Iya Mohammed à l’épreuve du Tcs


Cameroun,Cameroon : Iya Mohammed à l’épreuve du TcsLes accusations, les montants prétendument détournés, la défense de l’ancien Dg de la Sodécoton, les autres parties en présence. Tout sur l’affaire qui s’ouvre mardi, 26 août.

Iya Mohammed, ancien directeur général de la Société de développement du Coton (Sodécoton) sera devant la barre ce mardi, 26 août pour répondre des accusations de détournement de  deniers publics qui pèsent sur lui depuis deux ans. A la suite d’une mission de vérification du Contrôle supérieur de l’Etat (Consupe), un rapport de la Commission nationale anti-corruption (Conac) et une enquête préliminaire menée par la police judiciaire, l’Etat du Cameroun s’est constituée partie  civile devant le Tribunal criminel spécial (Tcs).

L’Etat, actionnaire majoritaire de la Sodécoton (la société est constituée par trois actionnaires : L’Etat, 59 % ; Géocoton, 30 % ; la Société mobilière du Cameroun, 11%), défendu par le bâtonnier de l’Ordre des avocats Me Francis Sama réclame 11 milliards FCfa à Iya Mohammed comme préjudice subi par la Sodécoton, pendant les exercices 2005, 2006, 2007, 2008, 2009 et 2010 à travers « diverses malversations orchestrées » par le Dg d’alors.

Ainsi, en juin 2013, une information judiciaire est ouverte au Tcs contre l’ex-Dg de la Sodécoton et une dizaine de ses collaborateurs. Cinq griefs sont retenus. Ceux-ci portent sur la perception indue d’avantages salariaux, des déperditions de stocks d’huiles, de tourtereaux et de ristournes, des dépenses illégales au profit de Coton sport de Garoua, de paiement d’une prestation incompatible, et de prélèvement d’une indemnité sans base légale. Au terme de son enquête, le juge d’instruction retient des charges suffisantes contre Iya Mohamed pour chacune de ces cinq accusations.

Avantages salariaux de 51.694. 307 FCfa

Iya Mohammed a soutenu devant le juge d’instruction, Evouh Ekanga que ces éléments de salaire perçus par lui sont issus d’une décision du Conseil d’administration du 19 avril 2002 qui n’a pas fixé de montant précis de son salaire de base. Le juge d’instruction pense pour sa part qu’ « il n’y a que des textes de loi à appliquer » à ce sujet « et non de bonne foi à observer ». Le magistrat soutient également que les indemnités d’eau, d’électricité et de logement ont été perçus doublement, c’est-à-dire, en nature et en espèces « puisque le Dg habitait le camp de la Sodécoton et avait naturellement de l’eau, de l’électricité et autres ».

Concernant les frais médicaux, Evouh Ekanga estime qu’en ne produisant pas de carnets médicaux, Iya Mohammed ne les a pas justifiés et « leur caractère quasi permanent tout au long d’une année donnée (de mai à décembre 2005 et de janvier à septembre 2006) amène à conclure à l’illégalité de leur perception ». Soit en tout 24,4 millions FCfa d’indemnités de représentation et de sujétion irrégulièrement perçues et 27, 3 millions FCfa perçus sans base juridique.

Déperditions inexpliquées des huiles et tourtereaux de 6 milliards FCfa

Iya Mohammed a soutenu que si ces faits étaient avérés, la Sodécoton serait en « faillite » étant donné que le capital social de l’entreprise est de 4,5 milliards FCfa. Un argument qui n’a pas prospéré devant le juge d’instruction. « Le directeur général et le directeur général adjoint ont fait montre d’une légèreté blâmable quant aux attributs et délégations de signature et de pouvoir accordés au directeur des ventes. Ils ont brillé par l’absence de réaction prompte dès la connaissance par eux des violations de la politique et de la procédure de l’octroi des ristournes.

Lorsque les commissaires aux comptes ont signé les montants des stocks en fin d’exercice 2010, les directeurs généraux n’ont pas cherché à déterminer les responsables de ces anomalies, afin de comptabiliser la créance sur les auteurs identifiés de ces manquants. Il est donc évident que la direction générale ne soit justement pas à même d’expliquer ces déperditions des huiles, des tourtereaux et des ristournes manipulées par eux au sein de l’entreprise ».

Dépenses de 5 milliards FCfa engagées au profit de Coton Sport

Le juge d’instruction argue qu’Iya Mohammed n’a pas eu l’autorisation du Conseil d’administration pour mettre sur pied Coton sport de Garoua et le complexe sportif. « La preuve en est qu’il ne produit aucun procès-verbal du Conseil d’administration de la Sodécoton pour la période 2005-2010, comportant une résolution intégrant Coton sport comme une de ses composantes. C’est justement ce qui explique l’absence de consolidation des comptes entre la Sodécoton et Coton sport ». Pour asseoir cette accusation, Evouh Ekanga s’appuie sur une audition de l’actuel directeur général adjoint de la Sodécoton, Henri Clavier, qui a affirmé qu’« il n’existe pas à ma connaissance de lien juridique entre Coton sport et la Sodécoton ». Nouhou Boukar et Jean Jeuikouo de la direction comptable de la Sodécoton enfonce davantage leur ancien Dg : « jusqu’à preuve de contraire, nous n’avons pas souvenance que Coton sport et Sodécoton soient regroupés au sein d’une même entité unique.

Ils  sont considérés selon notre avis comme étant totalement indépendants l’un et l’autre ». En outre, le juge d’instruction affirme que « Iya Mohamed a initié et posé la quasitotalité de gestion administrative et financière de Coton sport ». Evouh Ekanaga conclut qu’« il est clairement établi que c’est Iya Mohamed qui a fait faire des mises à dispositions des fonds par chèques ou par virements bancaires, sans que l’autorisation préalable de procéder à de telles transactions financières d’une telle importance ne lui ait été accordée par le Conseil d’administration de la Sodécoton, comme ça a été le cas lors du Conseil d’administration du 19 avril 1994, ayant autorisé le déblocage de la somme de 50 millions FCfa au profit de la Sodécoton ».

Prestation injustifiée de 350 millions FCfa


Le juge d’instruction reproche à l’ancien directeur général de la Sodécoton d’avoir débloqué la somme de 350 millions FCfa au profit du cabinet Cameroun audit conseil (Cac), par ailleurs, commissaire aux comptes de la Sodécoton, dans le cadre d’une prestation de conseil fiscal. Il se fonde sur l’article 697 de l’Ohada qui interdit à un commissaire aux comptes de réaliser dans la société qu’il audite, une mission autre que celle à lui autorisée par la loi. « La réalisation de la mission d’assistance à l’obtention d’un avantage fiscal est incompatible avec la mission de commissariat aux comptes », énonce le juge d’instruction. Il croit savoir que « ce qui est interdit à un commissaire aux comptes en tant que contrôleur d’une société, n’est pas autorisé au directeur général en tant que gestionnaire de ladite société ». D’où, le fait qu’en plus de Jérôme Minlend, président directeur général de Cac, Iya Mohammed est également poursuivi pour ce chef d’accusation.

Prélèvement d’une indemnité de 7 millions FCfa sans base légale

Iya Mohammed a expliqué qu’il a accordé cette indemnité de 7 millions FCfa au secrétaire de la commission de passation des marchés publics de la Sodécoton sur recommandation du président de ladite commission pour « le travail abattu par ce secrétaire ». L’ancien Dg a dit n’avoir jamais obtenu cette indemnité complémentaire. Le juge d’instruction pour sa part sanctionne le fait qu’Iya Mohammed n’a produit aucun texte de loi en vertu duquel il a posé cet acte. « L’inculpé s’est contenté d’affirmer qu’il a compris en tant que gestionnaire qu’il avait une obligation de résultat et a estimé possible de le faire. Il est donc clair qu’aucune loi en la matière n’existe. Loin de dire qu’on a « estimé », qu’on a « compris », ce genre d’expressions frise des excuses », estime le juge d’instruction. Jean Fouagou, le secrétaire de la commission de passation des marchés publics, lui, a avoué les faits et a restitué le corps du délit.

© Le Jour : Eitel Elessa Mbassi


25/08/2014
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