan économique appréciable : l’espérance de vie est de 74 ans, le niveau de vie des populations est relativement élevé, l’économie est en pleine expansion. Bref la Tunisie est un pays émergent depuis près de deux décennies.

La dictature de M. Biya quant à elle est obscurantiste sur tous les plans : corruption institutionnalisée, détournements massifs des deniers publics, enrichissement illicite de M. Biya et de ses proches, gaspillage des ressources de l’Etat, interdiction de tenue de meetings, répressions permanentes des manifestations publiques, étouffement des libertés individuelles, SMIG à 28.500 FCFA/mois, taux de pauvreté de 40% (ce qui signifie que 8 millions de compatriotes vivent avec moins de 500 FCFA par jour), taux de chômage record dans la sous-région malgré nos innombrables potentialités, taux de sous-emploi de l’ordre de 75%, incompatibilité criarde entre le salaire et l’emploi, vie chère, absence d’avenir et de rêve de la jeunesse.

Tout est donc réuni pour que le Cameroun sombre dans une déflagration de forte amplitude. Si rien n’est fait le plus tôt possible cette année, notre pays plongera dans une crise politique intense qui débouchera sur des tensions sociales indescriptibles. La baisse des coûts de l’établissement de la carte nationale d’identité, les retouches cosmétiques et les polissages caricaturaux que l’on effectuera peut-être sur Elecam ne dissiperont pas la désaffection totale du peuple camerounais vis-à-vis de cet organe outrancièrement partisan. A défaut de mettre sur pied une Elecam crédible et acceptée par tous les protagonistes politiques, M. Biya doit tout simplement éviter de se représenter à la prochaine élection présidentielle. Pour que le Cameroun ne connaisse pas le même sort que la Tunisie.

© Correspondance : Honorable Jean Michel NINTCHEU, Député à l’Assemblée nationale


16/01/2011
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 299 autres membres