Incarcération de MARAFA HAMIDOU YAYA et de INONI EPHRAÏM : le Président de la Fondation Moumié répond à nos questions

Incarcération de MARAFA HAMIDOU YAYA et de INONI EPHRAÏM : le Président de la Fondation Moumié répond à nos questions

Thierry Amougou:Camer.be"Je veux tout simplement dire que lorsque le Titanic a coulé il y a cent ans, son capitaine s’est suicidé dans sa cabine car il se savait le seul unique responsable du naufrage du bateau. Ce monsieur est resté un grand capitaine et on en parle encore aujourd’hui contrairement au capitaine du Concordia qui, dernièrement, s’est échappé de son bateau en abandonnant son équipage et tous les clients à leur triste sort..."

Thierry AMOUGOU bonjour.Il y a quelques mois vous disiez que le discours d’investiture du Président Biya n’était qu’un discours de plus pour amuser la galerie. Le fait de mettre aux arrêts deux éléphants de son régime consiste-t-il toujours à amuser la galerie ?

Monsieur Bonjour. Nous sommes exactement dans la même logique que celle du discours d’investiture de Paul Biya. Le Renouveau National reste identique à lui-même car il persiste et signe de rester au niveau des mesures formelles et non des mesures de fond pouvant permettre à une société de sortir du trou noir où elle a été plongée depuis trente ans. Il est tout simplement criminel et honteux de savoir que des Camerounais ont à ce point spolié les Camerounais et détruit le Cameroun depuis plus d’un quart de siècle. Parler de deux éléphants du Biyaïsme mis en prison par Biya, devrait vous mettre la puce à l’oreille car la tête du système et le système-lui-même ne peuvent être hors de la pourriture qui n’attaquerait que quelques membres et quelques articulations de sa charpente politique. Le Cameroun est prisonnier d’un système atteint de la tête aux pieds par le virus de la médiocrité. La forme l’emporte toujours sur le fonds car à l’instar de « Toinette » personnage du malade imaginaire de Molière, Paul Biya coupe la main quand le malade à mal à sa main. Il coupe le pied quand le malade a mal à son pied. Cette logique montre que le Cameroun ne peut retrouver les arguments d’un régime qui le développe réellement que si la tête du système est elle-même coupée pour faire disparaître toute la pourriture qui ronge le pays. Nous restons donc dans la pure comédie car le malade imaginaire de Molière montre aussi que les malades ont affaire à un faux médecin qui se contente plus de les complaire que de les soigner.

Que voulez-vous dire par là ?

Je veux tout simplement dire que lorsque le Titanic a coulé il y a cent ans, son capitaine s’est suicidé dans sa cabine car il se savait le seul unique responsable du naufrage du bateau. Ce monsieur est resté un grand capitaine et on en parle encore aujourd’hui contrairement au capitaine du Concordia qui, dernièrement, s’est échappé de son bateau en abandonnant son équipage et tous les clients à leur triste sort. Le capitaine du Titanic fait actuellement partie des géants de l’histoire maritime quand celui du Concordia doit répondre de son comportement criminel devant la justice italienne. Il existe donc deux type de capitaines dans la vie. Ceux qui assument leur fiasco et acceptent en payer le prix et ceux qui accusent l’équipage et prenne un gilet de sauvetage pour s’enfuir du bateau en train de chavirer. Ramener au cas du Cameroun, cela montre que le bateau-Cameroun ne peut couler sans que son capitaine depuis trente ans soit hors de cause. C’est ce capitaine qui a choisi son équipage au sommet de l’Etat depuis plus d’un quart de siècle. Il ne peut ne pas répondre du fiasco de ses équipes et de leurs membres. La logique veut que le capitaine suive donc tout son équipage à Kodengui, la prison centrale de Yaoundé. Si nous voulons rebâtir notre pays, nous devons dire la vérité en allant au fond des choses et en pointant les responsables du doigt ainsi que le faisait le Christ, l’homme de la Bible. Les problèmes du Cameroun ont bien des causes principales à ne pas taire. C’est pourquoi dans mon dernier livre je propose que le Cameroun revienne la responsabilité pénale du Président de la République non pour insécuriser la fonction présidentielle, mais pour la responsabiliser et protéger les ressources collectives.

Les décisions ne sont donc pas à la hauteur des enjeux du pays ?

Pas un seul instant car le Cameroun et les Camerounais doivent revendiquer une indemnisation complète après avoir subi un préjudice concret qu’ils vivent encore du fait du comportement médiocre, vénal et libidineux d’une clique au pouvoir depuis 1982. Nous sommes aujourd’hui un pays pauvres et très endetté cela veut dire que la dette internationale que nous traînons, en dehors des pertes logiques dues aux crises, est en grande partie le fruit des malversations du Renouveau National. Cela veut dire que le Biyaïsme est fortement endetté envers les Camerounais et que payer cette dette consiste à sortir le pays de la dynamique régressive actuelle. Aucune des mesures prises par le système responsable de cet état n’est à la hauteur de ce défi sociétal et même de civilisation. Cette dette n’est pas seulement financière mais morale. Le Biyaïsme est déjà en prison dans les cœurs de tous les Camerounais morts, au chômage, en souffrance ou affamés parce que les ressources du pays ont été détournées de leurs usages collectifs pour servir le train de vie d’une clique fourvoyée par la libido accumulative. Envoyer ses amis en prisons ne règle pas ce problème mais montre qu’il est réel.

Au regard de tout ce que vous venez  de dire, quel est selon vous le plus grand danger que court le pays ?

Dans mon dernier livre, je parle du fait que la crise civique que vit le pays est impulsée depuis le sommet de l’Etat par une « feymania d’Etat » qui induit une « feymania populaire » car le peuple spolié essaie de s’en sortir par tous les moyens. Les dirigeants voleurs ont donc inversé les valeurs sociétales en faisant des émules au sein de toute la société. Etant donné que le système en place est verrouillé par une armée camerounaise mise aux petits soins d’un régime délinquant, cette armée participe par ce biais à la descente aux enfers du pays car elle renforce la mal gouvernance. En outre, le plus grand danger est que le système se perpétue en ayant contaminé les jeunes Camerounais pour qui une vie réussie revient à engranger sur le dos de l’Etat, villas, voitures, terrains, femmes et milliards par dizaine. C’est cela la civilisation et les valeurs sociétales installées par le Biyaïsme. Une société de plaisir sans travail est fugace et instable car le plaisir est autodestructeur et tourne le dos au rêves historiques. Cela risque de coûter très cher au futur de ce pays si un électrochoc ne remet les choses en place par un changement drastique de cap.

Et les grandes réalisations alors ?

Les Camerounais restent silencieux car ils sont déçus voire dégoûtés par un régime qui n’ayant plus de projet mobilisateur, use et abuse de gadgets. Le drame de notre pays est que lorsqu’on système est en faillite, le peuple ne peut le changer par manque de démocratie. Ceux qui profitent et accumulent grâce à cette faillite s’organisent pour que la faillite continue car c’est une réussite pour eux. Par conséquent, le système en faillite se perpétue grâce à une logique inédite qui présente son chef comme le choix du peuple aux dernières présidentielles. Les Grandes réalisations, dans un tel univers, signifient au moins quatre choses :
- La continuité de la faillite conçue comme grande ambition de ceux qui en sont responsables ;
- La gestion de ses propres déficits de gouvernance en  mettant ses collaborateurs en prisons ;
- Un déni de réalité en refusant de constater que l’opération Epervier est la manifestation la plus irréfutable du fiasco historique du Renouveau National ;
-Le refus de voir que la plus grande réalisation pour le pays est de laisser ses chances au Cameroun en démissionnant afin d’arrêter-là le massacre des espoirs de tout un peuple.

Un dernier mot ?

Le Cameroun va sûrement entrer dans le record Guinness du plus grand nombre de hauts responsables d’un régime en exercice en prison pour détournement de deniers publics. Triste record et honteux à la fois quand on sait que le Prince, il y a quelques années, disait que la vérité venait d’en haut et la rumeur d’en bas. La rumeur qui venait du bas a montré qu’elle était la vérité car le haut a la moralité des frères Dalton.

• Thierry AMOUGOU, Président de la Fondation Moumié
Dernier ouvrage publié : « Le Biyaïsme : le Cameroun au piège de la médiocrité politique, de la libido accumulative et de la (dé)civilisation des mœurs », Harmattan, 2011, 392 pages.

Lire l'article qui a suscité cette interview sur ce lien

© Camer.be : Entretien réalisé par Seumo Hugues


17/04/2012
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