Infrastructures: La Présidence veut torpiller l'autoroute Yaoundé - Douala

YAOUNDE - 04 AVRIL 2012
© Parfait N. Siki | Repères

Une réunion tenue mercredi 29 mars au secrétariat général de la présidence de la République remet en cause le projet, au moment où 284 milliards de financement ont été mis à disposition par Eximbank China.


Maquette Autoroute Yaounde-Douala
Photo: © Reperes


L'information, révélée par des sources à la présidence de la République, laisse encore pantois, tant le projet d'autoroute Yaoundé-Douala est devenu un symbole des grandes réalisations de M. Paul Biya. Mercredi 29 mars, une réunion a été organisée au secrétariat général, présidée par le maître des lieux, M. Ferdinand Ngoh Ngoh, avec à ses côtés le secrétaire général adjoint, M. Magloire Séraphin Fouda, une brochette de ministres, dont MM. Robert Nkili des Transports, Alamine Ousmane Mey des Finances, Patrice Amba Salla des Travaux publics, Emmanuel Nganou Djoumessi de l'Economie, et des responsables des services du Premier ministre. A l'ordre du jour: l'autoroute Yaoundé-Douala. La dernière actualité concernant cette infrastructure est l'accord de déblocage, jeudi 8 mars, de 284 milliards de francs CFA d'Eximbank China pour son financement. En y allant, certains pensaient que la présidence de la République avait besoin de détails et de précisions avant de proposer à la signature présidentielle le projet de décret habilitant le Minepat à signer la convention de prêt concessionnel avec la partie chinoise.

Les choses ne vont pas se dérouler de cette façon. Après un exposé du ministre des Travaux publics sur le projet, le secrétaire général de la présidence va passer la parole au ministre des Transports. M. Robert Nkili va alors «démonter» l'autoroute Yaoundé-Douala, suivi par M. Ferdinand Ngoh Ngoh lui-même, avant de demander aux services du Premier ministre de reprendre le dossier. Au final, on retiendra des interventions hostiles à l'autoroute Yaoundé-Douala qu'elle est trop chère, qu'il n'existe pas encore d'études, que le tracé est insatisfaisant et que la dette du pays pour l'annee 2012 est plafonnée à 200 milliards dans la loi de finances, bien en dessous des 284 milliards octroyés par Eximbank China et tutti quanti d'éléments dont l'objectif était déjà arrêté: interrompre le processus de construction d'une autoroute entre Yaoundé et Douala. Une démarche bizarre du secrétariat général de la présidence de la République, au moins par la pertinence contestable des arguments invoqués pour torpiller le projet et leur timing, c'est-à-dire au moment où le plus difficile est fait: trouvé les fonds.

D'abord sur le coût: 284 milliards pour la première phase, qui sera longue d'au moins de 80 km, mais pourrait atteindre les 100 km en accord avec l'entreprise partenaire chinoise, China First Highway Engineering Company Limited (CFHECL). En tout cas la longueur définitive sera indiquée dans le contrat des travaux qui n'est pas encore signé. Ce qui équivaudrait à un prix unitaire de 2,8 milliards le km d'autoroute, qui inclut les études et la conception d'une infrastructure d'une largeur trois fois supérieure à une route ordinaire et de deux fois deux voies. «De toutes les façons, si on ne fait pas cette route aujourd'hui, elle coûtera toujours plus cher plus tard en raison de l'inflation. Si on avait construit l'autoroute il y a dix ans, elle aurait peut-être coûté la moitié du prix actuel», dit un expert.

Autre grief porté contre le projet par le secrétariat général de la présidence de la république, son tracé. Le schéma en étoile retenu n'est pas du goût des pourfendeurs de l'autoroute. De Yaoundé à Yingui dans le Nkam puis dédoublement à gauche à Douala et à droite à Bafoussam, cette option ne serait pas conforme, d'après la présidence de la République, au projet initial d'autoroute entre uniquement Yaoundé et Douala. «Et puis, aurait ajouté M. Ferdinand Ngoh Ngoh, c'est au chef de l'Etat d'arrêter le tracé final.» Pourtant, l'option d'une boucle autoroutière Yaoundé Douala-Bafoussam-Yaoundé est inscrite dans le DSCE, cadre de référence de l'action gouvernementale, depuis 2009. De plus, le tracé en étoile réduit les distances et permet de réaliser une substantielle économie estimée à 400 milliards et désenclave de nombreuses localités délaissées par la route actuelle, dont le département du Nkam.

Autre élément qu'on veut opposer à l'autoroute: le plafonnement de l'endettement public limité dans le budget 2012 à 200 milliards, en vertu de l'article 19 de la loi de finances. Mais c'est un obstacle surmontable, a indiqué le Minfi, au cours de la réunion. Il suffit de demander à Eximbank de débloquer une première partie des fonds pour le financement des études et la suite dès 2013, a expliqué M. Alamine Ousmane Mey. Le contrat de conception réalisation signé en août 2011 avec les partenaires chinois n'est pas du goût de M. Ferdinand Ngoh Ngoh alors qu'elle est la conséquence des efforts des négociateurs camerounais, qui ont trouvé une entreprise pour financer les études de la route et la construire alors que le gouvernement avait eu longtemps du mal à dégager des ressources pour le financement des études.

Le SGPR aurait préféré un contrat PPP (partenariat public-privé). Sauf que cette autoroute n'est pas rentable pour un investisseur. Une étude de la Société financière internationale (SFI) démontre que le taux de fréquentation de l'actuelle route Yaoundé-Douala n'atteint pas la masse critique de rentabilisation avec un péage à 1 000 francs.


09/04/2012
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