Hollande, la Corrèze et le Zambèze

Hollande, la Corrèze et le Zambèze

Hollande, la Corrèze et le ZambèzeLa boucle est bouclée. C’est au défunt Raymond Cartier, journaliste à Paris-Match -à l’instar de Valérie Trierweiler, compagne du successeur de Nicolas Sarkozy-, que l’on doit la fameuse formule « La Corrèze avant le Zambèze ». Normand de naissance, François Hollande est Corrézien d’élection. Et si l’on n’était pas à ce point attaché à la paix des ménages, on rappellerait que Ségolène Royal, qui partagea longtemps la vie du futur locataire de l’Elysée, vit le jour à Ouakam, aux portes de Dakar.

Voilà qui, à l’évidence, ne suffit pas à fournir à l’élu du 6 mai le vadémécum africain dont il aurait tant besoin à l’heure où lui échoient quelques dossiers brûlants, notamment sahéliens. Une même perplexité teintée d’angoisse flotte dans les corridors des palais du continent : pour peu qu’il en ait une, à quoi ressemble en la matière la vision du nouveau ? Les uns invoquent sans trop y croire les mânes du tiers-mondiste Jean-Pierre Cot, éphémère ministre de la Coopération de François Mitterrand.

Les autres s’échinent à déchiffrer l’avenir dans les entrailles des poulets. Non pas les volailles qu’interroge, le poignard à la main, le prêtre vaudou ; mais les notes dont les experts réels ou supposés de son staff ont abreuvé le prétendant « normal » au fil de la campagne. Si, hormis Alger, où il accomplit un stage au temps de l’ENA,  l’ex-maire de Tulle connaît fort mal l’Afrique -mais sans doute vaut-il mieux la connaître peu que prétendre la connaître trop bien-, s’il a renoncé aux escapades subsahariennes envisagées un temps -Liberia, Niger ou Addis Abeba, siège de l’Union africaine-, les initiés sont légion dans son entourage.

On citera le député européen d’origine algérienne Kader Arif, chef de file du pôle Coopération internationale de l’équipe, le « M. Afrique » du PS Thomas Mélonio, par ailleurs chargé d’études au sein de l’Agence française de développement, l’ancien directeur général de la même AFD Jean-Michel Severino, l’académicien Jean-Christophe Rufin, voilà peu ambassadeur au Sénégal, et Christiane Taubira. Ou encore le Franco-Togolais Kofi Yamgnane, jadis secrétaire d’Etat à l’Intégration de François Mitterrand et maire de Saint-Coulitz (Finistère). Celui la même qui décrocha en 1992 le « Prix de l’humour politique » pour ce raccourci goguenard : « Je suis un Breton d’après la marée noire ».

Faute de mieux, François Hollande a dépêché ces derniers mois des émissaires dans diverses capitales. Laurent Fabius, qui rêve du Quai d’Orsay, a ainsi visité Lomé (Togo), Cotonou (Bénin) et Libreville (Gabon). Quant à Jean-Louis Bianco, il a fait le voyage d’Abidjan, tandis que Lionel Jospin assistait à Dakar à l’investiture du Sénégalais Macky Sall, vainqueur d’Abdoulaye Wade. 

Le tombeur de Sarko a lui-même rencontré le 15 mars à Paris, au siège de l’Unesco, le chef d’Etat nigérien Mahamadou Issoufou, réputé proche d’Arnaud Montebourg. Affinité élective : le parti du nouveau maître de Niamey appartient à l’Internationale socialiste. Issu de la même famille, Alpha Condé (Guinée-Conakry) mise lui aussi sur la bienveillance du nouveau locataire de l’Elysée. En revanche, chez les vieux caïmans du marigot, tels le Tchadien Idriss Déby Itno, le Camerounais Paul Biya, le Congolais Denis Sassou-Nguesso ou l’Equato-Guinéen Teodoro Obiang, l’inquiétude prévaut.

D’autant que les trois derniers nommés sont visés par une enquête sur les « biens mal acquis » dont le déclenchement doit beaucoup à la pugnacité de l’avocat William Bourdon, conseiller aux droits de l’Homme du candidat PS. Les vétérans doivent-ils s’affoler ? Pas sûr. Il fut un temps -en novembre 1998 précisément- où Sassou recevait à l’hôtel… Bristol un certain François Hollande, alors premier secrétaire du parti à la rose. Lequel Hollande accueillera trois ans plus tard rue de Solférino le Burkinabé Blaise Compaoré, parvenu au pouvoir au prix d’un putsch et après avoir enjambé le cadavre de Thomas Sankara.    

La Côte d’Ivoire ?

Joli cas d’école. Nul n’ignore le rôle décisif joué par la France dans le dénouement de la guerre de l’alternance qui endeuilla le pays des Eléphants l’an dernier ; ni les liens d’amitié qui unissent Alassane Ouattara à Nicolas Sarkozy. Il se murmure même que celui-ci devait recevoir celui-là en ce lundi. Pour autant, on parierait volontiers que, là comme ailleurs, les impératifs de la Realpolitik l’emporteront. Après tout, le nouvel ambassadeur de France sur la Lagune Ebrié, Georges Serre, fut le conseiller Afrique d’Hubert Védrine. Quant à Me Jean-Paul Benoît, avocat « apparenté socialiste » de l’Etat ivoirien, il aurait adressé au plus illustre des Tullois quelques notes.

A ce stade, le catéchisme hollandais recourt à un lexique familier. Il est question de partenariats équitables, de co-développement, de coopération décentralisée et d’une attention accrue portée aux ONG. En revanche, tout porte à croire que l’examen des mesures préconisées par les plus radicaux -fermeture de toutes les bases militaires françaises, abandon de la parité fixe entre le Franc CFA et l’euro, sabordage de la cellule africaine de l’Elysée voire du ministère de la « Coopé »- sera reporté aux calendes hollandaises. Mais voilà : vacciné par les reniements de l’ère Sarkozy : on préfèrera toujours une inflexion authentique à une « rupture » illusoire. Vive la Corrèze! Vive le Zambèze! Et pas de Cartier pour la Françafrique.

© lexpress.fr : Vincent Hugeux


09/05/2012
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