Il ya 25 ans c'était la tentative de putsh: Quelles lecons?


Le putsch comme conséquence d’une grave crise politique

Le Coup d’Etat de 1984 marqua l’apogée des contradictions que traduisaient les incessants conflits d’intérêts, toujours plus aigus, qui mettaient aux prises les différents clans de l’UNC, convaincus chacun que l’heure de la succession au dictateur AHIDJO avait sonné.

Cédant aux pressions de la nouvelle direction politique de la puissance tutrice, inquiet des conséquences dangereuses que pourrait avoir une guerre ouverte au sommet de l’Etat, prenant par ailleurs en compte l’ampleur de la crise politique qui ruinait son pouvoir, M. AHMADOU AHIDJO démissionna de son poste de Chef d’Etat, à la surprise générale, désignant du même coup son successeur en la personne de M. Paul BIYA.

Les réseaux françafricains avaient recommandé M. Paul BIYA comme successeur. M. AHIDJO n’hésita point, convaincu que M. BIYA serait facile à manipuler. M. AHIDJO, bien que démissionnaire forcé, croyait pouvoir continuer à diriger le Kamerun avec l’UNC, son Parti. Le conflit inévitable qui naquit de la rivalité entre Messieurs BIYA et AHIDJO tourna à l’avantage de M. BIYA auquel s’identifièrent les nouvelles classes de fonctionnaires instruits et d’entrepreneurs et commerçants impatients de fructifier leurs affaires bloquées dans un système rétrograde.

Pour se débarrasser de M. AHIDJO, l’entourage de M. BIYA, qui avait entre temps recruté le célèbre tortionnaire FOCHIVE, imagina une fausse tentative d’assassinat de  M. BIYA, ourdie par AHIDJO et que devaient exécuter les officiers SALATOU et OUMAROU. Il n’en fallait pas plus pour que M. AHIDJO essaie d’ourdir un vrai complot en demandant aux ministres musulmans ressortissants du Grand Nord et à  M. MBOMBO NJOYA de démissionner du gouvernement. Une crise politique aurait éclaté et M. BIYA aurait été acculé à la démission. M. AHIDJO serait revenu en sauveur. Malheureusement pour M. AHIDJO, Messieurs SADOU DAOUDOU et MBOMBO NJOYA s’opposèrent à son projet ; M. BIYA en fut informé. Il fut alors demandé à M. AHIDJO de s’exiler, dans la honte et le déshonneur. C’est un homme battu politiquement et déshonoré qui réclama la paternité du Coup d’Etat d’Avril 1984. Exilé, il avait mal apprécié le rapport de forces ; l’échec du putsch devint l’échec personnel d’un homme qui, 2 ans auparavant, apparaissait comme invincible et irremplaçable. Il ne restait plus à AHIDJO que la mort en exil pour qu’il sorte de l’Histoire par la plus petite des portes. Pour terminer de l’humilier, M. BIYA arracha à AHIDJO le parti politique qu’il avait créé et en changea même le nom.


M. BIYA a-t-il tiré les leçons de l’agonie politique de M. AHIDJO ?

La fin tragique et humiliante de M. AHIDJO ne semble pas inspirer l’actuel locataire du Palais d’Etoudi. L’évocation que nous en avons faite prouve à suffisance que son plus proche collaborateur de l’époque qui devint d’ailleurs son successeur ne peut pas raisonnablement ignorer les raisons fondamentales qui ont conduit M. AHIDJO à l’échec. Un jour avant sa démission, aucun Kamerunais n’aurait imaginé que moins de 2 ans plus tard, M. AHIDJO serait contraint à l’exil, se cachant pour rencontrer des compatriotes vivant au Sénégal. La très grande erreur de M. AHIDJO fut d’ignorer les lois de l’Histoire. Or l’Histoire nous enseigne que les dictatures ont beau durer, elles finissent par s’écrouler et toujours de manière dramatique. Les dictatures créent les conditions de leur effondrement et c’est presque toujours dans l’isolement total que les dictateurs sont défaits.

 
En apportant massivement leur soutien à M. BIYA dans son combat épique contre M. AHIDJO, avant, pendant et après le putsch, les Kamerunais voulaient clairement signifier leur désir de changement, de changement pour un Kamerun moderne c'est-à-dire démocratique, où la liberté et la justice seraient égales pour tous, où les richesses seraient équitablement partagées, où l’alternance politique serait possible et effective. M. BIYA, mal entouré et mal conseillé, détourna la sympathie des Kamerunais et décida de régner à vie sur le Kamerun et les Kamerunais. On ne sera donc pas surpris de constater que moins de 8 années après son arrivée au pouvoir, M. BIYA essuya une longue désobéissance civile de près de 6 mois. Les Kamerunais exigeaient un nouveau pacte social et étaient prêts à payer le prix qu’il fallait pour l’obtenir. N’eût été la collusion de la majorité de la classe politique de l’époque avec le pouvoir de M. BIYA, ce dernier aurait été obligé de céder à la revendication de la Conférence Nationale Souveraine ou d’abandonner le pouvoir. C’est pour le sanctionner de n’avoir pas cédé à cette revendication que les Kamerunais votèrent majoritairement pour M. FRU NDI à l’élection présidentielle de 1992.


Ingrédients pour une nouvelle irruption volcanique

Depuis cette date, le pouvoir de M. BIYA s’est radicalisé, s’éloignant chaque jour davantage des aspirations à la modernité des Kamerunais. Malgré les discours enchanteurs, la réalité de l’autocratie se confirme chaque jour. Les Kamerunais sont désabusés, ne font plus confiance au jeu politique et ne rêvent plus de changement. Le pays s’enfonce dans une incroyable crise politique, exactement comme en 1975 – 1982 sous M. AHIDJO.

En 1975, M . AHIDJO n’était Président que depuis 15 ans, mais déjà le problème de l’alternance à la tête de l’Etat se posait. Jules ATANGANA, journaliste en verve à l’époque de Radio Cameroun, posa ouvertement la question à M. AHIDJO lors d’une conférence de presse : « alors, M. le Président, avez-vous résolu le problème de votre succession ? » l’enflure de la crise politique après le congrès de l’UNC dit congrès de la maturité en 1975, permit aux observateurs sérieux d’annoncer dès 1976 la fin prochaine du règne de M. AHIDJO après les grèves de Douala et les arrestations de centaines de jeunes qui s’ensuivirent. 7 ans plus tard, le régime AHIDJO était à bout de souffle ; pourtant la situation économique n’était pas si mauvaise.

Aujourd’hui, la crise politique est doublée d’une sévère crise économique et sociale qui dure depuis 22 ans. Nous assistons régulièrement à des irruptions de colère venues de couches de populations de plus en plus nombreuses et variées. La réponse du régime est invariable : répression et de plus en plus répression sanglante.  Sur le plan politique, toutes les élections qui ont eu lieu depuis 1992 ont été truquées, la volonté du Peuple n’a pas été respectée. Pire, la majorité de nos citoyens ne peuvent même pas accéder à une carte d’électeur. Conséquence, seule une minorité de Kamerunais votent. Pour bloquer toute perspective d’alternance, M. BIYA a fait modifier la Constitution  ; il peut désormais attendre la mort au pouvoir. La voie est toute tracée pour une immense irruption volcanique.

Crise politique, crise sociale, crise économique, tous les ingrédients sont bel et bien en place.Quelle forme prendra l’irruption ? Bien sorcier sera celui qui nous le dira. Une chose au moins est certaine, le régime du « renouveau » n’a pas tiré les leçons du putsch de 1984.
ABANDA KPAMA *
03/04/2009 18:24:1

(*) Homme politique, Manidem


03/10/2009
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