Issa Tchiroma : Le Nouveau « Nettoyeur » du régime de Yaoundé ?

Issa Tchiroma : Le Nouveau « Nettoyeur » du régime de Yaoundé ?

En tournée pré-électorale dans la région administrative du Nord, le 13 février dernier, Issa Tchiroma, Président du FSNC (Front pour le Salut National du Cameroun) et Ministre  de la Communication du gouvernement camerounais  n’a pu s’empêcher encore une fois, d’y aller de sa complainte, au sujet de l’image du Cameroun à l’extérieur « terni par des compatriotes à l’étranger ». Remplissant encore, si besoin en était, ce mur de lamentations que le gouvernement a érigé depuis peu, dès que le mot « Cameroun » est prononcé, écrit ou vu en dehors des frontières du Triangle national.

 

Sauf que cette fois, sous la casquette de Ministre de la République du Cameroun, en charge de la Communication, Issa Tchiroma s’est démarqué de ses autres comparses, tenants du même discours, en mentionnant quelque chose de nouveau et qui fait frémir : « A partir de Guider, j’invite la nation à la vigilance. On ne peut pas diriger le Cameroun à partir de Paris, Londres, Bruxelles, Genève, Washington ou Montréal. Ceux qui veulent entrer à Etoudi par effraction en procédant de la sorte seront mis hors d’état de nuire » (sic). Hors d’état de nuire ! Cela veut-il dire, comme on a connu dans un passé pas si lointain que çà… empêcher d‘agir et de parler ? Réduire au silence ? « Et par quels moyens ? » aurait-on envie de demander au porte-parole du gouvernement camerounais. Monsieur Tchiroma ne prends pas de gants, ne s’embarrasse pas de scrupules. Avec lui, pas de faux-fuyants, la menace est explicte : « …ils seront mis hors d’état de nuire ».

Le principe de réalité est le suivant pour Issa Tchiroma : les camerounais qui sont à l’extérieur du Cameroun et qui « se permettent de critiquer » le pouvoir en place n’aiment tout simplement pas leur pays. Ce sont des anti-patriotes. That’s it ! That’s all. Cela n’augure rien de bon dans les semaines, voire les mois prochains, pour les camerounais installés à l’étranger et qui prennent part aux débats publics de leur pays. Le rapprochement est ainsi inévitable avec le quintet d‘officiers de police débarqué à Montréal depuis quelques semaines déjà ; et qui s’évertue tant bien que mal à « intégrer » la communauté camerounaise. On les voit se démener comme de beaux diables pour glaner ici et là des informations personnelles sur leurs compatriotes qui exercent dans les médias ou encore qui mènent des activités citoyennes et politiques.

Avec cette sortie publique et officielle, M. Issa Tchiroma s’est arrogé, au Cameroun, le rôle et - qui sait ? Peut-être bientôt aussi - la fonction dévolus, ailleurs et à une autre époque, à Béria et Himmler confondus : la traque et l’élimination des opposants réels ou supposés. Monsieur le Ministre de la Communication ne pouvant souffrir que certains de ses compatriotes expriment leur amour pour leur pays, le Cameroun, et non pour celui ou celle qui en est à la tête. Ce qui, pourtant, n’en fait pas des camerounais entièrement à part, mais des camerounais à part entière, au même titre que M. Issa Tchiroma. Alors, il faut les mettre « hors d’état de nuire ».   

 

La queston qui demeure est de savoir si cette agitation politicienne alliée à l’espionnite aiguë qui s’est emparée du pouvoir aux affaires à Yaoundé ne met-elle pas ainsi en exergue, la frilosité et la paranoïa d’un régime aux abois ? Sentiments qui cachent la pierre tombale de « l’éternité au pouvoir », rêve, longtemps caressé par de nombreux barons-conservateurs de ce régime, qui voient d’un très mauvais œil, tout changement politique, car alors servitudes et privilèges ; passe-droits et trafic d’influence prendront ainsi fin.  Que faire ? Il faut mettre « hors d’état de nuire » toutes celles et tous ceux qui ont un discours autre que le leur. Spécialement ces camerounaises et camerounais qui vivent à Paris, Bruxelles, Washington ou Montréal.  

 

(Mal)heureusement, ce type de comportements et de propos sont justement, ceux-là même, qui pourraient pousser des camerounais, démocrates et modérés, à se retourner et à opter pour un radicalisme politique sans retour…Avec ce que cela comporte comme risque d’embrasement social. En effet, les ingrédients sont macérés. Seule la flamme est attendue. Alors il est plus que nécessaire, pour les tenants de la thèse tchiromienne : « mettre hors d’état de nuire », de savoir raison garder. Pour l’intérêt commun du Cameroun.

 

© Cyrille Ekwalla

Journaliste
CYRCOM MEDIA



02/03/2010
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