Issa Tchiroma Bakary: Et les maux pour le dire arrivent aisément - Le porte-parole du gouvernement est devenu un risque pour le pouvoir et un danger pour la stabilité des institutions

YAOUNDÉ - 06 Juillet 2012
© Felix C. Ebolé Bola | Mutations

Le porte-parole du gouvernement est devenu un risque pour le pouvoir et un danger pour la stabilité des institutions

En s'obstinant à dresser des malentendus sur son propre passage, le ministre de la Communication a fini par tramer tout un gouvernement dans l'immoralité publique. Pour commencer, celui qui prit les armes ce sont les historiens qui en parlent le mieux en début avril 1984 pour renverser Paul Biva devient, depuis qu'il a été fait alibi de la diversité idéologique, le garant d'une éthique dont il est le parfait contre-exemple. Ses récents faits d'arme en sont une implacable illustration.

Sous un gouvernement qui se veut un tantinet sérieux, ce qui sort de la bouche du porte-parole est difficilement attaquable puisque découlant d'une position solennelle. Chez lui, non seulement les vérités vraies secrètent l'hallali général, mais en plus les premières flèches, bien qu'à fleurets mouchetés et encore - viennent du camp qu'il prétend servir.

Issa Tchiroma Bakary amuseur public on bouffon de la République? Fauteur de dérapages verbaux en série, le Mincom est également un super-menteur dont les déclarations résistent rarement à l'épreuve des faits. C'est sans doute le prix à payer, lorsqu'on veut justifier son strapontin et les avantages qui vont avec. Le problème, avec les gens un peu trop volubiles, c'est qu'ils laissent parfois trainer des déchets qui finissent par les rattraper.

Ainsi, au plus fort de la polémique autour du fameux «Mémorandum du Grand-Nord», dont il revendiquait ostentatoirement les critiques acerbes contre le pouvoir de Yaoundé, le désormais violoncelliste du Renouveau qualifiait le chef de l'Etat de «monarque rétrograde». Episode oublié. Le célèbre prisonnier Marafa Hamidou Yaya, dans sa première lettre ouverte, a révélé avoir affirmé au chef de l'Etat que M. Tchiroma "ne mérite pas de siéger au gouvernement de la République": «Vous et moi et d'autres (y compris lui-même) savons à quoi je fais référence.» L'explication de contexte est donnée par le propre cadet de celui ci, Hassana Tchiroma, au lendemain de son exclusion du Front pour le salut national du Cameroun (Fsnc): «Il veut faire croire au président de la République que, pour lui, il est prêt à livrer bataille et jeter son frère en pâture pour le servir. Il s'agit, pour Issa Tchiroma, d'un sacrifice capital et d'un combat qu'il mène contre l’ancien ministre Marafa Hamidou Yaya».


Sévices rendus

Mercredi dernier à l'Assemblée nationale, l'actuel ministre de la Justice, Laurent Esso, a répondu par personne interposée à une question orale d'un député au sujet de la mort en prison, dans la nuit du 21 au 22 avril 2010, du directeur de publication du journal Cameroun Express, Germain Cyrille Ngota Ngota. M. Esso, alors secrétaire général de la présidence de la République, fut présenté comme celui qui fit engager la procédure judiciaire contre le disparu, mais aussi ses trois camarades d'infortune pour «contrefaçon des signatures et timbres, des marques et imprimés». A l'hémicycle, on a appris que «malgré la gravité des faits, (Laurent Esso) n'a jamais intenté un procès en diffamation ni en dénonciation contre» le disparu et les autres.

A l'époque des faits, Issa Tchiroma Bakary avait multiplié des déclarations tapageuses et des ronds de jambe allant dans le sens contraire. Il affirma que M. Esso avait porté plainte dès le vendredi, 5 mars 2010. Il poussa le vice jusqu'à révéler un prétendu statut sérologique de Bibi Ngota, pour justifier son genre de mort. Il est donc mort et enterré, et on s'étonne aujourd'hui que le même agité du sérail ne revienne point à la charge pour expliquer pourquoi ses autres «complices», à qui il a imputé des forfaits aussi graves, sont encore en liberté. Dans cette affaire, il y a certainement quelqu'un qui ment quelque part. Et on douterait qu'il s'agisse de ceux-là qui crièrent à l'abus de pouvoir...

Abonné des frasques, dont certaines revêtent de sérieux relents mafieux, le Mincom a décidé, le 18 juin dernier, de l'octroi d’ «un appui spécial au titre de l'aide publique à la communication privée, pour le compte de l'exercice budgétaire 2012» en faveur de la Société brésilienne de production Ciné Vidéo, de France Télévisions, de la British Broadcasting Corporation (Bbc) et de la Japan Broadcasting Corporation (Jbc).

Le comble, ce n'est pas tant l'enveloppe globale dédiée à ladite «aide», jugée déjà insignifiante par les médias locaux et qu'on se croit obligé de distribuer également d'autres organismes qui n'ont pourtant rien demandé. C'est que certains des heureux bénéficiaires se trouvent être des médias d'Etat dans leurs pays respectifs, qui gèrent par ailleurs de colossales enveloppes budgétaires. Ils n'appartiennent donc pas au secteur de «la communication privée». Devant le tollé général, l'impayable comique est revenu à la charge pour s'enfoncer dans la gadoue, via ses services: «Le texte se rapportait à un classement interne, à l'intention de la hiérarchie, sur les structures étrangères ayant réalisé des reportages de bonne facture en faveur de l'image du Cameroun au cours des deux dernières années» C'est donc du paiement de services rendus mais non facturés qu'il s'agit. Et donc d'une tentative de corruption.

Le jour où le porte-parole du gouvernement se rendra compte à quel point ses égarements nuisent gravement au pouvoir, au moment où il prendra conscience de ce qu'une langue trop pendue peut devenir une arme de déstabilisation massive, il sera peut-être trop tard pour arrondir les angles. En sommes-nous éloignés ?




07/07/2012
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