Issa Tchiroma Bakary: "Le message du Chef de l’Etat clot tous les autres messages"

YAOUNDE - 09 AOUT 2010
© Jocelyne NDOUYOU-MOULIOM | Cameroon Tribune

Issa Tchiroma Bakary, ministre de la Communication, revient sur l’incident qui a marqué les obsèques de Pius Njawe, samedi dernier, à Babounatou.

Issa Tchiroma Bakary, ministre de la Communication, revient sur l’incident qui a marqué les obsèques de Pius Njawe, samedi dernier, à Babounatou.


Avant qu’on ne revienne sur tout ce qui s’est passé à Babouantou lors des obsèques de celui qui est présenté comme l’une des icônes de la presse, M. Pius Njawe, je voudrais vous demander si, de votre point de vue, pour la presse camerounaise, il y aura un avant et un après Njawe ?

Je tiens d’abord une fois de plus à rendre un hommage à la mémoire de Pius Njawe qui a été cette icône iconoclaste et rappeler aux uns et aux autres que Njawe est de ces monuments qui appartiennent à la démocratie. Et quand on parle de la démocratie, on ne parle pas d’un parti politique, mais de l’ensemble des partis politiques. Il y a eu un certain nombre d’hommes politiques, en particulier de la presse. Je voudrais rendre quand même hommage aussi à une certaine classe politique qui a fait preuve d’élévation, de transcendance. Il y a eu des hommes politiques qui ont eu à communiquer lors de ces obsèques et ont fait preuve d’élévation et c’est ce que cette nation attend de cette catégorie d’hommes. En revanche, il y a eu des journalistes, mais pas tous, des hommes politiques en quête de notoriété qui ont voulu instrumentaliser cette presse, récupérer ces obsèques. A ceux-là, je dis simplement que leur comportement est un déshonneur, une profanation à la douleur la famille et à la mémoire de Njawe. Ils ont fait preuve d’amateurisme politique. Ils se sont trompés à la fois de bataille et d’adversaire. La tradition africaine veut qu’autour d’une dépouille et par respect pour la famille éplorée, quand bien même il y a un différend, on met ce différend de côté. C’est en violation de tous ces principes que ceux-là se sont accaparés naturellement de la mort et des obsèques pour occuper les devants de la scène. Mal leur en a pris parce que la nation ne les suivra pas. Alors, est-ce qu’il y a un avant ? Oui ! Est-ce qu’il y aura un après ? Oui ! Parce que je pense que l’esprit de Njawe ne mourra pas avec sa disparition. Il a été une icône, nous respectons son combat. Un combat que beaucoup de Camerounais ont livré et continueront à livrer pour l’avènement d’une démocratie digne et respectable, celle que le chef de l’Etat est en train de construire.


M. le ministre, ceux à qui vous vous adressez aujourd’hui ont également leur point de vue sur la question. Ils estiment que le gouvernement, les pouvoirs publics ont également voulu récupérer ces obsèques pour organiser une espèce de réconciliation avec celui qui a été leur adversaire…

Voilà donc le dilemme, la difficulté du gouvernement. Si d’aventure, avant d’avoir été sollicité par la famille, du fait de sa position de président de la République qui est le père de la nation, président de ceux qui le soutiennent comme de ceux qui le combattent, président de ceux qui l’aiment comme de ceux qui le détestent, le président de la République, sans attendre, témoignait et manifestait cette générosité, ceux-là qui ont instrumentalisé les obsèques auraient dit que le président est content de s’être débarrassé d’un adversaire. Maintenant que le président de la République a été sollicité par la famille – j’ai reçu le président Mocty et la sœur de Pius Njawe qui m’ont écrit, le fils aîné de Njawe a saisi le président de la République pour porter à sa connaissance la mort de son père et solliciter quelque chose – et c’est tout à fait normal. Ça honore cette famille qui est une famille républicaine parce que le chef de l’Etat républicain est le père de tous, il a répondu. Voilà que aujourd’hui les gens disent que le gouvernement veut faire de la récupération. Qu’est-ce qu’il faut faire ? Si le gouvernement n’avait rien fait, on aurait dit que le gouvernement est content de sa disparition. Maintenant que le gouvernement a fait quelque chose, ça nous vaut encore un lever de boules vertes. Vous comprenez donc le dilemme du gouvernement. Et c’est là, en raison de quelques journalistes et des politiciens qui prennent des vessies pour des lanternes que cette situation est en train de devenir invivable. Qu’on respecte la mémoire de Njawe, qu’on honore son engagement à faire de la démocratie au Cameroun une démocratie véritable. Le gouvernement refuse de polémiquer. Le gouvernement salue l’attitude des autorités administratives qui ont rappelé l’orthodoxie gouvernementale en matière de communication. Je voudrais par là dire que chaque fois que le chef de l’Etat envoie un message quelque part, pour quelque raison que ce soit, il faudrait que les uns et les autres sachent que le message du chef de l’Etat est celui qui clôt tous les autres messages. Si d’aventure il y en a qui ne le savaient pas ou veulent induire en erreur parce qu’ils veulent de manière idéologique ou dogmatique se poser, qu’ils sachent désormais que c’est comme ça. Chaque fois que le président de la République se manifeste quelque part par un message, ce message clot tous les autres messages.


Maintenant M. le ministre il y a une polémique qui a ressurgi à l’occasion de ces obsèques. La polémique qui veut que le gouvernement ait été impliqué d’une manière ou d’une autre dans la mort de Pius Njawe. Qu’est-ce que vous répondez à ça ?

Ce n’est pas le gouvernement qui répond, c’est la famille qui a répondu. Elle a pris une posture claire : Njawe est mort des suites d’un accident. La correspondance dont je suis détenteur, qui émane à la fois du responsable de la famille et de la sœur. Par devoir, lorsque j’ai réuni la famille pour remettre le don que le chef de l’Etat leur a adressé, ils ont demandé qu’on ne politise pas. Il est mort des suites d’un accident. Je voudrais profiter de cette occasion pour le dire. Njawe représente quelle menace ? Njawe n’a jamais milité dans un parti politique. Njawe n’a jamais représenté une menace quelconque. Njawe n’a jamais été cet homme politique qui aspirait à gouverner cette nation. Quelle menace a-t-il donc représenté au point de penser que le gouvernement peut de près ou de loin être impliqué dans cette disparition tragique ? Il faut absolument rappeler aux Camerounais, surtout au niveau de cette presse dogmatique pour qui rien de ce que fait le gouvernement n’a de grâce, - mais c’est une infime minorité, que Njawe est mort des suites d’un accident tragique. Une fois de plus, je dis condoléances à la famille et je demande à ce que la terre des ancêtres soit légère à Pius Njawe.


Un dernier mot M. le ministre, pour parler de l’après Njawe. Est-ce que le ministère de la Communication, d’une manière générale, pourrait intervenir dans ce qui va être entrepris pour la survie du Messager ?

Le Cameroun est ce pays où vous avez plus de 600 titres, je le rappelle toujours, 14 télévisons privées, une centaine de radios. C’est au nom de la vigueur et de la vitalité de la démocratie dans notre pays que Njawe, toute son existence, s’est battu. C’est vrai que la presse en général a des difficultés. La presse privée est financée par la publicité. Cette publicité qui aujourd’hui s’est réduite en peau de chagrin, ne présente pas toujours suffisamment de ressources pour la presse diversifiée. Njawe qui a été ce pionnier de la presse écrite avec le Messager lui-même avait connu d’énormes difficultés. Ce que nous souhaitons c’est la survie du Messager. Maintenant qu’est-ce que le gouvernement va faire ? Une fois de plus, si le gouvernement s’engage aujourd’hui à le faire, on dira le gouvernement a fait. D’abord dans le cadre de l’aide publique à la communication privée, Le Messager n’a pas sollicité d’aide. Donc il ne faut pas être plus royaliste que le roi. Si le Messager sollicite le gouvernement dans le cadre de cette aide publique à la presse privée, naturellement quelque chose sera entrepris, c’est certain. Mais de manière générale, le gouvernement entend mobiliser suffisamment de ressources pour permettre le financement du fonctionnement de la presse dite privée, en particulier si les dirigeants du Messager sollicitent le gouvernement, il verra ce qui pourra être fait.


Pius Njawé repose désormais à Babouantou


Par Alain TCHAKOUNTE

Le fondateur de Free Media Group a été inhumé samedi dernier dans son village natal près de Bafang, département du Haut-Nkam.
Amanda Njawé, la fille de Pius Njawé a presque le souffle coupé, la voix éraillée, par plusieurs jours éreintants de pleurs et de lamentations. Celle qui a porté la parole de la famille, n’a plus voulu dire un mot, au moment où les reporters de CT se sont une nouvelle fois approchés d’elle. Elle avait tout dit. Tout était dans son propos, lors des témoignages précédant l’inhumation de Pius Noumeni Njawé devant une assistance massive d’horizons, d’opinions et de classes sociales divers, venue saluer la mémoire et l’œuvre du disparu.

A commencer par les hommes d’église. Au cours de la célébration œcuménique, le pasteur Christophe Kontchou a axé sa prédication sur les actes de Pius Njawé, pour en conclure que ce fut un homme de paix, puisqu’il a toujours été à la recherche de la vérité. Pour lui, « lorsqu’on voit les grandes qualités du disparu, il est important de ramener tout le monde, la famille, le gouvernement, les personnes avec qui le disparu était en relation, autour de l’idéal spirituel de paix. »

Ensuite viendra une très longue série de témoignages. Du personnel du Messager à Reporters sans frontières en passant par les Camerounais de la diaspora, les représentants de la presse privée du Tchad, le chef supérieur Babouantou, les corporations de journalistes, plusieurs mots pour une seule évidence : Pius Njawé était un grand homme, « qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas », selon le propos du représentant du ministre de la Communication. Albert Mbida, après avoir réitéré les condoléances du gouvernement a déclaré : « Pius Njawé m’a permis de réviser une position dogmatique, que j’avais qui s’appelle la diplomite. Car j’avais cru qu’on ne devenait pas grand journaliste si on n’avait pas fait d’école spécialisée. La maladie diplomite a été guérie par le remède Njawé. » Au moyen d’anecdotes croustillantes sur ses rapports avec le disparu, l’inspecteur général du Mincom a reconnu en Njawé, « un homme de conviction qui a contribué à sa manière à faire avancer la démocratie au Cameroun. » Au point d’arracher à l’assistance, des applaudissements !

A retenir aussi cette solennité de ses pairs directeurs de publication, qui ont symboliquement remis un stylo sur sa dépouille. Au rang des hommes politiques, comment ne pas, après les passages de Adamou Ndam Njoya de l’UDC, Jean-Michel Nintcheu du SDF, Souleymane Mahamat de l’AFP, s’arrêter sur le témoignage de Dakolé Daissala ? Ce dernier a mis l’accent sur cette autre facette du directeur de publication du Messager : la lutte contre les accidents de la circulation, à travers sa fondation Jane and Justice. « En tant que ministre des Transports, j’ai découvert un autre homme, qui déployait le même acharnement pour la sécurité routière. Il s’y déployait avec une telle passion, une telle expertise. Même dans ce domaine, il était en conformité avec son engagement pour l’humain ». Au finish, et malgré un couac de dernière minute lié à l’oraison funèbre de Célestin Monga non lue parce que n’étant pas en convenance avec la rigueur du protocole, le message de condoléances du chef de l’Etat a clos ces obsèques à la mesure de l’aura du disparu.



09/08/2010
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