Il y a 49 ans, Ahmadou Ahidjo se dotait des pleins pouvoirs grâce auxquels il a instauré la dictature au Cameroun

Écrit par Enoh Meyomesse |
Lundi, 24 Mai 2010 21:23

 

Il y a 49 ans, Ahmadou Ahidjo se dotait des pleins pouvoirs grâce auxquels il a instauré la dictature au Cameroun.Nombreux sont les Camerounais pour qui, la date du 29 octobre névoque aucun souvenir en eux. Et pourtant, celle-ci est une date sombre dans lhistoire de notre pays. Cest ce jour-là quAhidjo a obtenu, de force, les « pleins pouvoirs » à lAssemblée Législative, pour rédiger un projet de constitution, étant donné que la date de la proclamation de lindépendance avait déjà été fixée, et, selon lui, pour « mâter la rébellion » qui sévissait au Cameroun.

 

29/10/1959 …. 29/10/2008 : Il y a 49 ans, Ahmadou Ahidjo se dotait des pleins pouvoirs grâce auxquels il a instauré la dictature au Cameroun

Nombreux sont les Camerounais pour qui, la date du 29 octobre névoque aucun souvenir en eux. Et pourtant, celle-ci est une date sombre dans lhistoire de notre pays. Cest ce jour-là quAhidjo a obtenu, de force, les « pleins pouvoirs » à lAssemblée Législative, pour rédiger un projet de constitution, étant donné que la date de la proclamation de lindépendance avait déjà été fixée, et, selon lui, pour « mâter la rébellion » qui sévissait au Cameroun.

 

Nous aurions pu faire un commentaire du débat qui a précédé l
octroi de ces fameux pleins pouvoirs au dictateur quétait en train de devenir Ahmadou Ahidjo ; mais, nous préférons le mettre à la disposition des Camerounais, afin que, 49 ans plus tard, ils le vivent eux-mêmes. Bien mieux, nous estimons que ce genre de document ne peut être que dune très grande utilité pour les nombreux chercheurs en science politique que compte notre pays.

Séance plénière du 29 octobre 1959 au matin. Le président de l
Assemblée législative était désormais Jean-Baptiste Mabaya, qui venait de remplacer Daniel Kemajou. La séance est ouverte à 9 h 35.

M. le Président : La discussion générale est ouverte. La parole est à M. Daniel Kemajou. (Applaudissements des démocrates camerounais).

M. le Premier ministre (Ahmadou Ahidjo): Je veux dire un mot seulement. Je m
excuse auprès de M. Kémajou, mais avant quil parle, je voudrais indiquer que le gouvernement accepte le texte amendé par la commission, et je voudrais préciser que souvre actuel-lement le débat sur la question de confiance posée par le gouvernement, afin quil ny ait pas déquivoque.

M. Kemajou : Le projet gouvernemental sur les pleins pouvoirs soulève de notre part plusieurs observations. Les pleins pouvoirs permettraient de lutter contre le terrorisme, sans doute par une répression purement militaire, d
élaborer le projet de Constitution hors de lAssemblée, de préparer une loi électorale, de résoudre par des échanges de lettres les problèmes dordre international, délaborer des conventions avec la puissance tutélaire quest la France, et, enfin, de concentrer, entre les mains dune seule et même personne les pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaire, cest-à-dire dinstaurer une dictature, le pouvoir personnel ou, en dautres termes, le règne du bon plaisir, de lomnipotence policière, des camps de concentrations, des déportations, des arrestations et emprisonnements arbitraires, des exécutions sommaires, des pendaisons, des licenciements arbitraires et abusifs des fonctionnaires, des persécutions des étudiants dans les lycées et collèges, du chômage, de la misère noire, des injustices sur injustices, de lexclamer, etc, etc, etc.


Voilà ce qui nous attend.
Comme vous le constatez vous-mêmes, messieurs, ces projets sont foncièrement dangereux et, de ce fait, méritent d

Pour nous, lamnistie totale et inconditionnelle dans lensemble du pays, la Table Ronde, où seraient conviées toutes les forces politiques du Cameroun, et la formation dun gouvernement dunion nationale peuvent seules résoudre le drame camerounais.

Quant à M. Ahidjo, la répression militaire seule suffit, et le projet de Table Ronde aboutirait, selon lui, à une assemblée de bavards. Pourtant, l
Assemblée na jamais gêné le gouvernement dans son action, et la toujours secondé quand il a été ferme aussi bien que lorsquil a été clément. Par ailleurs, la représentation effective des populations du pays Bassaa a beaucoup contribué au calme qui règne dans cette région. En outre, la rapidité et lefficacité dune action gouvernementale menée sans avoir à rendre des comptes à lAssemblée souveraine nest pas prouvée.

Jusquà présent, lAssemblée a toujours su légiférer rapidement et efficacement lorsque la situation lexigeait. Par conséquent, lactivité de notre Assemblée ne saurait être considérée comme entravant la marche du pays vers lindépendance, amis bien au contraire, comme ly guidant.

Enfin, lAssemblée, représentant seule le peuple, ne saurait être écartée de la discussion et de lalabastron des projets de Constitution et de loi électorale. En fait, les conséquences réelles des pouvoirs spéciaux seraient les suivantes :
1/- le gouvernement aurait les mains libres pour résoudre le problème du terrorisme par la répression pure et simple, risquant de pourrir définitivement la situation, et ceci dans d
autres régions que les pays Bamiléké et le Mungo.
2/- le gouvernement pourrait également procéder à sa guise au sectionnement électoral, à la répartition des sièges et à l
aménagement, au seul profit du parti de lUnion Camerounais, UC, de toutes les dispositions de la loi électorale.

M. Akono : Très bien !

M. Kemajou : M. Ahidjo préparerait ainsi en paix l
élimination des gêneurs sur la route du pouvoir. Je mexplique. Si les pleins pouvoirs étaient accordés à M. Ahidjo, une nouvelle catégorie de régime politique serait née au Cameroun, consacrant une façade démocratique officielle, derrière laquelle se dissimulerait une autocratie plus rigoureuse que la monarchie de Louis XIV ou lempire de Pierre le Grand.
Sur le banc des démocrates camerounais : C
est exact !

M. Kemajou : Le système électoral et de savants découpages permettraient de maintenir une fiction démocratique qui ne tromperait personne, par une série de moyens simples en même temps quingénieux, qui sont des entraves apportées à la propagande électorale de lopposition jusquau trucage des urnes et du dépouillement, en passant par larrestation des candidats défavorables au gouvernement et de leurs sympathisants, les pressions directes ou indirectes sur les électeurs, les violations du secret des votes, etc., il sera appuyé par une infime minorité de citoyens, dobtenir de confortables majorités électorales. A la limite, le système tend au régime du parti unique. Quand on sait déjà comment se déroulent les opérations électorales dans certaines régions du Cameroun, et plus particulièrement dans le Nord, il faut sattendre au pire. On sait, par exemple, que le Lamido qui essaie de tenir tête à M. Ahidjo est menacé de destitution ou demprisonnement. (Protestation de M. Lamine. Applaudissements des Démocrates camerounais)

M.Akassou : Quand un tonneau est vide il fait du bruit.

M. Kemajou : On sait que le père dun député qui nobéit pas servilement aux ordres du Premier ministre….

M. Akono : Très bien !

M. Kemajou : recevra immédiatement une inspection administrative
Sur le banc des Démocrates camerounais : Très bien !


M. Kemajou :

M. Lamine : Vous avez attendu le 29 octobre pour dénoncer cela ?

M. Kemajou : Je reprends. On sait que le père dun député qui nobéit pas servilement aux ordres du Premier ministre recevra, immédiatement, une inspection administrative ou des gendarmes qui le menaceront de poursuites judiciaires ou demprisonnement. Vous pouvez, messieurs, à partir du présent, juger de lavenir lorsque, le 1er novembre 1959, M. le haut-commissaire Xavier Torre viendra, ici, au nom de la France, nous mettre à la porte pour sacrer M. Ahidjo « empereur du Cameroun ». (Applaudissements des Démocrates Camerounais et des élus de la Sanaga-Maritime et du Nyong et Kellé).

M. Ahidjo engagerait, pendant au moins six mois, notre pays devenu indépendant, le 1er janvier 1960, dans des accords quil serait seul à examiner, et seul à signer, sans contrôle possible des élus du peuple, et risquant dobérer lavenir du pays sur tous les plans. Politiquement, lindépendance, la vraie indépendance que le peuple camerounais attend, ne sera quun leurre, la liberté, ce bien précieux pour lequel nombre de nos meilleurs fils sont morts et continueront à mourir, la liberté pour la quelle tant dhommes, de femmes, denfant souffrent en exil, au maquis, dans les prisons et camps de concentration, ne sera plus que la continuation de loppression coloniale, lasservissement à jamais, lesclavage à jamais.

Economiquement, ce sera la continuation de la récession, la baisse des exportations et, par là même, des recettes fiscales, réduisant le pays à la dépendance totale vis-à-vis de létranger auprès de qui il faudra mendier.


Du point de vue social, le maintien des étrangers dans de hauts postes de commandement, et plus particulièrement dans le Nord, mauvaise camerounisation des cadres, mauvaise utilisation de nos diplômés rentrés de la métropole et réduits à occuper de petits postes subalternes, travail de sape ou destruction avouée et systématique des structures traditionnelles sans rien de valable pour les remplacer, aggravation du chômage dans le pays, préparation d

La démocratie est le régime suivi au Cameroun et il lui convient parfaitement. Or, le fonctionnement normal dune assemblée législative, est la seule véritable garantie de cette démocratie. Cette démocratie permettra lunification réelle des deux Cameroun, alors que la dictature préparerait une scission fatale du pays.


Messieurs les députés, je crois vous avoir fait toucher du doigt le danger que représente l

M. Akono : Exact.

M. Kemajou : M. Ahidjo qui est essentiellement impopulaire, demande les pouvoirs spéciaux, uniquement pour faire la guerre à ses frères camerounais et surtout compromettre à jamais lavenir de tout un peuple.
N
oubliez pas que toute concentration du pouvoir entraîne un accroissement de pouvoir.
N
oubliez pas que lautorité corrompt ceux qui lexercent et les campe contre les citoyens.
Une fois que M. Ahidjo sera proclamé tout puissant, rien ne pourra plus l
arrêter sur le chemin du despotisme. Il fera la pluie et le beau temps.


Vous savez que lorsque les médiocres sont au pouvoir, ils sont toujours tentés d

Messieurs, ce triste tableau renforce davantage notre inquiétude dans lavenir de notre pays. Les intentions de la France ne sont pas pures. Pourtant le ministre Jacquinot déclarait à la tribune des Nations Unies que lindépendance, cest lindépendance. Nous nous apercevons aujourdhui que ce nest pas vrai. Cest un piège à cons quil nous a tendu.

M. Lamine : Vous étiez à l
ONU, il fallait le dire là-bas (Remous et rires dans la salle).
M. Tsalla Mekongo Germain : (Salué par des applaudissements des membres de son groupe) M. le président, messieurs les députés, mesdames et messieurs, depuis quelque temps, l
Assemblée législative camerounaise offre au monde un spectacle particulièrement original : celui de voter des lois qui, au lieu dêtre salutaires, cest-à-dire davoir pour effet la promotion économique, le relèvement du niveau de vie des Camerounais, la protection des citoyens, la garantie des libertés démocratiques, etc, travaillent, bien au contraire, à la perdition de ce pays.

Cest ainsi que, par exemple, avant de se séparer en juin dernier, elle a laissé librement en circulation la fameuse et horrible loi sur le maintien de lordre public, dont lapplication fait tant de misères, sème la panique et détruit la population camerounaise dans les régions du Sud, de Centre et de lOuest du pays.

() en dautres termes, il est demandé aux députés de se débarrasser de leur mandat pour le confier à un seul individu qui désormais parlera et agira au nom de tous les habitants de la nation.() le Premier ministre vous demande de vous dessaisir de ce mandat précis que vous tenez de ces millions délecteurs camerounais, pour lui laisser seul le soin de régler et de décider du sort de l'Etat. Il aurait été infaillible que la chose se concevrait, et non sans peine dailleurs. Mais, il nen est rien. Pourquoi même concevoir une telle idée ?
Députés, êtes-vous tous malades, si malades qu
il vous est impossible dassurer votre mandat complètement ? Et si oui, la punition seule aurait justifié votre décision. Etes-vous incapables de légiférer au nom du peuple ? Dites-le lui, tout simplement, sans équivoque. Avez-vous tout simplement besoin de vous reposer? A cela je me permets de répondre que nous venons à peine de reprendre nos travaux depuis seize jours, après un long congé parlementaire de quatre mois.

Pourquoi donc accepter de céder à un seul individu le mandat que vous détenez du

peuple? Est-ce que, si cela était fait malgré tout, vous oseriez encore vous présenter un jour devant ce peuple pour solliciter de nouveau ses suffrages et sa confiance?

() M. Ahidjo, grand citoyen camerounais, et puis et puis ? Mais, pas général. Je ne doute pas quun jour notre Premier ministre porte les mêmes étoiles et accomplisse sinon les plus grands, du moins, les mêmes exploits, puisquil sagit daffaire de vocation. Pour le moment, je men tiens aux seules réalités de lheure et conclu quil ne peut pas valoir De Gaulle sur ce plan personnel.

M. le Premier ministre : Il me suffit de dépasser Mbida.

M. Tsalla Mekongo Germain : Vous ne vallez même pas Mbida. Vous ne pouvez encore moins le dépasser !

Akono Claude : Vous êtes impopulaire, M. le Premier ministre

M. Tsalla Mekongo Germain : Dans le domaine politique, jai signalé déjà que les circonstances qui ont porté le général de Gaulle au pouvoir ne sont pas les mêmes que celles qui sont actuellement connues au Cameroun.

En effet, la France était menacée d
une guerre civile du fait du mauvais fonctionnement de ses institutions, du mauvais système que vous connaissez. () Il fallait donc sauver la situation et personne, jusque-là, ny était arrivé. Cest alors que le peuple français fit appel à son ancien libérateur je dis bien « le peuple français » - pour le sauver du danger danarchie dont il était menacé. Et cependant, bien que sollicité par le peuple lui-même, De Gaulle na pas abusé de sa position pour demander les pleins pouvoirs, il na demandé que des pouvoirs spéciaux pour mener à bien la tâche pour laquelle il avait été appelé.

Au Cameroun, la situation actuelle s
est aggravée par laction du gouvernement qui fait la sourde oreille à toutes les suggestions qui lui sont faites en vue de dénouer la crise. Le peuple demande lamnistie totale et inconditionnelle, de nouvelles élections avant le 1er janvier 1960 sous le contrôle de lONU, et le rétablissement des ligues dissoutes et toutes les libertés démocratiques.

Ce qui est le plus absurde, c
est quau moment même où le peuple camerounais ne veut plus sentir le gouvernement Ahidjo, cest à ce moment précis que celui-ci sollicite les pleins pouvoirs
Dans la salle : Pauvre peuple !

M. Tsalla Mekongo Germain : Avec cela, il veut se comparer à De Gaulle, à la France. Il faut être aveugle pour ne pas voir que ces mesures sont dictées à M. Ahidjo par la France, directement ou indirectement.

M Akassou : Ce nest pas vrai !

M. Tsalla Mekongo Germain : Ainsi notre Premier ministre accepte de jouer le rôle dun instrument entre les mains de la France pour la destruction et le malheur de son propre pays.( ) Parlant dargent, la France, pour réaliser ses desseins, emploie à prix d



30/05/2010
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 299 autres membres