«Inconnu, sauf de Dieu»: Découvert mort dans le train d'atterrissage d'un avion de Camair-Co, Un adolescent camerounais enterré sous X près de Paris

PARIS - 03 MAI 2013
© Clotaire MVAKANGA | Correspondance

Ce matin en me rendant au travail, une information m’a fendu le cœur car elle m’a touché dans ma sensibilité d’être humain et blessé dans ma chair de camerounais.


Mme la Mairesse, sa secrétaire et le chef des services techniques de la commune de Mauregard
Photo: © Patrick ARTINIAN/Contact Press pour le Monde


Ce matin en me rendant au travail, une information m’a fendu le cœur car elle m’a touché dans ma sensibilité d’être humain et blessé dans ma chair de camerounais.

Un enfant mineur, venu de notre lointaine patrie qui rêvait d’une vie meilleure à «Mbeng» a eu le courage ou la folie de prendre l’avion. Il lui a manqué les 4 ou 5 mille euros à verser aux différents intermédiaires ou passeurs qui courent les rues de Yaoundé et Douala. Il lui a manqué la patience d’attendre d’avoir fini de grandir et de tenter 10 à 15 fois sa demande de visa auprès des différents consulats des pays européens à travers le pays. Non, cet enfant s’est simplement glissé dans le train d’atterrissage d’un avion de la CAMAIR-CO pour réaliser son rêve. Il lui a manqué l’intelligence, les moyens et peut-être aussi le temps d’attendre. En tout cas il a le mérite d’être mort en pensant réaliser son rêve. Toujours est-il que le jeune homme ou du moins son cadavre a été découvert lors d’une inspection de routine de l’avion à l’aéroport de Roissy Charles De Gaulle le 08 avril 2013. Le plus bouleversant c’est d’apprendre dans les média les conditions de son inhumation.

Aucun élément matériel n’ayant permis à la gendarmerie d’identifier le corps, les prélèvements d’ADN et d’empreintes digitales ont été effectués et des photos remises aux autorités camerounaises de l’ambassade du Cameroun à Paris et au consulat de France à Yaoundé. Les communes jouxtant l’aéroport se seraient tout d’abord rejetés la responsabilité de l’inhumation avant qu’une brave femme, Madame Marion BLANCARD n’accepte en tant mairesse de Mauregard, petite commune de 350 âmes d’accueillir ce corps sans nom et de prendre des dispositions pour une cérémonie sobre mais très digne.

Selon l’article du Monde daté du 02/05/2013, «Il a été porté en terre dans un joli cercueil en chêne vernissé, avec d'élégantes poignées en cuivre. Il repose désormais entre la tombe d'un poilu "mort pour la patrie" en 1916 et un caveau de famille. Le cimetière est intime, propre, très bien entretenu. Une jolie sépulture a été commandée. Il ne manquera rien à ce mort. Juste un nom sur la stèle

Ce qui fait le plus mal c’est le vide autour de ce mort tombé du ciel certes, mais qui venait de notre lointain pays quand on sait que chez nous, nous veillons sur nos morts et les accompagnons en grand nombre à leur dernière demeure. Il se nommait peut-être NOUMA, ISSA, KAMDEM ou MVOGO mais à cette cérémonie on aurait pu avoir des responsables de notre compagnie nationale de transport aérien CAMAIR-CO ou quelques personnes envoyées par l’ambassade du Cameroun.

Et comment ne pas imaginer le CAMEROUN mobilisant sa représentation diplomatique à Paris pour faire rapatrier le corps à Yaoundé ? Le Cameroun n’est pas un pays misérable, l’Etat a largement les moyens d’intervenir dans de telles circonstances. C’est une question d’humanisme et il en va de l’image du Cameroun. Il ne suffit pas de dire que les journalistes et les opposants salissent l’image du pays à l’étranger pour prouver qu’on la défend. Il n’est pas trop tard pour demander officiellement que le corps soit rendu au Cameroun et à sa famille.

On n’arrive pas à l’aéroport de Nsimalen par hasard pour s’installer dans le train d’atterrissage d’un avion comme si on prenait un «clando» à Mvob-Mbi. Ce jeune homme a dû faire un travail de préparation pendant des mois, il a même certainement fait des petits boulots autour de l’aéroport et a peut-être bénéficié d’un minimum de complicité pour accéder à la piste, puis aux appareils stationnés. Cela prendra à peine deux jours aux policiers pour retrouver sa trace et celle et sa famille.

Les résultats de l’autopsie indiquent qu’il avait entre 15 et 17 ans, et qu’il est mort d’asphyxie par manque d’oxygène à 9000 mètres d’altitude et son corps a gelé à -50°C.



Inconnu, sauf de Dieu
Photo: © Patrick ARTINIAN/Contact Press pour le Monde


Mme BLANCARD ne connaissait rien du petit; alors elle a fait lire ce petit poème en guise d’oraison funèbre:

"Une voix m'appelle, l'instant est venu / Il me faut partir, je ne peux rester / Dans ce monde-là auquel j'avais cru / Et qui brusquement m'a abandonné / Je vous laisse mes rires / Je vous laisse ma joie / Je ne vais plus souffrir / Alors souriez-moi."

Comme il n’avait pas de nom, elle a fait rajouter en dessous du «X masculin» la mention «Inconnu, sauf de Dieu» sur la plaque en cuivre vissée au cercueil.

Merci Madame.

Correspondance de Clotaire MVAKANGA, Paris le 03/05/2013.



04/05/2013
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