Hillary Clinton piège Obama en Côte d'Ivoire

César Etou
Notre voie

Dans deux ans, c’est l’élection présidentielle aux USA. Barack Obama pourrait être le candidat des Démocrates, mais, pour ses détracteurs, il n’est plus question de lui laisser la possibilité de reprendre Joe Biden comme son colistier...Obama doit continuer à subir plus de déboires pour lâcher Joe Biden au profit de la Secrétaire d’Etat. La crise post-électorale en Côte d’Ivoire offre une opportunité inattendue à Hillary.

Nous l'avons déjà écrit : les Ivoiriens admettent que la crise ivoirienne est fomentée par la France. Mais ils s'interrogent sur l'intérêt «subit» éprouvé par le président des Etats-Unis d'Amérique, Barack Obama, de s'associer au président français, Nicolas Sarkozy, pour accomplir le coup d'Etat en Côte d'Ivoire. Les détracteurs de Laurent Gbagbo brandissent naturellement cette collusion comme étant la preuve que Gbagbo a perdu les élections. Or, dans cette crise d'intérêts qui s'entrechoquent, les preuves abondent aujourd'hui que le président américain a été grossièrement piégé par Hillary Clinton en Côte d'Ivoire.

M. Raïla Odinga est depuis hier à Abidjan. Il revient poursuivre la médiation, désormais au nom de l'Union africaine, entre les acteurs politiques ivoiriens. A la demande du Gabonais Jean Ping, président de la Commission de l'UA engagée dans «la recherche d'une solution pacifique» à la crise post-électorale en Côte d'Ivoire, le Premier mi-nistre kényan s'était déjà joint, le 3 janvier dernier, aux émissaires de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest. En compagnie des présidents mandatés par la CEDEAO, à savoir Pedro Pirès (Cap Vert), Yayi Boni (Bénin) et Ernest Baï Koroma (Sierra Leone), Odinga avait été dépêché à Abidjan pour «mieux s'informer» sur la crise ivoirienne et permettre à l'organisation panafricaine d'asseoir définitivement son opinion sur cette crise. Aujourd'hui, le retour de Raïla Odinga à Abidjan à la tête d'une délégation de médiation, et non plus comme supplétif à une délégation sous-régionale de haut niveau, montre bien que l'UA a décidé de soulager la CEDEAO visiblement perdue dans les manipulations colonialistes. Selon des sources diplomatiques africaines, l'UA est déterminée à prendre en main tout le dossier ivoirien et le Premier ministre kényan a pris des galons inattendus dans la mission.

Fissures dans les soutiens internationaux de Ouattara

Bien entendu, la présence de Raïla Odinga au sommet de la médiation africaine dans cette crise post-électorale paraît très curieuse à première vue. On se souvient que la veille de son premier voyage dans la délégation de la CEDEAO à Abidjan, la presse étrangère lui avait prêté des propos très maladroits pour un médiateur en mission d'information : «Raila Odinga a déclaré que son rôle serait de plaider auprès de M. Gbagbo pour l'amener à accepter la volonté du peuple», avaient annoncé certaines presses. "Je vais utiliser ma position en tant qu'ami de M. Gbagbo … pour dire [à M. Gbagbo] qu'il s'agit d'un processus, que vous pouvez perdre une élection et que cela ne vous empêche pas de gagner les élections suivantes”, aurait-il déclaré à la radio britannique BBC. Mais la séance de travail et d'échanges de près de trois heures au Palais présidentiel ce 3 janvier 2011, avec Laurent Gbagbo, a visiblement permis à Raila Odinga de découvrir quelques «contours cachés» du problème ivoirien. Depuis ce voyage en terre ivoirienne, le Premier ministre kényan n'a plus chargé le président Laurent Gbagbo. Mieux, il serait devenu l'un des farouches opposants à la sauvage «solution armée», à la sauce ECOMOG, prônée par quelques chefs d'Etat serveurs de thé de Sarkozy au sein de la CEDEAO. Fait encore plus notable, au moment où Odinga revient en Côte d'Ivoire, la coalition internationale agrégée par le président français, Nicolas Sarkozy, autour d'Alassane Ouattara, s'effrite. Plusieurs Etats de la CEDEAO ont clamé haut et fort leur opposition à tout recours à la solution militaire en Côte d'Ivoire. D'autres Etats travaillent à la mise sur pied du Comité d'évaluation réclamée par le président Gbagbo. De vastes mouvements de recadrage des positions sont en cours dans les chancelleries africaines et occidentales pour faire éclater la vérité des élections ivoiriennes au grand jour.
Ainsi, pour ce qui concerne les Etats-Unis d'Amérique (USA), les brouilles entre le président Barack Obama et le président Laurent Gbagbo semblent s'estomper. Le président américain aurait même été très heureux de se faire expliquer par Jean Ping que le choix de l'Union africaine a été porté sur Raïla Odinga pour mener la médiation en Côte d'Ivoire et que le président ivoirien, Laurent Gbagbo, n'y a vu aucun inconvénient. Au début de cette crise post-électorale, le président américain avait, lui aussi, intimé l'ordre au président ivoirien de partir du pouvoir, et Laurent Gbagbo lui aurait réservé un cinglant revers en refusant de le prendre au téléphone. Mais, cela semble être du passé. Le ministre ivoirien des Affaires étrangères, Alcide Djédjé, a révélé, dans une interview accordée au quotidien français France-Soir, une information d'importance : «Le président Obama s'est ravisé. Il ne veut plus continuer dans le sens de la France. Nous lui avons expliqué la situation ici et il ne veut plus suivre Sarkozy» (Notre Voie du 17-01-2011, page 2). Par contre, devant une dizaine de milliers de manifestants accourus, samedi dernier, au Palais de la Culture de Treichville, Mme Simone Ehivet Gbagbo, Première Dame de Côte d'Ivoire et Secrétaire générale du Congrès national de la Résistance et de la Démocratie (CNRD), a publiquement dénoncé les manœuvres de Mme Hillary Clinton, Secrétaire d'Etat américain (ministre des Affaires étrangères), dans les malheurs de la Côte d'Ivoire. Car, c'est bien l'épouse de l'ancien président Bill Clinton qui a poussé l'actuel locataire de la Maison Blanche (Palais présidentiel des USA), Barack Obama, à prendre à la hâte des positions honteuses contre le président Laurent Gbagbo. Dans la crise ivoirienne, chaque acteur extérieur poursuit un intérêt propre. C'est le cas de Mme Clinton.

Au nom des ambitions d'Hilary

Mme Hillary Clinton a hérité du poste de Secrétaire d'Etat américain comme trophée de consolation. L'épouse de Bill Clinton a été étalée, il y a deux ans, aux élections primaires des Démocrates par Barack Obama. Selon des informations disponibles dans nombre de chancelleries occidentales et africaines, Hillary (Américaine blanche) a ressenti sa défaite face à Obama (Américain noir) comme une humiliation. Le lobby qui la supporte a donc tout mis en œuvre pour l'imposer à la tête du Département d'Etat américain (ministère des Affaires étrangères) pour amortir le choc de la défaite, mais sa douleur n'est pas totalement essuyée. Elle attend son heure pour le faire payer à Obama. Pour l'instant, à ce poste qui lui permet de voyager à travers le monde, Hilary Clinton attend son heure en tissant sa toile. Elle noue des relations, établit des contacts qu'elle compte utiliser plus tard, le moment venu. En même temps, elle suit les activités d'Obama.
Par exemple, elle constate que, depuis son élection, le premier président noir des USA affiche une sincère compassion pour les souffrances infligées aux peuples noirs par l'esclavage. Obama milite pour «une réparation» de ce tort. De plus, dans la marche des nations modernes, Obama a affirmé, lors de son séjour au Ghana, pays voisin de la Côte d'Ivoire, que «la démocratie ne peut être viable dans les Etats africains sans des institutions républicaines fortes». Double crime de lèse-majesté aux yeux des descendants des colons qui continuent de faire et de défaire les régimes africains au rythme de parodies d'élections organisées pour placer leurs poulains à la tête de nos Etats. Comment faire pour avoir la peau de ce président «noir» des Etats-Unis qui semble vouloir bouleverser l'ordre établi par l'Occident ? A défaut de l'abattre, comment arriver à le contrôler?

La vice-présidence des USA, l'enjeu

Dans deux ans, c'est l'élection présidentielle aux USA. Barack Obama pourrait être le candidat des Démocrates, mais, pour ses détracteurs, il n'est plus question de lui laisser la possibilité de reprendre Joe Biden comme son colistier. L'actuel vice-président des USA file le parfait amour avec Obama et semble partager ses points de vue sur tous les dossiers. Et, pour leur malheur, quelques grains de sable se sont retrouvés dans… l'hamburger de la paire qui a battu Hillary aux primaires des Démocrates : la gestion de l'héritage des dossiers Iranien et irakien, comme celle du puzzle afghan et du terrorisme international, ainsi que les promesses électoralistes non encore entièrement satisfaites ont fait perdre à Obama, à mi-parcours de son premier mandat, la majorité au Congrès américain (Chambre des députés). Pour le lobby occidentaliste qui la soutient, le «crédit de popularité» d'Obama s'effrite et il faut continuer à l'enfoncer jusqu'en 2012, afin de pouvoir lui imposer un autre colistier, c'est-à-dire Hillary. Dans cette optique, l'épouse de l'ancien président Clinton bénéficie déjà d'un vigoureux coup de pouce au plan du lobbying international et de la promotion médiatique. La chaîne de télé américaine National Geographic lui a consacré, tout récemment, un document hors norme pour polir son image de futur vice-présidente des USA. Mais cela ne suffit pas, Obama doit continuer à subir plus de déboires pour lâcher Joe Biden au profit de la Secrétaire d'Etat. La crise post-électorale en Côte d'Ivoire offre une opportunité inattendue à Hillary.

Et les réseaux sont activés

La Représentation permanente des USA à l'ONU est dirigée par Mme Susan Rice (PHOTO). C'est Hillary Clinton, son amie de toujours, qui l'y a placée. Suzan Rice est l'amie de l'épouse américaine d'Adama Toungara, maire RDR d'Abobo, dirigeant du RDR d'Alassane Ouattara, candidat malheureux du 2nd tour de la présidentielle ivoirienne qui vit retranché au Golf Hôtel. Quand la crise post-électorale éclate, l'ambassadeur des USA à Abidjan, Philip Carter III, qui bénéficie d'une amitié tissée avec Ouattara au moment où celui-ci était DGA du FMI, saisit Hillary, sa patronne, pour solliciter son appui auprès d'Obama. Le réseau se met en branle. Mme Toungara s'active auprès de Susan Rice. Mme Rice facilite les choses auprès de Hillary.

Au lendemain du 2nd tour de l'élection présidentielle en Côte d'Ivoire, Mme Hilary Clinton, Secrétaire d'Etat américain, pond une déclaration par laquelle elle demande, entre autres recommandations, aux deux candidats, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, «de permettre à ce que le décompte et l'annonce des résultats se déroulent sans entrave et de respecter les résultats qui seront annoncés». Plus tard, quand le président de la CEI pris en otage au Golf Hôtel, a déclaré, hors délai constitutionnel et hors cadre, Ouattara vainqueur, l'épouse de l'ancien président Bill Clinton a félicité le fraudeur sans attendre le verdict final du Conseil constitutionnel ivoirien. Pis, elle a posé ces actes à l'insu de Barack Obama et manœuvré pour entraîner le président américain dans la combine. De toutes les façons, pour Hillary Clinton et le lobby qui travaille pour elle, quand le scandale de l'interventionnisme frauduleux des USA en Côte d'Ivoire éclatera, c'est Obama qui en pâtira. C'est lui que les Américains ont élu pour régler tous les dossiers avec rigueur et non personne d'autre !

Le président ivoirien, Laurent Gbagbo, n'a cessé de le répéter : l'autre nom de Dieu, c'est le temps. Dans la crise que vit la Côte d'Ivoire depuis 2002, le temps qui s'égrène apporte son lot de révélations, à chaque étape, chaque jour. A présent, de par sa farouche volonté de voir plus clair dans le dossier ivoirien, Obama semble avoir cerné le piège dans lequel sa puissante Secrétaire d'Etat l'a enfermé. Il n'est pas exclu de penser que Raïla Odinga, son «frère» et Premier ministre kényan, lui-même anti-Gbagbo au départ, ait contribué à attirer l'attention de Barack Obama sur le rôle néfaste de Mme Hillary Clinton dans le bourbier ivoirien.




19/01/2011
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